Accéder au contenu principal

En vrac

Oui, je suis un peu en vrac, mais ce n'est pas le sens du titre de ce post. J'appelle ainsi la notule du jour juste parce que je compte bien y jeter des considérations en vrac, c'est tout. Alors bon, la ramenez pas trop non plus.

Une de mes activités habituelles, en ce moment, c'est de traduire des séries DC pour les revues qui vont sortir chez Urban Comics. Tout plein de jolis magazines DC Comics (on ne rappellera jamais assez que c'est à mourir de rire, l'expression DC Comics. Parce que ça signifie très exactement Detective Comics Comics. N'importe quel bon détective saurait pourtant que la répétition du mot comics ne sert pas à grand-chose, ici. enfin bref, c'est même pas le sujet) qui seront bientôt dans vos étalages.

Et donc, ça me confronte à nouveau à la narration par tranches mensuelles. Chacune des séries concernées ne sera diffusée qu'au rythme d'un épisode à la fois. Ce qui est normal, sur le fond, mais comme je traduis beaucoup plus souvent des albums que des revues, je n'ai plus vraiment l'habitude. Parce que, le croirez-vous, cette subtile distinction entre comics publié mensuellement ou compilé par paquet de six, ça change subtilement ma façon de travailler et d'envisager la traduction elle-même, et même c'est donc de ça que je voulais vous parler aujourd'hui.

C'est assez macluhannien, d'ailleurs. Publié en album ou en revue, c'est le MÊME comic book. Mais quand il est édité en album, tous les passages genre "résumé de l'épisode précédent" deviennent redondants, inutiles, et même parasites de la narration.

Alors si le résumé est juste un gros pavé de texte en début d'épisode, c'est simple, le réflexe de base est de le faire tout simplement sauter pour l'édition album. Et de le conserver pour l'édition en revue.

Mais si le rappel des épisodes précédents est intégré à la narration, dans les dialogues par exemple, ça devient plus coton. Ces rappels sont là pour les lecteurs qui ont besoin d'être remis dans le bain, qui ont lu l'épisode il y a un mois. Si on enchaîne les épisodes, ce qui est normalement le cas dans un album, ils deviennent un peu inutiles. C'est à ça qu'on reconnaît les auteurs consciencieux (qui mettent des rappels, certains autres auteurs écrivent visiblement avec la compilation en tête et ne s'emmerdent plus à faciliter la vie des lecteurs du mensuel) mais doués : leurs rappels ne sont pas parasites, ils trouvent un moyen de les glisser au détour d'un dialogue, d'une façon qui ne soit ni lourde, ni répétitive. Là, sur la version album comme sur la version magazine, on a tendance à traduire pareil.

Mais quand l'auteur est consciencieux ET mauvais, c'est tout de suite une autre paire de manches (je vous rassure tout de suite, là, sur les mags que je traduis, on a au scénar Pete Tomasi et Gail Simone, qui sont plutôt bons, je trouve). Je repensais par exemple à Jim Krueger, dont j'ai eu à traduire l'an passé le Project Superpowers 2 (publiés en 2 albums, qui sont du coup les numéros 3 et 4 en VF), qui malgré toutes ses bonnes intentions, était une purge intégrale, répétitive, lourdingue, dans laquelle les mêmes personnages répétaient d'un épisode à l'autres les mêmes choses de la même façon, et mettaient quatre pages à le faire. Quand ils ne sortaient pas d'un coup de leur chapeau un élément important que l'auteur avait oublié de mentionner dans l'épisode précédent. Horrible. Là, j'ai pris sur moi d'en réécrire une partie, jusqu'à ce que je baisse les bras, que je laisse tomber, et que je finisse par laisser tel quel.

Sinon, quand c'est juste un peu redondant, je retaille gentiment pour que ça passe mieux. Voilà, c'était ce que je voulais dire aujourd'hui. ça n'a pas grand intérêt, en fait. (et j'ai encore 150 pages de relectures à faire. pffff) (bref).

Sinon, coïncidence amusante et qui n'a rien à voir, quelqu'un est arrivé ce sur blog en tapant dans Gougueule "réédition du cycle Fulgur ?". Justement, je suis en train de me relire Triplanétaire, le premier tome de ce cycle fondateur signé EE Doc Smith, du grand space opera intergalactique à l'ancienne. Je m'éclate en relisant ce machin ultra daté. Mais par contre, je ne crois pas à l'éventualité d'une réédition dans un avenir mesurable. C'est vraiment ultra daté, justement. Alors ça en fait le charme, mais du coup il faut avoir le palais formé à ce genre de goût comme on n'en fait plus.

