Accéder au contenu principal

Inspiration, conspiration

Encore une rediff, un papier qui date d'une douzaine d'années, avant d'ailleurs que je me mette à faire commerce de complots divers dans mes BD et que je devienne même consultant en sectes apocalyptiques pour des copains auteurs.

Il est assez marrant de voir comment fonctionnent les conspirations planétaires dans les comics. Prenons, par exemple, complètement au hasard, le Club des Damnés dans les X Men (en fait, pas du tout au hasard : je viens de me relire une palanquée d'épisodes des X Men de la grande époque Claremont/Byrne).

Vu de l'extérieur, le Club des Damnés est une version un peu olé-olé du Lion's Club ou du Rotary, un truc de riches qui se retrouvent entre eux et soulagent leur conscience par des bonnes oeuvres. Mais dès qu'on gratte le vernis, on s'aperçoit qu'au centre du bidule il y a un Cercle Intérieur qui s'apparente aux Illuminati, un complot visant au contrôle du monde par des pervers assoiffés de pouvoir. Et l'élite qui se presse dans ses salons n'en a aucune conscience. Et pourtant, dans le tas des innocents gogos qui financent le truc, il y a des gens comme Warren Worthington (Angel) et Tony Stark (Iron Man), des super héros dont on se demande où est passé leur flair. D'autant que le Club dispose de mercenaires très chers pour assurer la sécurité de ses petits secrets.

Mais quels secrets, d'ailleurs ? D'accord, le Cercle Intérieur est un ramassis de cyborgs et autres mutants. D'accord, ils sont en route pour la conquête du monde, dont ils contrôlent déjà certains rouages économiques, et donc ils tentent de former les cadres via l'école tenue par Ms Frost. Mais bon, ça doit représenter un certain budget, ça, quelques lignes comptables qu'il doit être difficile de camoufler face à des cadors de la finance. (bon, okay, comme cador de la finance, Stark qui se fait racheter par Stane comme le premier minable venu, il se pose là, on mettra ça sur le compte d'une faiblesse passagère, de l'alcoolisme, etc...). Toujours est-il que de tels secrets seraient mieux gardés par une armée d'attachées de presse chargées d'allumer des contre feux, une technique toujours efficace (vous croyez que Bill Gates est un éditeur de logiciel, ha ha, pauvres naïfs).

On se référera au passage avec profit au petit ouvrage de Thomas de Quincey consacré aux sociétés secrètes, et en particulier à la Franc Maçonnerie, ouvrage qui met le doigt sur la clé du truc : le grand secret, qu'ils sont prêts à mourir pour défendre, c'est qu'en fait, il n'y a pas de secret, et que tout ce bazar, c'est un moyen de se donner de l'importance à peu de frais. Certes, des groupes comme le Club des Damnés n'en sont quand même pas là. En plus, ils ajoutent à leur conspiration un goût des jarretelles et de la guépière qui les rend quand même plus sympathiques que des types en tablier de cuir qui se carressent le poignet du doigt en se serrant la pogne.

Mais en fait, le thême de la conspiration, c'est ingérable à long terme Les auteurs de l'Enigme Sacrée, le bouquin qui a largement inspiré le Da Vinci Code, l'ont prouvé à l'insu de leur plein gré : si, au bout de mille ans de complots et plus, les conspirateurs n'ont pas réussi à prendre le contrôle du monde, c'est que ce sont des bras cassés, façon les terroristes de BD en mode "caramba, encore râté" et qu'ils ne constituent pas une menace crédible. Pour bien faire, une conspiration doit être limitée dans le temps, et doit évoluer quand elle atteint ses objectifs (comme les Partis Communistes clandestins qui se transformaient en appareils de gouvernement au début de la Guerre Froide).

Bien entendu, dans les comics, c'est difficilement gérable : soit la conspiration réussit, et elle remet par trop en cause le statu-quo, soit elle rate, mais il se trouve toujours un scénariste en mal d'imagination pour remettre ses membres sur le devant de la scène quelques dizaines d'épisodes plus tard comme s'il ne s'était rien passé. Mais si Claremont et ses successeurs ont su à peu près gérer le Club en tablant sur les luttes internes, les prises de contrôle plus ou moins réussies, voire le massacre de la structure et son remplacement par une version modernisée (les Parvenus), autant d'autres organisations du même genre n'ont pas eu cette chance. Hydra et l'AIM, par exemple, marquent le pas. On a perdu le compte des retours du baron Strucker et, malgré des tentatives bien vues (l'éclatement de l'Hydra en factions qui s'entre-déchirent), on en revient généralement à un commandement centralisé qui se prend des piles face au Shield. C'est à se demander comment des groupes qui ont perdu toutes leurs guerres réussissent encore à embrigader des sbires fanatisés par tombereaux entiers. Ou alors elles ont des façades sectaires façon Scientologie ou Aum pour assurer le recrutement de leurs troupes, mais ça aucun scénariste n'a été le creuser en profondeur...

