Intéressant, cette histoire de test médicamenteux tragique révélée aujourd'hui par la presse.
Intéressant non pas du fait de l'accident très grave qu'il a engendré, mais du fait de son traitement médiatique. Et un traitement médiatique à l'ancienne pour des tests de nouveaux traitements, c'est malvenu. En tout cas, je suis tombé sur l'histoire en allumant la télé deux minutes au moment du café. Et du coup, je l'ai laissée un peu en tâche de fond après, parce que ça me semblait intéressant.
Et la situation a évolué dans l'après-midi. Ou plutôt non, pas la situation, mais la façon de la présenter.
Et donc, première phase "c'était un médicament contenant du cannabis".
Deuxième phase, "c'était un médicament dérivé du cannabis".
Troisième phase, "en fait on s'est plantés, rien à voir".
Les trois versions insistaient que, dans tous les cas, ils s'agissait d'un antalgique.
Mais pourquoi cette erreur sur le cannabis ?
Alors, à l'heure où j'écris ces lignes, les communiqués qui circulent font été d'une "molécule à « visée antalgique » agissant sur les récepteurs cannabinoïdes" pensée dans le cadre de traitements de compléments pour les malades atteints de Parkinson.
Là on comprend tout de suite mieux.
"Cannabinoïdes". Il n'en fallait pas plus pour que le sensationnalisme à deux sous prenne le dessus, surtout avec la démocratisation graduelle du cannabis à usage thérapeutique. Le message sous-entendu, c'est du coup "regardez, en fait le cannabis médical tue !" et on sent, sous-jacent, le "mouah-ah-ah" des journalistes bien pensants à costard cravate pour qui, de toute façon, et c'est un syndrome de classe, la seule drogue récréative qui vaille qu'on s'y intéresse, c'est celle de Don Pablo de Bogota. On peut pas vraiment leur en vouloir, ils sont montés comme ça à l'usine, les pauvres.
Bref. Petit rappel. On appelle récepteurs cannabinoïdes des sites protéiques du systèmes nerveux qui expliquent sa sensibilité aux effets du cannabis, mais qui existent principalement pour réagir à certains neurotransmetteurs (naturellement produits par l'organisme) dont l'action est encore mal comprise à ce jour et qu'on a appelés du coup cannabinoïdes puisque leur action avait été caractérisée grâce au cannabis (c'est exactement la même chose pour les récepteurs morphiniques, atropiniques, nicotiniques et autres). Mais on peut dès lors synthétiser des molécules faisant réagir ces récepteurs sans pour autant qu'elle soient dérivées du cannabis. Apparemment, c'est le cas de celle qui était testée dans l'affaire qui nous occupe. Mais avant que ce ne soit compris par les journalistes, ça (si tant est qu'ils aient compris le fin mot de l'histoire), il a fallu du temps.
Mais la machine était lancée. Les chaînes avaient invité des "experts" pour en parler, et en parler de préférence de façon orientée. Une journaliste ayant écrit un bouquin sur les effets indésirables des médocs et leurs victimes*, bien embêtée pour parler d'une affaire dont elle ne savait visiblement rien et qui se bornait à des platitudes, et un toubib controversé connu pour être parti en croisade contre un paquet de médicaments courants, et qui lui s'interrogeait sur l'opportunité de créer une nouvelle classe thérapeutique d'antalgiques. Car à ce stade, personne ne parle encore de Parkinson. Et c'est pourtant bien, je crois, le nœud du problème.
Parkinson, c'est une maladie dégénérative, dont les traitements ne sont encore que palliatifs, ne faisant que retarder l'aggravation des symptômes. Du coup, tout ce qui peut contribuer à améliorer la qualité de vie des malades est bon à prendre, et cela semble être le sens de l'essai en cours (au moment où j'écris ces lignes, et dans la limite des infos à ma disposition). Du coup, heureusement qu'on essaie d'ouvrir de nouvelles pistes de traitements, parce que cette maladie ayant à voir elle aussi avec des neurorécepteurs (ceux de la dopamine), c'est très compliqué à mettre en œuvre, tout ça. Parce que des traitements de la maladie elle-même, non seulement on n'en a pas, mais en plus on n'est même pas certains de disposer de pistes théoriques.
