Accéder au contenu principal

I will survive. Ou pas.

Une discussion récente avec quelques camarades du Trad Pack revenait sur le côté totalitaire de l'idéologie ultralibérale dominante. Ce à quoi l'un d'entre eux précisa : "totalitaire dans l'autre sens, le sens harendtien, à savoir qu'il gère l'ensemble de la vie sociale, avec un doigt dans la politique, un doigt dans l'éducation, un doigt dans la santé", et il suffit de voir les grandes manœuvres autour de l'éducation et de la santé, et la volée de bois vert que se prend un Obama quand il prend le contre-pied du truc dans ce domaine pour constater qu'en effet, on est en plein dedans.

Rien ne nouveau sous le soleil, vous en conviendrez. Ça relevait de l'évidence, voire de la discussion de comptoir. Je signalais au passage, du coup, les liens historiques entre libéralisme économique et certaines formes d'Extrême Droite. On ne rentrera pas dans le détail ici, mais la trajectoire d'un Madelin est éclairante dans ce domaine, ainsi que les idées développées par les objectivistes à la Ayn Rand. Et si ces dernières ne sont pas cataloguées à l'Extrême Droite aux USA, c'est juste parce que les curseurs ne sont pas au même endroit que chez nous. Notons également que la conversion du FN au "patriotisme économique" est toute récente, le parti ayant défendu un fond poujadiste canal historique pendant tout le temps où le papa était au manettes. Après, vous m'objecterez qu'il existe un libéralisme économique d'inspiration centriste, et c'est vrai, mais il est curieusement plus discret.

Bref, en signalant ces liens entre ultralibéralisme et Extrême Droite, j'en indiquais la cheville qui les raccordait, que je qualifiais de "darwinisme mal compris". On crédite à tord le vieux Darwin d'avoir posé "la loi de la jungle" comme moteur du monde qui nous entoure. Comme tout raccourci et résumé d'une pensée, celui-ci est un peu court et peut prêter à des dérives. Et c'est précisément ce qui se passe dans le cas qui nous occupe.

La notion clé, là-dedans, c'est ce qu'on appelle "survie du plus apte", ou "survie du plus adapté". C'est une traduction de l'expression "survival of the fittest". Notez bien tout ça, c'est important, et c'est peut-être la clé du truc.

Parce que focaliser sur l'expression, c'est faire l'impasse sur un facteur très important dans le bazar, et sur toute la démonstration qui l'accompagnait. Ce que Darwin entendait par là, c'était la survie non de l'individu, mais de l'espèce. Et pour ça, ce n'est pas "le plus apte", qui doit survivre, mais au moins "deux plus aptes", et de préférence jusqu'à l'âge de la maturité sexuelle. Et ça, c'est sur une génération. Si on veut faire survivre sur mettons dix générations, il faut bien plus de couples que ça, pour que le mix génétique se refasse à chaque coup sans consanguinité. Donc à ce stade, dans l'espèce en question, la loi de la jungle a intérêt à se décliner sur un mode coopératif, histoire qu'un nombre suffisant d'individus survivent pour transmettre les caractères de l'espèce.

Et ça nous amène à un gentil problème de langage. L'Anglais est une langue ambigüe pour ça. Quand on a "survival of the fittest", on a tendance à y lire "survie DU plus apte". Mais dans les faits, ce qu'il faudrait y lire, c'est "survie DES plus apteS". Et ça change un peu tout. Ça torpille toute cette lecture imbécile du darwinisme social puant et mal déguisé dont on nous rebat les oreilles à longueur de journaux télévisés. Un simple passage d'un pluriel implicite à un singulier explicite, et c'est toute la vision du monde qui en est changée.

Méditez là-dessus.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

En repassant loin du Mitan

 Bilan de la semaine : outre un peu de traduction, j'ai écrit  - 20000 signes d'un prochain roman - 20000 signes de bonus sur le prochain Chimères de Vénus (d'Alain Ayrolles et Etienne Jung - 30000 signes d'articles pour Geek Magazine    Du coup je vous mets ci-dessous un bout de ce que j'ai fait sur ce roman (dans l'univers du Mitan, même si je n'ai plus d'éditeur pour ça à ce stade, mais je suis buté). Pour la petite histoire, la première scène du bouquin sera tirée, poursuivant la tradition instaurée avec Les canaux du Mitan, d'un rêve que je j'ai fait. Le voici (même si dans la version du roman, il n'y aura pas de biplans) . On n'est pas autour de la plaine, cette fois-ci, je commence à explorer le vieux continent :   Courbé, il s’approcha du fond. À hauteur de sa poitrine, une niche était obstruée par une grosse pierre oblongue qu’il dégagea du bout des doigts, puis fit pivoter sur elle-même, dévoilant des visages entremêlés. Une fo...