Commentaires

Anonyme a dit…
54'20 https://youtu.be/6mQZKAhZ-YQ l'implantation des routes ou industries comme les implants des super héros modifiés etc. Sans fun.
Alex Nikolavitch a dit…
ouais, c'est pas avec ça qu'on aura Robocop, juste l'OCP.

Posts les plus consultés de ce blog

Au ban de la société

 Tiens, je sais pas pourquoi (peut-être un trop plein de lectures faites pour le boulot, sur des textes ardus, avec prise de note) j'ai remis le nez dans les Justice Society of America de Geoff Johns, période Black Reign . J'avais sans doute besoin d'un fix de super-héros classique, avec plein de persos et de pouvoirs dans tous les sens, de gros enjeux, etc. Et pour ça, y a pas à dire JSA ça fait très bien le job. La JSA, c'est un peu la grand-mère des groupes super-héroïques, fondée dans les années 40, puis réactivée dans les années 60 avec les histoires JLA/JSA su multivers. C'étaient les vieux héros patrimoniaux, une époque un peu plus simple et innocente. Dans les années 80, on leur avait donné une descendance avec la série Infinity Inc . et dans les années 90, on les avait réintégrés au prix de bricolages divers à la continuité principale de DC Comics, via la série The Golden Age , de James Robinson et Paul Smith, qui interprétait la fin de cette époque en la...

La fille-araignée

Tiens, ça fait une paye que j'avais pas balancé une nouvelle inédite... Voilà un truc que j'ai écrit y a 6 mois de ça, suite à une espèce de cauchemar fiévreux. J'en ai conservé certaines ambiances, j'en ai bouché les trous, j'ai lié la sauce. Et donc, la voilà... (et à ce propos, dites-moi si ça vous dirait que je fasse des mini-éditions de certains de ces textes, je me tâte là-dessus) Elle m’est tombée dessus dans un couloir sombre de la maison abandonnée. Il s’agissait d’une vieille villa de maître, au milieu d’un parc retourné à l’état sauvage, jouxtant le canal. Nul n’y avait plus vécu depuis des décennies et elle m’avait tapé dans l’œil un jour que je promenais après le travail, un chantier que j’avais accepté pour le vieil épicier du coin. J’en avais pour quelques semaines et j’en avais profité pour visiter les alentours. Après avoir regardé autour de moi si personne ne m'observait, je m’étais glissé dans une section effondrée du mur d’enceinte, j’...

La fin du moooonde après la fin de l'année

 Ah, tiens, voilà qu'on annonce pour l'année prochaine une autre réédition, après mon Cosmonautes : C'est une version un peu augmentée et au format poche de mon essai publié à l'occasion de la précédente fin du monde, pas celle de 2020 mais celle de 2012. Je vous tiens au courant dès que les choses se précisent. Et la couve est, comme de juste, de Melchior Ascaride.

Perte en ligne

 L'autre soir, je me suis revu Jurassic Park parce que le Club de l'Etoile organisait une projo avec des commentaires de Nicolas Allard qui sortait un chouette bouquin sur le sujet. Bon outil de promo, j'avais fait exactement la même avec mon L'ancelot y a quelques années. Jurassic Park , c'est un film que j'aime vraiment bien. Chouette casting, révolution dans les effets, les dinos sont cools, y a du fond derrière (voir la vidéo de Bolchegeek sur le sujet, c'est une masterclass), du coup je le revois de temps en temps, la dernière fois c'était avec ma petite dernière qui l'avait jamais vu, alors qu'on voulait se faire une soirée chouette. Elle avait aimé Indiana Jones , je lui ai vendu le truc comme ça : "c'est le mec qui a fait les Indiana Jones qui fait un nouveau film d'aventures, mais cette fois, en plus, y a des dinos. Comment peut-on faire plus cool que ça ?" Par contre, les suites, je les ai pas revues tant que ça. L...

Matin et brouillard

On sent qu'on s'enfonce dans l'automne. C'est la troisième matinée en quelques jours où le fleuve est couvert d'une brume épaisse qui rend invisible le rideau d'arbres de l'autre côté, et fantomatique tout ce qui est tapi sur les quais : voiture, bancs, panneaux. Tout a un contraste bizarre, même la surface de l'eau, entre gris foncé et blanc laiteux, alors qu'elle est marronnasse depuis les inondations en aval, le mois dernier. Une grosse barge vient de passer, j'entends encore vaguement dans le lointain son énorme moteur diesel. Son sillage est magnifique, dans cette lumière étrange, des lignes d'ondulations obliques venant s'écraser, puis rebondir sur le bord, les creux bien sombre, les crêtes presque lumineuses. Elles rebondissent, se croisent avec celles qui arrivent, et le jeu de l'interférence commence. Certaines disparaissent d'un coup, d'autres se démultiplient en vaguelettes plus petites, mais conservant leur orienta...

