On sent qu'on s'enfonce dans l'automne. C'est la troisième matinée en quelques jours où le fleuve est couvert d'une brume épaisse qui rend invisible le rideau d'arbres de l'autre côté, et fantomatique tout ce qui est tapi sur les quais : voiture, bancs, panneaux. Tout a un contraste bizarre, même la surface de l'eau, entre gris foncé et blanc laiteux, alors qu'elle est marronnasse depuis les inondations en aval, le mois dernier.
Une grosse barge vient de passer, j'entends encore vaguement dans le lointain son énorme moteur diesel. Son sillage est magnifique, dans cette lumière étrange, des lignes d'ondulations obliques venant s'écraser, puis rebondir sur le bord, les creux bien sombre, les crêtes presque lumineuses. Elles rebondissent, se croisent avec celles qui arrivent, et le jeu de l'interférence commence. Certaines disparaissent d'un coup, d'autres se démultiplient en vaguelettes plus petites, mais conservant leur orientation.
Enfin, une toute dernière, sous un autre angle, vient balayer cet étrange ballet, ce phénomène physique connu mais discret, souligné ici par la lumière diffuse, autre phénomène ondulatoire.
Puis tout s'arrête. Le fleuve reprend une consistance presque huileuse, à peine troublée ici et là par des friselis de la surface. Le tout n'a duré qu'une minute ou deux. Le brouillard pénètre mes vêtements, je me rentre, il me faut un café chaud.
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