Accéder au contenu principal

Ils se fichent de nous

Le "fichier monstre" des papiers d'identité avance pesamment vers le réel qu'il va tenter d'enserrer dans ses griffes comme le python s'enroule autour de l'innocent agneau qui pour le coup ne s'appelle plus Pascal mais Méchoui*.

La population s'inquiète à juste titre de cette évolution, surtout qu'elle est à présent proposée par un camp politique qui s'y était opposé farouchement la dernière fois que la Bête avait pointé le bout de sa truffe immonde de gestapiste aviné au schnapps. Et, avec l'absence ostensible d'élégance et le mépris qui le caractérisent, le Sinistère de l'Intérieur balaye large toutes les critiques, même celles venant des propres rangs de son gouvernement.

Mais on finit par être habitués à ce genre de serrages de vis sécuritaires, on a eu assez d'excités des coups de menton au pouvoir ces dernières années.

Ce qui me rassure, là-dedans, c'est que la bureaucratie française est par construction incapable d'exploiter correctement un quelconque fichier. Les avanies du STIC avaient démontré les scories des fichiers policiers et l'incapacité de ceux qui l'alimentaient à redresser la barre. Quand j'étais libraire, j'ai vu le bazar qu'était parfois le fichier Electre et plus récemment, en tant qu'auteur, je vois à quoi ressemble celui de la Sofia (organisme indispensable et nécessaire, mais dont les listages d'œuvres sont… drôles).

Mais l'exemple le plus accompli de la bureaucratie française à la dérive nous vient comme de juste de l'Education Nationale. Si jamais vous êtes parents, vous voyez déjà de quoi je veux parler. Les fins et débuts d'années scolaires sont une foire à la paperasse. Tous les ans, on vous demande de remplir un dossier de réinscription pour chacun de vos enfants, et à la rentrée de remplir consciencieusement toute une série de fiches, quand bien même le gamin ne change pas d'établissement (et même s'il en changeait : depuis le temps qu'on nous bassine avec le fait que le dossier scolaire nous suit…), fiche de cantine, fiche sanitaire, fiche à cocher pour le droit à l'image et autres. Comme on ne me fera pas croire que tout cela n'est pas informatisé, ça signifie en plus qu'il faut avoir recours à du monde pour saisir les infos une fois que vous avez tout rendu, ce qui est autant de moyens pas mobilisés pour permettre à l'établissement de faire son travail, qui consiste non pas à remplir des fiches, mais à éduquer les jeunes.

Une fiche informatisée sortie une fois l'an avec toutes les infos de l'année précédente à corriger uniquement dans le cas où ça ait changé entretemps, c'est trop demander ?  En tout cas, c'est trop compliqué pour des gens dont le travail consiste normalement à développer l'intelligence de ceux qu'on leur confie.

Mais il y a encore mieux ! Imaginez à présent qu'il y ait des voyages scolaires d'organisés ? On vous redemandera de remplir une fiche complète d'indentification (avec les personnes à contacter qui sont les mêmes que sur la fiche rendue il y a deux mois) et une fiche sanitaire avec les dates des vaccins (vaccins à rappel tous les cinq ans, donc en deux mois, la probabilité brute qu'il y ait eu quelque chose de neuf n'est que de 0,03 à la louche) et la présence ou l'absence de lunettes qui demande une mention manuscrite, tant qu'à faire, plutôt qu'une case à cocher.

Ce qui ne peut signifier qu'une chose : l'administration scolaire est trop manche ou trop fainéante pour aller reprendre une information dont elle dispose déjà en X exemplaires et demande à ses usagers de faire le boulot à sa place à un nombre de reprises absolument considérable. Ce qui tendrait à démontrer que donner ces informations est dès le départ inutile et du temps perdu, puisque les gens chargés de les utiliser sont visiblement incapables de les utiliser (appeler le secrétariat du lycée pour demander une info simple est en soi une expérience que même les Frères Strougatsky et Stanislas Lem n'auraient pas osé, même pour rire, décrire dans un de leurs bouquins de peur d'avoir des suicides de lecteurs sur la conscience).