IA, IA, Fhtagn

 En ce moment, je bosse entre autres sur des traductions de vieux trucs pulps apparemment inédits sous nos latitudes. C'est un peu un bordel parce qu'on travaille à partir de PDFs montés à partir de scans, et que vu le papier sur lequel étaient imprimés ces machins, c'est parfois pas clean-clean. Les illustrateurs n'avaient  vraiment peur de rien Par chance, les sites d'archives où je vais récupérer ce matos (bonne nouvelle d'ailleurs archive.org qui est mon pourvoyeur habituel en vieilleries de ce genre, semble s'être remis de la récente attaque informatique qui avait failli m'en coller une. d'attaque, je veux dire) ont parfois une version texte faite à partir d'un OCR, d'une reconnaissance de caractère. Ça aide vachement. On s'use vachement moins les yeux. Sauf que... Ben comme c'est de l'OCR en batch non relu, que le document de base est mal contrasté et avec des typos bien empâtées et un papier qui a bien bu l'encre, le t...

Sorties

Hop, vite fait, mes prochaines sorties et dédicaces : Ce week-end, le 9 novembre, je suis comme tous les ans au Campus Miskatonic de Verdun, pour y signer toute mon imposante production lovecraftienne et sans doute d'autres bouquins en prime.   Dimanche 1er décembre, je serai au Salon des Ouvrages sur la BD à la Halle des blancs manteaux à Paris, avec mes vieux complices des éditions La Cafetière. Je participerai également à un Congrès sur Lovecraft et les sciences, 5 et 6 décembre à Poitiers.

Au nom du père

 Tout dernièrement, j'ai eu des conversations sur la manière de créer des personnages. Quand on écrit, il n'y a dans ce domaine comme dans d'autre aucune règle absolue. Certains personnages naissent des nécessité structurelle du récit, et il faut alors travailler à leur faire dépasser leur fonction, d'autres naissent naturellement d'une logique de genre ou de contexte, certains sont créés patiemment et se développent de façon organique et d'autres naissent d'un coup dans la tête de leur auteur telle Athéna sortant armée de celle de Zeus. Le Père Guichardin, dans les Exilés de la plaine , est un autre genre d'animal. Lui, c'est un exilé à plus d'un titre. Il existe depuis un sacré bail, depuis bien avant le début de ma carrière d'auteur professionnel. Il est né dans une nouvelle (inédite, mais je la retravaillerai à l'occasion) écrite il y a plus d'un quart de siècle, à un moment où je tentais des expériences d'écriture. En ce temp...

Et merde...

J'avais une idée d'illus sympa, un petit détournement pour mettre ici et illustrer une vacherie sur notre Leader Minimo, histoire de tromper l'ennui que distille cette situation pré insurrectionnelle pataude et molle du chibre dans laquelle tente péniblement de se vautrer l'actualité. Et donc, comme de juste en pareil cas, je m'en étais remis à gougueule pour trouver la base de mon détournement. Le truc fastoche, un peu potache, vite fait en prenant mon café. Sauf que gougueule est impitoyable et m'a mis sous le nez les oeuvres d'au moins deux type qui avaient exactement eu la même idée que moi. Les salauds. Notez que ça valide mon idée, d'une certaine façon. Mais quand même. C'est désobligeant. Ils auraient pu m'attendre. C'est un de ces cas que mon estimable et estimé collègue, le mystérieux J.W., appelle "plagiat par anticipation". Bon, c'est plutôt pas mal fait, hein. Mais ça m'agace.

Deux-ception

 C'est complètement bizarre. Je rêve de façon récurrente d'un festival de BD qui a lieu dans une ville qui n'existe pas. L'endroit où je signe est dans un chapiteau, sur les hauteurs de la ville (un peu comme la Bulle New York à Angoulème) mais entre cet endroit et la gare routière en contrebas par laquelle j'arrive, il y a un éperon rocheux avec des restes de forteresse médiévale, ça redescend ensuite en pente assez raide, pas toujours construite, jusqu'à une cuvette où il y a les restaus, bars et hôtels où j'ai mes habitudes. L'hôtel de luxe est vraiment foutu comme ça sauf que la rue sur la droite est en très forte pente Hormis l'avenue sur laquelle donne l'hôtel de luxe (où je vais boire des coups dans jamais y loger, même en rêve je suis un loser), tout le reste du quartier c'est de la ruelle. La géographie des lieues est persistante d'un rêve à l'autre, je sais naviguer dans ce quartier. Là, cette nuit, la particularité c'ét...