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...

Coup double

 Ainsi donc, je reviens dans les librairies le mois prochain avec deux textes.   Le premier est "Vortace", dans le cadre de l'anthologie Les Demeures terribles , chez Askabak, nouvel éditeur monté par mes vieux camarades Melchior Ascaride (dont vous reconnaissez dans doute la patte sur la couverture) et Meredith Debaque. L'idée est ici de renouveler le trope de la maison hantée. Mon pitch :   "Les fans d'urbex ne sont jamais ressortis de cette maison abandonnée. Elle n'est pourtant pas si grande. Mais pourrait-elle être hantée par... un simple trou dans le mur ?" Le deuxième, j'en ai déjà parlé, c'est "Doom Niggurath", qui sortira dans l'anthologie Pixels Hallucinés, première collaboration entre L'Association Miskatonic et les éditions Actu-SF (nouvelles).  Le pitch :  "Lorsque Pea-B tente un speed-run en live d'un "mod" qui circule sur internet, il ignore encore qu'il va déchainer les passions, un ef...

Qu'ils sont vilains !

En théorie de la narration existe un concept important qui est celui d'antagoniste. L'antagoniste est un des moteurs essentiels de l'histoire, il est à la fois le mur qui bloque le héros dans sa progression, et l'aiguillon qui l'oblige à avancer. L'antagoniste peut être externe, c'est l'adversaire, le cas le plus évident, mais il peut aussi être interne : c'est le manque de confiance en lui-même de Dumbo qui est son pire ennemi, et pas forcément les moqueurs du cirque, et le plus grand ennemi de Tony Stark, tous les lecteurs de comics le savent, ce n'est pas le Mandarin, c'est lui même. Après, l'ennemi est à la fois un ennemi extérieur et intérieur tout en même temps, mais ça c'est l'histoire de Superior Spider-man et c'est de la triche.  Tout est une question de ne pas miser sur le mauvais cheval Mais revoyons l'action au ralenti. L'antagoniste a toujours existé, dans tous les récits du monde. Comme le s...

Le slip en peau de bête

On sait bien qu’en vrai, le barbare de bande dessinées n’a jamais existé, que ceux qui sont entrés dans l’histoire à la fin de l’Antiquité Tardive étaient romanisés jusqu’aux oreilles, et que la notion de barbare, quoiqu’il en soit, n’a rien à voir avec la brutalité ou les fourrures, mais avec le fait de parler une langue étrangère. Pour les grecs, le barbare, c’est celui qui s’exprime par borborygmes.  Et chez eux, d’ailleurs, le barbare d’anthologie, c’est le Perse. Et n’en déplaise à Frank Miller et Zack Snyder, ce qui les choque le plus, c’est le port du pantalon pour aller combattre, comme nous le rappelle Hérodote : « Ils furent, à notre connaissance, les premiers des Grecs à charger l'ennemi à la course, les premiers aussi à ne pas trembler d’effroi à la vue du costume mède ». Et quand on fait le tour des autres peuplades antiques, dès qu’on s’éloigne de la Méditerranée, les barbares se baladent souvent en falzar. Gaulois, germains, huns, tous portent des braies. Ou alo...

Le grand méchoui

 Bon, l'info est tombée officiellement en début de semaine : Les Moutons électriques, c'est fini. Ça aura été une belle aventure, mais les événements ont usé et ruiné peu à peu une belle maison dans laquelle j'avais quand même publié dix bouquins et un paquet d'articles et de notules ainsi qu'une nouvelle. J'ai un pincement au coeur en voyant disparaître cet éditeur et j'ai une pensée pour toute l'équipe.   Bref. Plein de gens me demandent si ça va. En fait, oui, ça va, je ne suis pas sous le choc ni rien, on savait depuis longtemps que ça n'allait pas, j'avais régulièrement des discussions avec eux à ce sujet, je ne suis pas tombé des nues devant le communiqué final. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Que les dix bouquins que j'évoquais plus haut vont quitter les rayonnages des libraires. Si vous êtes en retard sur Cosmonautes ! ou sur Le garçon avait grandi en un gast pay s, notamment, c'est maintenant qu'il faut aller le...

