Je sais pas pourquoi, je recommence à faire des rêves absurdes. Je veux dire, plus absurdes que d'habitude (et j'ai des habitudes solidement ancrées en la matière). Pas forcément windsormccaysques, mais pas forcément très loin quand même. (note à moi-même : ne pas essayer de populariser l'adjectif "windsormccaysque", c'est quand même assez bordélique à orthographier)
Là, dans mon rêve de cette nuit, j'avais rendez-vous à Paris. Pas le vrai Paris, hein, le Paris que je vois en rêve, celui où les bâtiments ne sont pas couverts de suie de diesel et de crottes de pigeons, dans lequel la Seine est plutôt un joli canal qu'on traverse par des ponts piétonniers assez pimpants, avec des gens aimables et du ciel bleu. En fait, ça ressemblait un peu à Venice, Californie, mais sans les surfers et les bodybuilders. Ou alors à la ville bizarre de Babe 2. Bref, encore une de ces villes qui n'existent que dans mes rêves mais que je visite souvent (il y a une étrange persistance de la géographie, dans mes rêves) (note à moi même 2 : arrêter d'abuser des parenthèses). En tout cas, dans la tête, c'était Paris.
Et j'y avais rendez-vous avec un de mes frangins. Qui m'appelle sur le portable pour me dire que finalement, non, il ne va pas pouvoir déjeuner avec moi dans ce restaurant hyper classe dont tout le monde dit du bien. Je me retrouve seul sur les quais. Je ne sais plus pourquoi j'étais dans ce quartier, un truc lié au boulot, un rendez-vous libraire, si je me souviens bien, ou un truc du genre. Je traverse le fleuve et j'arrive sur l'île. Laquelle ? Je n'en sais rien. Je sais juste qu'elle est légèrement surélevée, et qu'il y a une espèce de complexe dessus, mi centre commercial, mi forteresse médiévale reconvertie. Inutile de dire que ça aussi, ça se trouve pas sur les cartes.
J'entre dans le restau d'un pas décidé, mais naturel. Aux regards des serveurs, je me rends compte que naturel, je le suis jusqu'au bout des fringues. Pas naturiste, hein, naturel. Ce n'est pas un de ces rêves où on se retrouve à poil dans un cocktail mondain, ou affublé d'une chemise dont même Nicolas Cage voudrait pas. Là, non, je suis juste habillé en Nikolavitch : jean fatigué, t-shirt noir informe, blouson de toile avachi et bottes au cirage approximatif et lointain. Pas la tenue correcte exigée de rigueur* dans ce genre de restaus hyper classe. Mais alors que tous me fusillent du regard, et que l'un des employés se prépare avec une jouissance insigne à m'éconduire en me faisant remarquer que l'établissement est plein comme un œuf, un de ses collègues prend les devants et m'indique la dernière table libre, dans un recoin où je ne ferai pas trop tache, derrière une monumentale plante verte.
"Monsieur Lavitch", me dit-il, "veuillez me suivre. La maison est très honorée de votre visite et tient à vous offrir l'apéritif, bien entendu."
J'en suis comme deux ronds de flanc. Déjà la gloire ? à cheval donné, on ne regarde pas les dents, c'est bien connu, alors je ne me fais pas prier, mais je suis intimidé. J'hésite à me commander un pastaga. Je ne veux pas mettre ce gentil serveur encore plus en porte-à-faux qu'il n'est. Si ça se trouve, c'est secrètement un geek, il a lu mes trucs et se fait plaisir, mais il risque de se faire avoiner par ses collègues, dans les vestiaires. J'essaie mentalement de me composer un apéro qui en impose, quand soudain, mon train de pensée est rompu par un éclat de voix.
"Ah non, de grâce, épargnez-moi ces cocktails ridicules aux noms grotesques qui semblent conçus pour qu'on les oublie dans les cinq minutes qui suivent ! Apportez-moi un cognac, plutôt."
Je risque un œil entre le mur et la plante verte. Et je vois une vieille bonne femme toute sèche, un genre de Cruella, toque en dalmatien mort incluse, qui se frite avec une des serveuses. Le serveur qui m'avait accueilli arrive ventre à terre à ma table. Sur le ton de la confidence, il me fait :
"Monsieur Lavitch… Je suis navré de vous demander ça, mais la deuxième place à votre table de deux est la seule qui reste dans le restaurant… Et cette dame se trouve être une critique gastronomique que la direction a peur de froisser. Accepteriez-vous de… Enfin… Comment dire…"
Je hausse les épaules.
