Bon...
Tout ce patacaisse a l'air de se calmer (mais c'est comme les séismes, faut faire gaffe à des répliques éventuelles).
La première réaction viscérale, c'est bien sûr :"ouf, les méchants ont été punis, la vie va pouvoir reprendre son cours normal." C'est naturel. Ça se tient.
Mais toute cette affaire amène quand même à quelques réflexions.
Primo, le fait que les tueurs présumés aient été abattus risque de laisser des questions sans réponses, ou sans réponses rapides, ce qui revient au même, dans le monde où nous vivons. Les conspirationnistes de tous poils s'en donnent déjà à cœur joie. D'en prendre au moins quelques uns vivants aurait permis aussi de se livrer une démonstration salutaire : cela posait une différence entre les deux camps. Si le Patriot Act et les dérives à l'Américaine ont prouvé une chose, c'est bien qu'on s'égare quand on s'assoit sur les principes au nom desquels l'on se bat. Et ceux qui réclament à cor et à cri un Patriot Act à la française s'illusionnent gravement. Si la lecture de Batman m'a appris un truc, c'est bien ça.
Primo bis, le connard de la semaine, c'est sans doute Donald Trump. Qu'il soit un connard, on le sait de toute éternité. Mais là, il a fait fort. Dans une série de tweets, il a brocardé la France en disant que "si ces gens avaient été armés, ils n'en seraient pas là". "C'est un des pays avec la législation la plus restrictive sur les armes, et vous voyez que ça cartonne grave quand même." Et ainsi de suite. Rappelons à ce sinistre crétin qu'en France, on n'a pas deux mineurs tués par armes à feu tous les trois jours, et de façon plus générale 36 morts par armes à feu par jour (j'invente pas, ce sont les stats officielles pour les USA). 36 morts par jour, ça fait trois Charlie. Par jour. Connard. Soit dit en passant, même si elle avait été armée, la policière municipale morte hier, elle a été abattue dans le dos. Ça lui aurait donc fait une belle jambe, rappelons-le à son collègue syndicaliste qui réclame des armes pour les policiers municipaux, sans se soucier de parler de la formation qui doit impérativement aller avec.
Deuzio, l'émotion entraîne toujours des paradoxes qu'en toute autre circonstance on qualifierait de rigolos. Chanter la Marseillaise en hommage aux gens de Charlie, faire sonner Notre-Dame en hommage à Charlie, faire marcher des politiques en hommage à Charlie, voilà bien des choses qui auraient sans doute bien fait rire les gars de Charlie (ou vomir, je ne sais pas) (mais réagir, en tout cas). Que les Le Pen cherchent à s'inviter dans le débat et à se saisir de l'affaire, par contre, ça ne les aurait pas fait rigoler du tout, je ne m'avance pas trop en l'affirmant. Qu'il y ait des gens pour demander en leur nom le rétablissement la peine de mort, comme on en voit ici et là, ça les aurait carrément horrifiés. Là encore, poser les différence entre les tueurs et nous, et savoir au nom de quoi on se bat pour éviter de s'essuyer les pieds dessus, ça me semble relever d'une hygiène éthique élémentaire.
Tertio, beaucoup s'offusquent qu'il y ait des voix pour dire : "ils ont moqué le Prophète, ils l'ont bien cherché." Là aussi, c'est aller un peu vite en besogne. Ces voix, désagréables et discordantes, il y a une chose qu'il faut leur répondre, et vite : "si vous pouvez dire ce genre de conneries, c'est justement grâce à la liberté d'expression, celle-la même qui était le cheval de bataille de Charlie."
Quarto, alors que la tendance aurait été de se claquemurer chez soi, il a fallu que je sorte, aujourd'hui. Parce que j'ai constaté quelque chose : l'info en temps réel, ça rend fou. Vous ouvrez un feed d'information, puis un autre, puis Twitter, puis... Et ça ne s'arrête plus. Vous voulez être en prise directe avec l'évènement, mais vous n'y êtes pas du tout. Vous êtes essentiellement en prise directe avec des réactions plus ou moins directes à l'évènement. Et plutôt moins que plus. Vous voyez passer tout et son contraire, et surtout, vous prenez vite conscience qu'une partie des acteurs de l'histoire doit garder pour elle certaines informations cruciales. Du coup, la machine tourne à vide, la machine s'emballe, des infos non sourcées fusent. Et les médias qui font le travail de sourçage du coup sont plus discrets, en disent moins, pèsent chaque mot. Sont frustrants. Entre la frustration qu'engendre cette prudence et le délire de mots qu'engendre l'absence d'icelle, la cacophonie s'installe. Le rapport signal/bruit s'effondre. Rester branché sur le flux relève de la toxicomanie, de la piquouze d'info, avec toujours moins de came dedans et toujours plus de poudre à récurer. Il faut débrancher, couper l'ordi. Sortir. Voir des gens, et pas des retweets. Voir le fleuve qui coule. Voir les mouettes au-dessus. Aller causer boulot d'un côté, acheter une connerie pas urgente de l'autre. Faire retomber cette tension est important. Parce que dès qu'on rentre, on rallume la télé ou l'ordi, on zappe entre cinq chaînes infos tout en se reconnectant à des flux. Ouais, on devient dingue.
Avec tout ça, je ne sais pas si je suis Charlie. Mais en tout cas, je suis pensif.
Tout ce patacaisse a l'air de se calmer (mais c'est comme les séismes, faut faire gaffe à des répliques éventuelles).