Ça devrait être inquiétant, sans doute, mais la nullité des gens chargés de gérer ce genre de bases de données est une certitude bien établie depuis des lustres. La preuve, c'est que ce truc idiot et mal foutu qu'était l'autorisation parentale de sortie de territoire pour les mineurs a enfin été supprimé… juste au moment où il pouvait devenir utile parce que des gamins partaient en Syrie. L'autre preuve, c'est le dossier médical sur la carte vitale que très peu de gens utilisent parce que personne n'a pris le temps d'y former les professionnels de santé qui auraient pu s'en servir. Une autre preuve encore, c'est qu'on peut vous interdire plein de métier avec un casier judiciaire pas vierge, mais pas celui d'homme politique. Encore une autre preuve, c'est… Sérieux, il faut vraiment qu'on continue ? On va y passer la nuit, si c'est ça !

Bref, un fichier aussi gigantesque que celui qui fait souiller son slip à Cazeneuve va très rapidement être esquinté par les gens mêmes qui auront à s'en servir. Le vrai problème qu'il pose, c'est sa sécurisation pour empêcher des gens de l'extérieur d'aller y pomper des informations (et vu la compétence de l'état dans ce domaine, là y a de quoi faire sous soi) (vous avez vraiment envie que la Mafia Russe vende vos données biométriques certifiées sur un sous-forum de TOR ?) (attendez deux ans et c'est bon).

Au pire, les solutions de brouillage du matériel d'identification biométrique existent, et dans pas mal de cas il suffit d'un maquillage astucieux (basé sur les mêmes principes que le camouflage gémométrique des bateaux pendant la Première Guerre Mondiale) ou de pastilles réfléchissantes habilement disposées pour foutre le pataquès dedans.

En fait, c'étaient eux qui avaient tout compris depuis longtemps :





*Oui, j'ai remis le nez dans Ponson du Terrail, récemment, en faisant des recherches. Ça a laissé des traces dans le tuyau

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chez les voisins

 Vous le savez peut-être, mais il m'arrive d'écrire dans la presse, notamment dans Geek le Mag (je travaille avec eux depuis déjà quelques années).  Là, ils m'ont demandé des notules pour leur site internet. Tout à fait le genre de choses que j'aurais fait normalement sur ce blog, des petites considérations sur tel personnage, telle préconception. Y en a déjà quatre en lignes : Pourquoi Hollywood ne peut pas adapter Fondation  ? Guy Gardner est-il un connard ?  L'éternel retour de Red Sonja Tezuka a-t-il vraiment inventé les mangas ?    Y a parfois un côté gentiment troll. On va voir ce que ça donne. J'essaierai de les répercuter ici à l'occasion.   pour retrouver tous mes articles sur le site :  Auteur : Alex Nikolavitch     Par ailleurs, je mets en place à partir du 2 octobre un atelier d'écriture sur l'imaginaire, à la Maison de Quartier du vieux Conflans, à Conflans Ste Honorine. Ce sera un jeudi sur deux de 20 à 22h. N'hésitez pas à...

Ruelle dans les brancards

 De nouveaux des rêves de villes d'ancien régime, labyrinthiques, aux ruelles tortueuses, aux pierres et aux huisseries de bois noircies. Cette nuit, j'étais dans la partie touristique de la vieille cité, les bâtiments vénérables sont défigurés par des boutiques de souvenirs cheap et des bars à hôtesses pour touristes en goguette.  L'une d'entre elles, qui joue les rabatteuses pour un établissement louche et surveille donc toutes les allées et venues de la rue, me fait pénétrer dans la maison d'un riche propriétaire qui écrase tous ses voisins sous les loyers. Il a une collection d'art assez étrange, un côté océanien marqué, mais remanié par Lovecraft et Derleth. Les pièces sont exposées sur des murs boisés à l'ancienne, qui assombrissent les pièces. L'éclairage ne parvient pas à compenser et tout a un côté sinistre et inquiétant. Je trouve ce que je venais chercher, une statuette ultra chelou, gigero-primitive. Je sais que si je l'embarque, je me fe...