"Dites-lui que je l'invite à ma table, ça limitera les dégâts. Parce que dans le genre froissage, j'ai l'impression que vos collègues ont déjà fait le gros du travail. Et dites-lui que je le lui offre, son cognac."
Le temps qu'il aillent la chercher, je me plonge dans la lecture de la carte. Le feuilleté d'escargots me fait de l'œil. Je vais prendre ça, c'est sûr et certain. Le serveur revient, accompagné de Cruella Michelin (Ou Cruella Gault, ou Cruella Millaud, j'ai oublié le nom qu'il m'a dit), il lui glisse quelques mots à l'oreille, genre lui dore la pilule en lui racontant que je suis un écrivain célèbre, ou un auteur de BD de talent, une connerie, quoi. La dame s'arrête, le regarde d'un air incrédule, regarde mon t-shirt noir informe et plutôt grisâtre à force d'être délavé, éclate d'un rire à faire souiller son slip à Méphistophélès en personne, et vient s'asseoir.
"Enchantée, Monsieur de la Vitche. Je n'ai pas l'honneur de connaître votre travail, je le crains."
"Moi non plus, Madame Michelin (ou Gault, ou Millaud). Mais ce n'est pas grave. Quelqu'un qui prend l'apéritif au cognac ne peut pas m'être fondamentalement antipathique."
"Ah, vous voyez bien que j'ai raison !", fait-elle au serveur. "Vous offrirez un cognac à Monsieur de la Vitche, sur ma note."
Une serveuse apporte les cognacs, étrangement clairs, mais très capiteux. Nous engageons, moi et Cruella Mi… Gau… Bref… Une de ces conversations totalement emprunte de banalité qu'on attend de gens bien élevés dans ces cas-là. Elle commande plusieurs trucs improbables à la serveuse. D'une voix rendue légèrement pâteuse par le cognac, je demande mon feuilleté d'escargots.
On me l'amène rapidement. Il sent incroyablement bon. J'en ai l'eau à la bouche. J'en découpe un petit bout que je croque…
Et je me suis réveillé. Avec une distincte sensation de gueule de bois, et envie de feuilleté aux escargots.
N'en ayant pas au frigo, je me suis encore une fois contenté de café et de tartines au petit-dèj.
* En Français dans le texte, bien entendu.
Là, dans mon rêve de cette nuit, j'avais rendez-vous à Paris. Pas le vrai Paris, hein, le Paris que je vois en rêve, celui où les bâtiments ne sont pas couverts de suie de diesel et de crottes de pigeons, dans lequel la Seine est plutôt un joli canal qu'on traverse par des ponts piétonniers assez pimpants, avec des gens aimables et du ciel bleu. En fait, ça ressemblait un peu à Venice, Californie, mais sans les surfers et les bodybuilders. Ou alors à la ville bizarre de Babe 2. Bref, encore une de ces villes qui n'existent que dans mes rêves mais que je visite souvent (il y a une étrange persistance de la géographie, dans mes rêves) (note à moi même 2 : arrêter d'abuser des parenthèses). En tout cas, dans la tête, c'était Paris.
Et j'y avais rendez-vous avec un de mes frangins. Qui m'appelle sur le portable pour me dire que finalement, non, il ne va pas pouvoir déjeuner avec moi dans ce restaurant hyper classe dont tout le monde dit du bien. Je me retrouve seul sur les quais. Je ne sais plus pourquoi j'étais dans ce quartier, un truc lié au boulot, un rendez-vous libraire, si je me souviens bien, ou un truc du genre. Je traverse le fleuve et j'arrive sur l'île. Laquelle ? Je n'en sais rien. Je sais juste qu'elle est légèrement surélevée, et qu'il y a une espèce de complexe dessus, mi centre commercial, mi forteresse médiévale reconvertie. Inutile de dire que ça aussi, ça se trouve pas sur les cartes.
J'entre dans le restau d'un pas décidé, mais naturel. Aux regards des serveurs, je me rends compte que naturel, je le suis jusqu'au bout des fringues. Pas naturiste, hein, naturel. Ce n'est pas un de ces rêves où on se retrouve à poil dans un cocktail mondain, ou affublé d'une chemise dont même Nicolas Cage voudrait pas. Là, non, je suis juste habillé en Nikolavitch : jean fatigué, t-shirt noir informe, blouson de toile avachi et bottes au cirage approximatif et lointain. Pas la tenue correcte exigée de rigueur* dans ce genre de restaus hyper classe. Mais alors que tous me fusillent du regard, et que l'un des employés se prépare avec une jouissance insigne à m'éconduire en me faisant remarquer que l'établissement est plein comme un œuf, un de ses collègues prend les devants et m'indique la dernière table libre, dans un recoin où je ne ferai pas trop tache, derrière une monumentale plante verte.