La première réaction viscérale, c'est bien sûr :"ouf, les méchants ont été punis, la vie va pouvoir reprendre son cours normal." C'est naturel. Ça se tient.
Mais toute cette affaire amène quand même à quelques réflexions.
Primo, le fait que les tueurs présumés aient été abattus risque de laisser des questions sans réponses, ou sans réponses rapides, ce qui revient au même, dans le monde où nous vivons. Les conspirationnistes de tous poils s'en donnent déjà à cœur joie. D'en prendre au moins quelques uns vivants aurait permis aussi de se livrer une démonstration salutaire : cela posait une différence entre les deux camps. Si le Patriot Act et les dérives à l'Américaine ont prouvé une chose, c'est bien qu'on s'égare quand on s'assoit sur les principes au nom desquels l'on se bat. Et ceux qui réclament à cor et à cri un Patriot Act à la française s'illusionnent gravement. Si la lecture de Batman m'a appris un truc, c'est bien ça.
Primo bis, le connard de la semaine, c'est sans doute Donald Trump. Qu'il soit un connard, on le sait de toute éternité. Mais là, il a fait fort. Dans une série de tweets, il a brocardé la France en disant que "si ces gens avaient été armés, ils n'en seraient pas là". "C'est un des pays avec la législation la plus restrictive sur les armes, et vous voyez que ça cartonne grave quand même." Et ainsi de suite. Rappelons à ce sinistre crétin qu'en France, on n'a pas deux mineurs tués par armes à feu tous les trois jours, et de façon plus générale 36 morts par armes à feu par jour (j'invente pas, ce sont les stats officielles pour les USA). 36 morts par jour, ça fait trois Charlie. Par jour. Connard. Soit dit en passant, même si elle avait été armée, la policière municipale morte hier, elle a été abattue dans le dos. Ça lui aurait donc fait une belle jambe, rappelons-le à son collègue syndicaliste qui réclame des armes pour les policiers municipaux, sans se soucier de parler de la formation qui doit impérativement aller avec.
Deuzio, l'émotion entraîne toujours des paradoxes qu'en toute autre circonstance on qualifierait de rigolos. Chanter la Marseillaise en hommage aux gens de Charlie, faire sonner Notre-Dame en hommage à Charlie, faire marcher des politiques en hommage à Charlie, voilà bien des choses qui auraient sans doute bien fait rire les gars de Charlie (ou vomir, je ne sais pas) (mais réagir, en tout cas). Que les Le Pen cherchent à s'inviter dans le débat et à se saisir de l'affaire, par contre, ça ne les aurait pas fait rigoler du tout, je ne m'avance pas trop en l'affirmant. Qu'il y ait des gens pour demander en leur nom le rétablissement la peine de mort, comme on en voit ici et là, ça les aurait carrément horrifiés. Là encore, poser les différence entre les tueurs et nous, et savoir au nom de quoi on se bat pour éviter de s'essuyer les pieds dessus, ça me semble relever d'une hygiène éthique élémentaire.
Tertio, beaucoup s'offusquent qu'il y ait des voix pour dire : "ils ont moqué le Prophète, ils l'ont bien cherché." Là aussi, c'est aller un peu vite en besogne. Ces voix, désagréables et discordantes, il y a une chose qu'il faut leur répondre, et vite : "si vous pouvez dire ce genre de conneries, c'est justement grâce à la liberté d'expression, celle-la même qui était le cheval de bataille de Charlie."
Quarto, alors que la tendance aurait été de se claquemurer chez soi, il a fallu que je sorte, aujourd'hui. Parce que j'ai constaté quelque chose : l'info en temps réel, ça rend fou. Vous ouvrez un feed d'information, puis un autre, puis Twitter, puis... Et ça ne s'arrête plus. Vous voulez être en prise directe avec l'évènement, mais vous n'y êtes pas du tout. Vous êtes essentiellement en prise directe avec des réactions plus ou moins directes à l'évènement. Et plutôt moins que plus. Vous voyez passer tout et son contraire, et surtout, vous prenez vite conscience qu'une partie des acteurs de l'histoire doit garder pour elle certaines informations cruciales. Du coup, la machine tourne à vide, la machine s'emballe, des infos non sourcées fusent. Et les médias qui font le travail de sourçage du coup sont plus discrets, en disent moins, pèsent chaque mot. Sont frustrants. Entre la frustration qu'engendre cette prudence et le délire de mots qu'engendre l'absence d'icelle, la cacophonie s'installe. Le rapport signal/bruit s'effondre. Rester branché sur le flux relève de la toxicomanie, de la piquouze d'info, avec toujours moins de came dedans et toujours plus de poudre à récurer. Il faut débrancher, couper l'ordi. Sortir. Voir des gens, et pas des retweets. Voir le fleuve qui coule. Voir les mouettes au-dessus. Aller causer boulot d'un côté, acheter une connerie pas urgente de l'autre. Faire retomber cette tension est important. Parce que dès qu'on rentre, on rallume la télé ou l'ordi, on zappe entre cinq chaînes infos tout en se reconnectant à des flux. Ouais, on devient dingue.
Avec tout ça, je ne sais pas si je suis Charlie. Mais en tout cas, je suis pensif.
Commentaires
de hurler avec les loups et de défiler avec des fourbes bref ,d'être un mouton
enragé. Ça sent pas bon tout ça.
http://www.lesinrocks.com/2015/01/10/actualite/luz-tout-le-monde-nous-regarde-est-devenu-des-symboles-11545315/