Romulus et Rémus sont dans un vaisseau

 Comme il y a des domaines sur lesquels je suis toujours un poil à la bourre, j'ai enfin vu Alien : Romulus . J'avais eu l'intention d'y aller en salle, mais pour des problèmes d'emploi du temps, ça ne s'était pas fait. Et de toute façon, vous le savez si vous me lisez depuis longtemps, j'avais signé l'avis de décès de la licence Alien il y a déjà quelques années. Bon, hier soir, après avoir passé quelques heures en recherches perso sur des sujets obscurs (le proto-canon paulinien de Marcion, ça vous parle ? Probablement pas), je me suis calé devant la télé, et en fouillant dans les menus des plateformes, je suis tombé sur Romulus et je me suis dit : allez. Y a quinze jours, en faisant la même démarche, j'étais tombé sur le documentaire de Werner Herzog sur Bokassa. Pas exactement le même délire. Je ne m'attendais pas à grand-chose. J'avais vu passer des critiques pas très sympa. Ceci dit, les bandes annonces m'avaient fait envie : décor...

Révisions, rétrocontinuité et crises infinies, quand les héros fuient leur passé

Encore une rediff, un gros article que j'avais publié dans l'antho des Moutons électriques  Super-héros : Sous le masque. Les univers de super-héros se « rebootent » à intervalles réguliers, partiellement ou complètement. Les histoires redémarrent à zéro et l’on en profite pour dépoussiérer les concepts. Mais pourquoi ce révisionnisme ? Pourquoi le Superman de 1938 n’est-il plus exactement le même personnage que celui de 1954, de 1988 ou de 2012 ? Le temps qui passe est-il la kryptonite de ces personnages costumés ? Lorsque Siegel et Shuster créent Superman au milieu des années 1930, ils n’ont encore aucune idée de la postérité à venir de leur personnage. Et pour cause : personne chez l’éditeur n’y croit et la première histoire publiée en 1938 l’est à titre de bouche-trou dans Action Comics n°1. Mais le succès immédiat engendre des imitations et détournements, et au fil des années qui suivent, on voit apparaître Batman, Human Torch, Sub Mariner, Wonder Woman, Captain America et...

Return of the space cow-boy

 À l'occasion de ma pause post-prandiale, je m'étais remis la scène d'ouverture d' Il était une fois dans l'ouest , parce que ça fait du bien des fois de revenir aux fondamentaux. Et puis, alors que je tentais de me remettre au boulot, j'ai tilté que le nouvel épisode d' Alien Earth venait de sortir. Bon, j'en causerai pas plus avant aujourd'hui, because que j'attends la fin de la série pour me faire un avis définitif (j'aime bien  Noah Hawley à la base, y a des choses que j'apprécie là-dedans et d'autre dont... j'attends de voir comment elles vont évoluer), mais j'ai eu un petit tilt. Ça représentait en apparence une sorte de grand écart conceptuel et esthétique, Charles Bronson et son harmonica d'un côté, Timothy Olyphant peroxydé téléchargeant des données biologiques de l'autre, sauf que... non, en fait. Ben oui, le western et le récit spatial (bon, même si on est pas dans le spatial avec Alien Earth , mais avec la...

Bonneteau sémantique

Bon, même si j'ai pas vraiment d'éditeur en ce moment, pour les raisons que vous savez (si vous êtes éditeur et que je vous ai pas encore embêté en vous envoyant mes trucs, manifestez-vous), je continue à écrire.   Avec le temps, j'en ai déjà causé, je suis devenu de plus en plus "jardinier", en ce sens que quand je commence à écrire, je n'ai plus qu'un plan très succinct, indiquant juste la direction du récit et ses grosses balises et je me laisse porter par les situations et les personnages. Bon, une des raisons, c'est que quand je faisais des plans détaillés, j'en foutais la moitié au panier en cours de route. Une autre, c'est que je me fais plus confiance, à force. Là où j'ai changé mon fusil d'épaule, c'est que le truc sur lequel je bosse en ce moment est un roman d'anticipation (développant l'univers posé dans quelques unes de mes nouvelles, on retrouve d'ailleurs un personnage) et pas de fantasy. Mon plan se rédui...