Le plus amusant, c'est que certaines idées sont étonnamment modernes, par exemple sur le traitement de la première rencontre entre les humains et les extraterrestres névians. Si les Névians sont physiquement monstrueux, ils n'en demeurent pas moins une espèce hautement évoluée, dotée d'un sens éthique net. L'intéressant, c'est que même si les humains qui les rencontrent prennent la mesure de ce degré d'évolution, ils n'arrivent pas vraiment à surmonter leur répulsion physique, et même s'il y a communication fructueuse, ils les traitent en ennemi. La duplicité n'est pas là le fait des monstres, mais celui des humains. Pour un bouquin de 1934 (bon, l'édition courante est une version remaniée quelques années plus tard, mais tout donne à penser que cet élément est d'origine), je trouve ça en avance sur son temps.

Pour la petite histoire, ce cycle fut abondamment pillé par les auteurs qui réinventèrent Green Lantern dans les années 50-60. Difficile de ne pas faire de parallèles entre la Patrouille Galactique et le GL Corps, entre l'Anneau et le Joyau, et qu'un personnage s'appelle Arisia ne saurait être innocent.

Après, une autre chose qui pose question est la traduction. Si elle mérite un dépoussiérage sur plein de trucs (un mot comme "magnétoscope", qui avait un sens précis dans la tête de Smith, à une époque où le mot "radar" n'était pas encore inventé, en vient à évoquer quelque chose de très différent pour nous. de même, je verrais bien Névians et Arisians rendus en néviens et arisiens, qui m'écorchent moins l'oreille), le côté un peu daté de la traduction va bien aussi au côté daté du bouquin. Alors, retraduire dénaturerait-il l'œuvre, ou bien cela permettrait-il de lui donner une seconde jeunesse, d'en souligner les (quelques) aspects modernes ? La question mérite d'être posée.


Cette illustration n'a strictement aucun rapport avec ce qui précède
C'est juste que je continue dans le thème de ces derniers jours

Commentaires

Anonyme a dit…
Ah, à propos de la rencontre avec les ET, ce n'est pas autant en avance sur son temps que tu le dis: sans remonter à Rosny et à ses formidables Xipéhuz, je suis en train de rédiger une préface au très sympa UN MOIS SOUS LES MERS, de Tancrède Vallerey, publié en France en 1933, où un peuple de céphalopodes sous exo-squelettes qui excitent les remarques assez racistes du marin de service (un proto-Haddock), est considéré comme "finalement aussi méchant que les humains", en même temps que la possibilité d'une compréhension à travers la science demeure pour l'avenir. Belle diversité de points de vue simultanés.

Très chouette bouquin.

Posts les plus consultés de ce blog

Ressortie

 Les éditions Delcourt ressortent Torso , un des premiers gros projets de Brian M. Bendis, avant qu'il ne devienne une star suite à ses travaux chez Marvel, Daredevil et Alias en tête, puis ne se crame les ailes à devenir grand manitou des Avengers et des X-Men . Bendis est très bon dans un domaine, celui du polar à échelle humaine, et beaucoup moins dans les grandes conflagrations super-héroïques. Torso , ça relève de la première catégorie. Je pense que c'est justement le genre de bouquin qui a conduit Joe Quesada à lui confier Daredevil , d'ailleurs, c'est là que l'auteur s'impose aux yeux de tous. Le sujet est chouette, déjà : une des premières grosses affaires de tueurs en série en Amérique, le tueur aux Torses (ou Boucher de Cleveland , dans la version romancée par Max Allan Collins, auteur dont j'ai déjà parlé dans le coin). Particularité, au moment des sinistres exploits du tueur, la sécurité publique de la ville vient d'être confiée au célèbre...

