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Au nom du père

 Tout dernièrement, j'ai eu des conversations sur la manière de créer des personnages. Quand on écrit, il n'y a dans ce domaine comme dans d'autres aucune règle absolue. Certains personnages naissent des nécessité structurelle du récit, et il faut alors travailler à leur faire dépasser leur fonction, d'autres naissent naturellement d'une logique de genre ou de contexte, certains sont créés patiemment et se développent de façon organique et d'autres naissent d'un coup dans la tête de leur auteur telle Athéna sortant armée de celle de Zeus.


Le Père Guichardin, dans les Exilés de la plaine, est un autre genre d'animal. Lui, c'est un exilé à plus d'un titre. Il existe depuis un sacré bail, depuis bien avant le début de ma carrière d'auteur professionnel. Il est né dans une nouvelle (inédite, mais je la retravaillerai à l'occasion) écrite il y a plus d'un quart de siècle, à un moment où je tentais des expériences d'écriture. En ce temps lointain, je grattais des scénars de BD, bien sûr, mais j'ai écrit deux romans policiers (refusés à droite et à gauche, mais qui m'ont permis d'avoir des discussions fructueuses avec des éditeurs), une pièce de théâtre (inachevée et mal foutue) et d'autres trucs. Me lancer des défis techniques était un bon moyen d'avancer. J'ai dû écrire une quinzaine de nouvelles à la toute fin des années 90. Une poignée d'entre elles a été publiée par la suite, la plupart des autres ne le seront probablement jamais et c'est sans doute pas plus mal. Quelques unes se sont retrouvées sur ce blog, aussi, y en a des qui traînent dans les tréfonds de cette rubrique.

Plusieurs personnages de cette période-là ont continué à m'habiter. Je les ai retravaillés, grattés, remisés parfois. J'ai tenté de les insérer dans d'autres histoires où ils auraient pu avoir leur place. Guichardin en fait partie.

Trois ou quatre ans plus tard, je me suis retrouvé à publier des petits westerns dans les revues au format poche de chez Semic, notamment Spécial Rodéo. J'ai commencé à développer un scénario, démarré quelques années plus tôt, dont j'avais fait lire un bout à Laurence Harlé, d'ailleurs, que j'adorais et dont j'adorais le travail, elle m'avait donné quelques très gentils conseils, mais je n'étais pas venu à bout du truc et je m'y remettais. À quel moment Guichardin s'est retrouvé dedans ? Je ne sais plus. En tout cas c'était du western fantastique, il y avait un aventurier qui trichait au poker, mais tirait aussi les cartes et, alors qu'il fuyait des gens qui lui en voulait, il se perdait dans les Montagnes Rocheuses, se retrouvait recueilli par un convoi perdu lui-aussi, et se retrouvait à sympathiser avec un vieux prêtre qui finissait assez mal, suite à une rencontre avec une entité indigène, dans une caverne gelée servant de tombe à un homme-médecine.

Si ça vous dit quelque chose, c'est que vous avez lu les Exilés. Parce que si, pour plusieurs raison, je n'ai pas bouclé ce truc à l'époque non plus (je dois avoir deux trois planches tests de Ronaldo Graça quelque part) ce n'est pas pour autant que je l'avais totalement laissé tomber. Je bricolais dedans à l'occasion, et le personnage de Guichardin me semblait plus intéressant finalement que celui de mon joueur professionnel.

Lorsque j'ai eu l'idée des Exilés, peu après avoir fini les Canaux du Mitan et alors que je galérais sur L'ancelot avançait en armes, l'idée que mes personnages doivent s'éloigner de la plaine pour explorer un peu plus de cet univers s'est imposée très vite. J'avais fait la liste des genres de personnages dont j'aurais besoin dans mon petit corps expéditionnaire, j'ai d'ailleurs longtemps hésité à y inclure le jeune Ocho-Nak, ce qui m'a conduit à réécrire plusieurs fois certaines scènes et à manquer de m'y perdre, mais je tenais à ce qu'il y ait un aumônier avec eux. Et là, Guichardin s'est imposé de lui-même. Le texte fait discrètement référence à la nouvelle d'origine (qu'il faudra réécrire à l'occasion, vu qu'elle ne se passait pas dans l'univers du Mitan, mais sous la Monarchie de Juillet en France) et reprend une bonne partie de ce que j'avais développé en plusieurs fois pour ce scénario de BD avorté.

Entre-temps, Guichardin avait continué de vivre dans ma tête. Faut jamais oublier ces personnages-là, en vrai. Ils sont là, ils n'attendent qu'un récit dans lequel s'insérer.

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