Sur la route encore

 Longtemps que je n'avais pas rêvé d'un voyage linguistique. Ça m'arrive de temps en temps, je ne sais pas pourquoi. Là j'étais en Norvège, je me retrouve à devoir aller dans le nord du pays pour accompagner un groupe, je prends un ferry puis une sorte de car pour y aller. Une fois sur place, on se fait une forteresse de bois surplombant un fjord, c'est féérique et grandiose. Pour le retour, pas de car. On me propose un camion qui redescend par la Suède, j'accepte le deal. Je me retrouve à voyager à l'arrière d'abord puis, après la douane, je passe devant avec le conducteur qui parle un français bancal et son collègue co-pilote qui cause un anglais foireux. Bon baragouine en suivant des routes tortueuses entre des pins gigantesques. Y a des étapes dans des trucs paumés où on s'arrête pour manger, un début de bagarre qu'on calme en payant une bouffe à tout le monde. Des paysages chouettes. Je suis jamais arrivé à destination, le réveil a sonné, ma...

Causes, toujours

 Dans la mesure où j'ai un peu de boulot, mais que ce n'est pas du tout intense comme ça a pu l'être cette année, j'en profite pour tomber dans des trous du lapin de documentation, qui vont de la ville engloutie de Kitej (pour une idée de roman avec laquelle je joue depuis l'an passé mais que je ne mettrai pas en oeuvre avant de l'avoir bien fait mûrir) à des considérations sur les influences platoniciennes sur le christianisme et le gnosticisme primitifs (pour me tenir à jour sur des sujets qui m'intéressent de façon personnelle) à des trucs de physiques fondamentale pour essayer des comprendre des choses sans doute trop pointues pour moi.     Là, ce soir, c'étaient des conversations entre physiciens et un truc m'a fait vriller. L'un d'entre eux expliquait que la causalité est une notion trop mal définie pour être encore pertinente en physique. Selon lui, soit on la repense, soit on la vire. Il cite un de ses collègues britanniques qui disai...

Si tu ne viens pas à Cthulhu, Cthulhu viendra à toi !

Ça ne change pas, je vais encore passer du temps et noircir du papier à cause de Lovecraft. Il ne me lâchera jamais. Ou je ne le lâcherai pas, c'est comme une valse indicible.    Bref, dans les semaines à venir, il va encore y avoir du tentacule, c'est moi qui vous le dis. Jeudi 9  octobre à 18h30 je donnerai une conférence sur Lovecraft à la Bibliothèque Francophone Multimédia (non, je ne suis pas invité sur BFM, je me respecte, un peu, quand même) de Limoges. Si vous avez des bouquins à signer, amenez-les, c'est prévu.   Vendredi 21 et samedi 22 novembre je serai au Campus Miskatonic de Verdun comme tous les ans, et cette année, en partenariat avec Actu-SF il y aura une anthologie thématique, Pixels Hallucinés, à laquelle je participe. Par ailleurs, le samedi 3 octobre je serai à Marmande pour le petit salon des Ukronies du Val, dans un joli cadre et avec une organisation très sympathique. 

Rebooteux

 Bon, on a profité de l'été pour se faire des sorties cinés avec la tribu Lavitch. Et comme il y a un tropisme comics par ici, ça a été Superman et Fantastic Four.     Pas grand-chose à dire sur le FF , qui est dans la moyenne des films Marvel en termes de scénar, mais bénéficie d'une belle direction artistique et d'un ton qui, pour le coup, colle assez avec ce qu'on était en droit d'attendre d'un film sur le quatuor le plus emblématique des comics, et qu'aucun des films précédents qui leur étaient consacrés n'arrivait à approcher (à part peut-être un peu le Corman, mais on reconnaîtra que c'est un cas particulier). Pas le film de l'année, mais un moment fun et coloré. On notera que prendre une actrice qui s'appelle Kirby pour faire le personnage le plus stanleesque de la bande ne manque pas d'ironie, mais elle fait bien le job, donc...  Fun et coloré, ce sont aussi des mots qui viennent à l'esprit en voyant le Superman , James Gunn ...