Fais tourner le juin

Bon, il est temps que je sorte un peu de mon bunker. Ça tombe bien, je suis invité à deux événements que je connais. Le samedi 31 mai et le dimanche 1er juin, je serai au Geek Up Festival des Clayes sous Bois (78). C'est dans un part, y a des animations, d'autres auteurs, j'aurai un peu de stock de mes bouquins chez les Moutons électriques, et normalement y aura des exemplaires du Pop Icons Tolkien.  Le dimanche 15 juin après-midi, je serai au Salon des auteurs du coin, à la péniche Story Boat de Conflans Ste Honorine (78). Super cadre, c'est très cosy et ça vaut le coup de passer même en coup de vent parce qu'il y a de belles balades à faire aux alentours. Voilà, c'est tout pour l'instant, je sais pas encore trop comment ça va se passer pour la suite, mes prochaines dates sont en octobre, à Marmande et à Limoges. Je vous tiens au courant d'ici là.

L’image de Cthulhu

J'exhume à nouveau un vieil article, celui-ci était destiné au petit livret de bonus accompagnant le tirage de tête de Celui qui écrivait dans les ténèbres , mon album consacré à H.P. Lovecraft. Ça recoupe pas mal de trucs que j'ai pu dire dans d'autres articles, publiés dans des anthologies ou des revues, mais aussi lors de tables rondes en festival ou en colloque (encore cet hiver à Poitiers). J'ai pas l'impression que ce texte ait été retenu pour le livret et du coup je crois qu'il est resté inédit. Ou alors c'est que je l'avais prévu pour un autre support, mais dans ce cas, je ne me souviens plus duquel. Tant pis, ça date d'il y a sept ou huit ans...   L’œuvre d’H.P. Lovecraft a inspiré depuis longtemps des auteurs de bandes dessinées. D’ailleurs, l’existence de nombreuses passerelles entre l’univers des pulps (où a officié Lovecraft) et celui des comic books n’est plus à démontrer, ces derniers empruntant une large part de leurs thèmes aux revue...

Nébulosités

 Ah, que je n'aime pas le cloud. Vraiment pas. Vous allez me dire, je suis un vieux encroûté dans ses petites habitudes de travail, ses sauvegardes à droite et à gauche, ses fichiers à portée de la main comme le tas d'or d'un dragon. Fondamentalement, c'est un portrait assez exact. Mais... Mais j'ai eu suffisamment de soucis de connexion pour être méfiant.   Et puis, y a les éditeurs qui bossent avec des ayants droits chiants. Ce qui fait que les documents de travail se retrouvent verrouillés sur des serveurs auxquels ont vous ouvre l'accès pour pouvoir bosser dessus. Et là, bien entendu, j'avais une très grosse traduction traitée comme ça. Je demande si on peut quand même m'envoyer une copie du pdf, histoire d'avoir un truc "en dur", et ça n'a pas été possible. Le document est ultra protégé. Et, ce matin, alors que le café finit de couler, j'ouvre le truc... Qui m'annonce que l'autorisation a expiré. Oui, apparemment il fal...

Another brick in the wall

Je causais y a quelques semaines de ça, dans une note sur Conan , de l'époque où Walt Simonson, connu notamment pour son excellent passage sur Thor dans les années 80, dont il donne une sorte d'épilogue pirate dans sa récente série Ragnarök, que je recommande assez, était tombé dans une pleine marmite de Druillet, tout comme son pote Jim Starlin (le papa de Thanos). Ça doit correspondre à l'époque où René Goscinny était allé démarcher des éditeurs US avec sous le bras des albums tirés de Pilote. Y avait du Mézières, du Moebius, et du Druillet. Et ça a complètement fait vriller pas mal de gens, même si Goscinny était rentré déçu, sans explosion de la publication d'auteurs franco-belges outre-Atlantique, le format de publication des oeuvres de chez nous n'existant tout simplement pas là-bas dans les années 70 (Starlin, encore lui, sera un peu plus tard un pionner de ce format "graphic novel" avec Death of Captain Marvel).  L'influence de Druillet (qui re...

L'iron Man de la Cannebière ?

 Dans mon rêve de cette nuit, j'étais en train de participer au tournage d'un film de guerre/catastrophe. Je faisais partie de l'équipage d'un véhicule blindé , bardé de mitrailleuses, opérant sur une côte. On était en ville, zigzaguant entre les voitures du quai, aux aguets. L'ambiance était vaguement post-nucléaire, les conducteurs avaient des gueules d'irradiés ou d'intervenants sur C-News, c'était moche en tout cas, ça puait la dégénérescence à plein nez. "Ça risque encore de péter" nous dit le lieutenant, joué par Matthew McConaughey. Inquiet, je regarde autour de moi, on est sur une voie des quais et soudain je vous l'eau enfler. Quelqu'un a déclenché un tsunami, peut-être à l'aide d'une bombe sous-marine. "Accrochez-vous, il va nous tomber dessus!" je hurle en me disant que ça va être la fin du film et qu'on aura droit à un freeze-frame juste avant que l'eau ne s'abatte sur nous, vaillants soldats al...