Du coup, en tant que tel et sur le fond, le test ne me semble pas attaquable dans ses objectifs.
Ce qui s'est passé (et à ce stade, c'est très difficile à déterminer, mais je pense ne pas être trop loin de la vérité avec mon hypothèse, qui n'est que ce qu'elle est, c'est à dire une hypothèse informée tant bien que mal), c'est que les sujets sains qui sont tombés malades avaient reçu une forte dose du médicament, et le médecin expert a fort justement souligné qu'il faudrait examiner les lots pour vérifier qu'il n'y ait pas eu une erreur de dosage quelque part. Une forte dose justifiée par le fait qu'à ce stade (près de cent personnes ont reçu divers dosages de ce traitement, et seulement 6 sont concernées par les problèmes graves, dont une qui reste asymptomatique) il faut déterminer les dosages efficaces du machin. Et que pour certaines molécules, ce dosage efficace est dangereusement proche de la dose maximale que peut encaisser l'organisme (c'est le cas d'un truc tout con comme le Doliprane, par exemple, qu'on prend quasi systématiquement à la dose max). Et donc, à un poil près, peut-être que cette dose max théorique a été mal calculée. L'enquête nous le dira.
Malgré tout, un fait demeure, incontestable : la télé a vu "cannabis" et s'est ruée sur le sujet toutes affaires cessantes pensant tenir un bon truc pour le week-end. Sauf que non, le vrai sujet, il ne l'ont pas traité.
* Attention, je remets pas en cause son boulot, qui est peut-être très bien, mais le mot "victime" dans le titre, à une époque où tout conspire à essayer de nous confire collectivement dans des rôles de victimes de tout et n'importe quoi pour pouvoir nous infantiliser, c'est problématique. Par ailleurs, il y a suffisamment d'affaires graves de magouilles pharmaceutiques et d'effets cataclysmiques de certains médocs pour que la prudence soit de mise, et que des bouquins explicitant ses affaires soient indispensables. C'est juste la présentation qui me gêne.
Intéressant non pas du fait de l'accident très grave qu'il a engendré, mais du fait de son traitement médiatique. Et un traitement médiatique à l'ancienne pour des tests de nouveaux traitements, c'est malvenu. En tout cas, je suis tombé sur l'histoire en allumant la télé deux minutes au moment du café. Et du coup, je l'ai laissée un peu en tâche de fond après, parce que ça me semblait intéressant.
Et la situation a évolué dans l'après-midi. Ou plutôt non, pas la situation, mais la façon de la présenter.
Et donc, première phase "c'était un médicament contenant du cannabis".
Deuxième phase, "c'était un médicament dérivé du cannabis".
Troisième phase, "en fait on s'est plantés, rien à voir".
Les trois versions insistaient que, dans tous les cas, ils s'agissait d'un antalgique.
Mais pourquoi cette erreur sur le cannabis ?
Alors, à l'heure où j'écris ces lignes, les communiqués qui circulent font été d'une "molécule à « visée antalgique » agissant sur les récepteurs cannabinoïdes" pensée dans le cadre de traitements de compléments pour les malades atteints de Parkinson.
Là on comprend tout de suite mieux.
"Cannabinoïdes". Il n'en fallait pas plus pour que le sensationnalisme à deux sous prenne le dessus, surtout avec la démocratisation graduelle du cannabis à usage thérapeutique. Le message sous-entendu, c'est du coup "regardez, en fait le cannabis médical tue !" et on sent, sous-jacent, le "mouah-ah-ah" des journalistes bien pensants à costard cravate pour qui, de toute façon, et c'est un syndrome de classe, la seule drogue récréative qui vaille qu'on s'y intéresse, c'est celle de Don Pablo de Bogota. On peut pas vraiment leur en vouloir, ils sont montés comme ça à l'usine, les pauvres.