"Monsieur Lavitch", me dit-il, "veuillez me suivre. La maison est très honorée de votre visite et tient à vous offrir l'apéritif, bien entendu."
J'en suis comme deux ronds de flanc. Déjà la gloire ? à cheval donné, on ne regarde pas les dents, c'est bien connu, alors je ne me fais pas prier, mais je suis intimidé. J'hésite à me commander un pastaga. Je ne veux pas mettre ce gentil serveur encore plus en porte-à-faux qu'il n'est. Si ça se trouve, c'est secrètement un geek, il a lu mes trucs et se fait plaisir, mais il risque de se faire avoiner par ses collègues, dans les vestiaires. J'essaie mentalement de me composer un apéro qui en impose, quand soudain, mon train de pensée est rompu par un éclat de voix.
"Ah non, de grâce, épargnez-moi ces cocktails ridicules aux noms grotesques qui semblent conçus pour qu'on les oublie dans les cinq minutes qui suivent ! Apportez-moi un cognac, plutôt."
Je risque un œil entre le mur et la plante verte. Et je vois une vieille bonne femme toute sèche, un genre de Cruella, toque en dalmatien mort incluse, qui se frite avec une des serveuses. Le serveur qui m'avait accueilli arrive ventre à terre à ma table. Sur le ton de la confidence, il me fait :
"Monsieur Lavitch… Je suis navré de vous demander ça, mais la deuxième place à votre table de deux est la seule qui reste dans le restaurant… Et cette dame se trouve être une critique gastronomique que la direction a peur de froisser. Accepteriez-vous de… Enfin… Comment dire…"
Je hausse les épaules.
"Dites-lui que je l'invite à ma table, ça limitera les dégâts. Parce que dans le genre froissage, j'ai l'impression que vos collègues ont déjà fait le gros du travail. Et dites-lui que je le lui offre, son cognac."
Le temps qu'il aillent la chercher, je me plonge dans la lecture de la carte. Le feuilleté d'escargots me fait de l'œil. Je vais prendre ça, c'est sûr et certain. Le serveur revient, accompagné de Cruella Michelin (Ou Cruella Gault, ou Cruella Millaud, j'ai oublié le nom qu'il m'a dit), il lui glisse quelques mots à l'oreille, genre lui dore la pilule en lui racontant que je suis un écrivain célèbre, ou un auteur de BD de talent, une connerie, quoi. La dame s'arrête, le regarde d'un air incrédule, regarde mon t-shirt noir informe et plutôt grisâtre à force d'être délavé, éclate d'un rire à faire souiller son slip à Méphistophélès en personne, et vient s'asseoir.
"Enchantée, Monsieur de la Vitche. Je n'ai pas l'honneur de connaître votre travail, je le crains."
"Moi non plus, Madame Michelin (ou Gault, ou Millaud). Mais ce n'est pas grave. Quelqu'un qui prend l'apéritif au cognac ne peut pas m'être fondamentalement antipathique."
"Ah, vous voyez bien que j'ai raison !", fait-elle au serveur. "Vous offrirez un cognac à Monsieur de la Vitche, sur ma note."
Une serveuse apporte les cognacs, étrangement clairs, mais très capiteux. Nous engageons, moi et Cruella Mi… Gau… Bref… Une de ces conversations totalement emprunte de banalité qu'on attend de gens bien élevés dans ces cas-là. Elle commande plusieurs trucs improbables à la serveuse. D'une voix rendue légèrement pâteuse par le cognac, je demande mon feuilleté d'escargots.
On me l'amène rapidement. Il sent incroyablement bon. J'en ai l'eau à la bouche. J'en découpe un petit bout que je croque…
Et je me suis réveillé. Avec une distincte sensation de gueule de bois, et envie de feuilleté aux escargots.
N'en ayant pas au frigo, je me suis encore une fois contenté de café et de tartines au petit-dèj.
* En Français dans le texte, bien entendu.
Commentaires
faut vraiment que je ressorte ce papier.
c'est une démarche un peu inverse de la psychogéographie, je crois. Ou tout au moins complémentaire.
La nuit, je suis un social-traitre, c'est affreux.