Le voyage solaire du Chevalier Noir

Ce qu'on appelle le Voyage du Héros, ou plus improprement le « mono mythe » est un gabarit narratif dont le cinéma use et abuse, surtout quand il cherche à donner un tour épique à un récit. J'en ai déjà discuté longuement ici et là (voir mon bouquin Mythe et Super-héros , où j'évoque aussi le problème), mais autant préciser quand même de quoi l'on parle ici pour ceux qui ne connaîtraient pas. La bonne soupe de M. Campbell Tout part des études de Joseph Campbell, spécialiste de la mythologie qui repéra des parallélismes dans un grand nombre de sagas anciennes et autres mythes. Il n'est pas le seul à s'être livré à ce genre de comparaisons : Frazer et Dumézil restent des références dans le domaine. Mais Campbell dégagea un squelette de récit qui permettait de décrire et de raconter tous ces mythes.   Ninin-ninin-ninin-ninin-Bat-Maaaaaan ! Ce schéma est simple : nous avons un personnage bêtement normal qui est arraché à son quotidien par...

La pataphysique, science ultime

 Bon, c'est l'été. Un peu claqué pour trop mettre à jour ce blog, mais si j'en aurais un peu plus le temps que les mois précédents, mais là, justement, je souffle un peu (enfin presque, y a encore des petites urgences qui popent ici et là, mais j'y consacre pas plus de deux heures par jour, le reste c'est me remettre à écrire, bouger, faire mon ménage, etc.) Bref, je me suis dit que j'allais fouiller dans les étagères surchargées voir s'il y avait pas des trucs sympas que vous auriez peut-être loupés. Ici, un papier d'il y a déjà huit ans sur... la pataphysique.     Le geek, et plus encore son frère le nerd, a parfois une affinité avec la technologie, et assez souvent avec les sciences. Le personnage du nerd fort en science (alors que le « jock », son ennemi héréditaire, est fort en sport) est depuis longtemps un habitué de nos productions pop-culturelles préférées. Et, tout comme l’obsession du geek face à ses univers préféré, la démarche de la science ...

Ça va s'arranger, Monsieur Milan !

Hop, encore un petit article sauvé du naufrage de superpouvoir. J'ai hésité à le poster sur la nouvelle version du site, et puis finalement je le rapatrie ici, comme ça ne parle pas vraiment de comics. Petit tour de table pour débuter la négo La provocation a toujours été consubstantielle de l'activité artistique. à quoi ça tient, mystère. Peut-être au fait que l'artiste, par nature, est un peu en marge du corps social et a donc la distance nécessaire pour l'interroger. Mais "provocation", le mot semble faible pour qualifier les outrances de Laibach. travailleurs de tous les pays... Pour ceux qui ne connaissent pas, Laibach, c'est un peu l'ancêtre sous amphètes de Rammstein. D'ailleurs, un des membres de Laibach le disait : "ouais, c'est bien, ce qu'ils font, Rammstein. Ils rendent notre style de musique accessible aux kids, c'est important." Je paraphrase. Mais donc, provocation. C'est un mot qu...

Replay, Replay, c'est pas la nana qui butait des aliens ?

Ayé, ils ont collé le Toku Show en replay, cette émission à laquelle j'avais participé sur J-One, où l'on parlait de mangas, de cosplay, de mangas de fesse, de Mein Kampf et de plein de trucs. Je rappelle que je serai dès demain, dans le cadre du Festival d'Angoulème, en conférences au Conservatoire, dans l'amphi Brassens : Jeudi 30 janvier à 14 heures : La représentation du Moyen-Âge en BD. Ce n'est pas une conférence exhaustive cherchant à parler de toutes les BDs à thème médiéval, mais un sujet sur les problèmes de représentation d'une notion floue et largement mythifiée. Vendredi 31 janvier à 11 heures : Les super-héros vont-ils dans le mur ? C'est un débat que j'anime, avec des intervenants de haute volée : Xavier Fournier de Comic Box, Xavier Lancel de Scarce, et Jean-Marc Lainé de... Des Livres de Monsieur Lainé . Samedi 1er février à 19 heures : La représentation du Moyen-Âge en BD. Reprise de la conférence du jeudi. Comme le...