Le nouveau Eastern

 Dans mon rêve de cette nuit, je suis invité dans une espèce de festival des arts à Split, en Croatie. Je retrouve des copains, des cousins, j'y suis avec certains de mes rejetons, l'ambiance est bonne. Le soir, banquets pantagruéliques dans un hôtel/palais labyrinthique aux magnifiques jardins. Des verres d'alcools locaux et approximatifs à la main, les gens déambulent sur les terrasses. Puis un pote me fait "mate, mec, c'est CLINT, va lui parler putain !"   Je vais me présenter, donc, au vieux Clint Eastwood, avec un entourage de proches à lui. Il se montre bienveillant, je lui cause vaguement de mon travail, puis je me lance : c'est ici, en Dalmatie, qu'il doit tourner son prochain western. Je lui vante les paysage désolés, les déserts laissés derrière eux par les Vénitiens en quête de bois d'ouvrage, les montagnes de caillasse et les buissons rabougris qui ont déjà servi à toutes sortes de productions de ce genre qui étaient tellement fauchées ...

Ça gaze ?

 Pour diverses raisons, personnelles, je n'ai pas trop mis à jour cet espace. Mais, hier, alors que j'avais passé la soirée à être l'interprète de Guy Gavriel Kay lors d'une rencontre en librairie, et c'est un homme tout à fait charmant, en plus d'être un auteur dont certaines préoccupations recoupent dangereusement les miennes, une conversation sans rapport avec des lecteurs est tombée sur mon boulot dans Le château des étoiles.    Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, j'accompagne depuis l'origine l'excellente série d'Alex Alice, consacrée à la conquête des espaces éthériques sous le Second Empire. Alex m'a demandé de rédiger les bonus de la Gazette des étoiles , une prépublication au format journal (on retrouve désormais ces textes également dans l'intégrale débutée cet automne), puis ceux de l'édition grand format des albums, et enfin les textes de l'artbook sorti l'an passé. J'accompagne également le spin-off Les...

My mama said to get things done...

Je suis passé à Aurore Système, petit salon de SF organisé à Ground Control, à Paris, par la librairie Charybde. Je ne connaissais pas le lieu, que j'ai découvert et qui est très chouette. Je venais surtout pour une table ronde sur l'IA, qui est un des sujet importants de nos jours et déchaîne les passions, surtout sous sa forme "générative", les chat GPT, Midjourney et autres. Je me suis tenu un peu à l'écart de ces trucs-là, pour ma part. Je suis très méfiant (même s'il m'est arrivé d'employer Deep-L professionnellement pour dégrossir des traductions du français vers l'anglais, que je retravaillais en profondeur ensuite), parce que l'ai bien conscience du processus et des arrières pensées derrière. J'en ai déjà causé sur ce blog, ici et ici .  La table ronde réunissait trois pointures, Olivier Paquet, Catherine Dufour et Saul Pandelakis, qui ont écrit sur le sujet, et pas mal réfléchi. Lors des questions qui ont suivi, on a eu aussi une...

Injustice dans la voirie !

J'étais sur Paris ce matin. Et, en remontant la rue Lamarck, j'ai découvert un fait curieux : on a filé une rue plus longue à un certain Abbé-Patureau (qui n'a pour lui que d'avoir été curé dans le quartier) qu'à Alfred Nobel et Pierre Dac, qui sont quand même deux bienfaiteurs de l'humanité, l'un, pour avoir avec l'invention de la dynamite trouvé un moyen tout à fait darwinien d'éliminer les artificiers maladroits, et l'autre pour avoir inventé la recette de la confiture de nouille qui compte au rang des plus grandes conquêtes de l'esprit humain. Cette inégalité des rues prouve bien qu'on n'en a pas fini du sinistre pouvoir de la soutane. Y a des trucs à faire avec les tripes des derniers patrons et les derniers curés, je vous raconte même pas. Bref, je suis scandalisé de voir qu'en ce pays de la laïcité, on en fait plus pour les calotins que pour les philosophes (les vrais, ceux dans la tradition de Nasr'uddin Hodja, pas...