Bref. Petit rappel. On appelle récepteurs cannabinoïdes des sites protéiques du systèmes nerveux qui expliquent sa sensibilité aux effets du cannabis, mais qui existent principalement pour réagir à certains neurotransmetteurs (naturellement produits par l'organisme) dont l'action est encore mal comprise à ce jour et qu'on a appelés du coup cannabinoïdes puisque leur action avait été caractérisée grâce au cannabis (c'est exactement la même chose pour les récepteurs morphiniques, atropiniques, nicotiniques et autres). Mais on peut dès lors synthétiser des molécules faisant réagir ces récepteurs sans pour autant qu'elle soient dérivées du cannabis. Apparemment, c'est le cas de celle qui était testée dans l'affaire qui nous occupe. Mais avant que ce ne soit compris par les journalistes, ça (si tant est qu'ils aient compris le fin mot de l'histoire), il a fallu du temps.
Mais la machine était lancée. Les chaînes avaient invité des "experts" pour en parler, et en parler de préférence de façon orientée. Une journaliste ayant écrit un bouquin sur les effets indésirables des médocs et leurs victimes*, bien embêtée pour parler d'une affaire dont elle ne savait visiblement rien et qui se bornait à des platitudes, et un toubib controversé connu pour être parti en croisade contre un paquet de médicaments courants, et qui lui s'interrogeait sur l'opportunité de créer une nouvelle classe thérapeutique d'antalgiques. Car à ce stade, personne ne parle encore de Parkinson. Et c'est pourtant bien, je crois, le nœud du problème.
Parkinson, c'est une maladie dégénérative, dont les traitements ne sont encore que palliatifs, ne faisant que retarder l'aggravation des symptômes. Du coup, tout ce qui peut contribuer à améliorer la qualité de vie des malades est bon à prendre, et cela semble être le sens de l'essai en cours (au moment où j'écris ces lignes, et dans la limite des infos à ma disposition). Du coup, heureusement qu'on essaie d'ouvrir de nouvelles pistes de traitements, parce que cette maladie ayant à voir elle aussi avec des neurorécepteurs (ceux de la dopamine), c'est très compliqué à mettre en œuvre, tout ça. Parce que des traitements de la maladie elle-même, non seulement on n'en a pas, mais en plus on n'est même pas certains de disposer de pistes théoriques.
Du coup, en tant que tel et sur le fond, le test ne me semble pas attaquable dans ses objectifs.
Ce qui s'est passé (et à ce stade, c'est très difficile à déterminer, mais je pense ne pas être trop loin de la vérité avec mon hypothèse, qui n'est que ce qu'elle est, c'est à dire une hypothèse informée tant bien que mal), c'est que les sujets sains qui sont tombés malades avaient reçu une forte dose du médicament, et le médecin expert a fort justement souligné qu'il faudrait examiner les lots pour vérifier qu'il n'y ait pas eu une erreur de dosage quelque part. Une forte dose justifiée par le fait qu'à ce stade (près de cent personnes ont reçu divers dosages de ce traitement, et seulement 6 sont concernées par les problèmes graves, dont une qui reste asymptomatique) il faut déterminer les dosages efficaces du machin. Et que pour certaines molécules, ce dosage efficace est dangereusement proche de la dose maximale que peut encaisser l'organisme (c'est le cas d'un truc tout con comme le Doliprane, par exemple, qu'on prend quasi systématiquement à la dose max). Et donc, à un poil près, peut-être que cette dose max théorique a été mal calculée. L'enquête nous le dira.
Malgré tout, un fait demeure, incontestable : la télé a vu "cannabis" et s'est ruée sur le sujet toutes affaires cessantes pensant tenir un bon truc pour le week-end. Sauf que non, le vrai sujet, il ne l'ont pas traité.
Bob réveille-toi ! Ils sont devenus fous !
* Attention, je remets pas en cause son boulot, qui est peut-être très bien, mais le mot "victime" dans le titre, à une époque où tout conspire à essayer de nous confire collectivement dans des rôles de victimes de tout et n'importe quoi pour pouvoir nous infantiliser, c'est problématique. Par ailleurs, il y a suffisamment d'affaires graves de magouilles pharmaceutiques et d'effets cataclysmiques de certains médocs pour que la prudence soit de mise, et que des bouquins explicitant ses affaires soient indispensables. C'est juste la présentation qui me gêne.
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