Accéder au contenu principal

Fonds de tiroir

Il y a de ça bien des lunes, quand on était jeunes, Jeff, quand c'était le temps d'avant, comme dirait l'autre, je me suis retrouvé impliqué dans l'aventure des pockets chez Semic... Ou, plus précisément, dans le chant du cygne des pockets chez Semic. Les pockets en question, si vous n'êtes pas un de ces moins de vingt ans qui ne peuvent pas connaitre, vous en avez forcément eu entre les pattes : Rodéo, Mustang, Kiwi avec Blek le Roc, et ainsi de suite. De la BD populaire à l'ancienne, carburant sur des concepts remontant parfois aux années 50.

Au début des années 2000, quand je me suis retrouvé à bosser dessus, la ligne des pockets agonisait doucement à coups de rééditions systématiques. Le rédac'chef de l'époque (que nous appellerons Terry Stillborn., pour respecter son anonymat) et ses sbires (qu'on désignera par les diminutifs Jim et Jeff, par commodité) décidèrent d'y remédier, de redynamiser tout ça et d'en faire un laboratoire de création. Faut vous dire, monsieur, que chez ces gens-là, il y avait de la volonté et des talents, et plein de copains d'abord prêts à s'amuser avec le format, dont des dessinateurs qui ont fait par la suite carrière sans démériter, loin de là (au pif, Roux, Dumas, Briclot, Péru & Péru, Louis, Malgrain, et j'en passe).



Et je me suis retrouvé embarqué là-dedans, à publier une série dans Spécial Rodéo : j'y écrivais un western rigolo, Bernie l'Homme à la Guitare dessiné par Ronaldo Graça qui y injectait son style rétro qui collait pile bien et sa bonne humeur communicative,  et une foultitude de récits courts dans lesquels, avec plus ou moins de bonheur, je testais des concepts, des techniques narratives, des idées et des méthodes de travail, parce que je me voyais déjà en haut de l'affiche.

L'étape 2 de ce plan de redynamisation s'appelait Semicverse. Il s'agissait de remettre à plat toutes les séries dont l'éditeur avait à l'époque les droits, et d'en faire un univers partagé (L'expérience s'est poursuivie même en dehors des des pockets, dans Strangers, et après la fin de ceux-ci avec Hexagon Comics qui reprend ce matériel). Si Jean-Marc Lofficier coordonnait la chose, tous les scénaristes et auteurs du coin avaient étés invités à mouliner des idées pour les ajouter au pot. Fouillant dans les archives, j'avais mitonné un genre de X-Files avec un photographe de presse qui avait vu des choses auxquelles il ne croyait pas, quelques bidules cosmiques et d'aventure, etc. Des choses qui, pour bien des raisons ont rarement dépassé le stade du concept jeté dans une note d'intention.

Zembla, plus fort que Tarzan :
c'est le seul héros à avoir un pagne en peau de marsupilami
avec la queue en bretelle*


Et puis il y avait des personnages mis en avant, comme Zembla. Zembla était un de ces tarzanoïdes comme la BD d'aventures en avait produit des caisses (au hasard, Akim, Ka-Zar, et si tu crois pas, hé, t'a'ar ta gueule à la récré), dont les aventures se déroulaient dans une ambiance bon enfant et gentiment ringarde, avec son acolyte Yéyé (le petit noir caricatural, avec casque de MP récupéré et réveil en sautoir), Rastus le magicien arpentant la jungle en frac et haut de forme, Bwana, Satanas et Pétoulet, les animaux qui parlent (dont un kangourou dans la jungle africaine) et ainsi de suite. Diverses expériences avaient été tentées sur le personnage par les auteurs liés au Semicverse, et l'idée de relancer le concept sous une forme Ultimate Next Generation circulait dans les bureaux, et je m'étais attaqué à la chose, parce que j'aurais voulu être un artiste pour avoir un monde à refaire.

Et j'avais proposé, sous le titre de travail Zembla Beyond. Le héros en était un militaire adapté par des moyens biomécaniques à la vie dans la jungle, le Zoomophically Engineered Military Biomecanic Leading Asset, qui se retrouvait livré à lui-même, bien des années après les aventures du vrai Zembla, et qui partait à la découverte de soi, au fin fond de l'Afrique, un Yéyé vieillissant lui apprenant les vraies valeurs et faisant de lui le futur seigneur de la jungle. Tout cela recyclait et réinterprétait plein d'éléments de la série originale (y compris les animaux qui parlent), tout en l'updatant et en le déringardisant un peu.

Bien entendu, la réponse des décideurs, laconique et lapidaire, fut : "non".

Dommage quand même, je me serais bien amusé, je pense, à animer mon Z.E.M.B.L.A qui n'était pas tout à fait Zembla.



*Il me semble que c'est Sylvain "Boston Justice" Delzant qui fut le premier à souligner ce fait significatif.

Commentaires

soyouz a dit…
Encore du talent tué dans l’Œuf ! Les génies restent des incompris !
Zaïtchick a dit…
"Rastus le magicien" ? Tu voulais sans doute dire "Rasmus le tagicien" ?
L'idée de Z.E.M.B.L.A. était bonne. Dommage.
Alan Bax a dit…
"Zembla Beyond"...
Rien que pour le titre, ce projet méritait d'exister.
MUN(beeep)ARO! a dit…
Ben... Il existe, sous une autre forme, lu et approuvé par le fameux Terry Stillborn, projet proposé avant celui de Niko, par un autre auteur qui ne le connaissait pas alors. Seul la couverture n'a pas été prise, mais elle est visible sur le net, quelque part, en version noir et blanc et en couleur.
Alex Nikolavitch a dit…
l'existence d'un autre projet Zembla Next Gé faisait partie des raisons officielles du refus du mien. je savais pas que t"étais dans le loop de celui-là.

Posts les plus consultés de ce blog

Bonneteau sémantique

Bon, même si j'ai pas vraiment d'éditeur en ce moment, pour les raisons que vous savez (si vous êtes éditeur et que je vous ai pas encore embêté en vous envoyant mes trucs, manifestez-vous), je continue à écrire.   Avec le temps, j'en ai déjà causé, je suis devenu de plus en plus "jardinier", en ce sens que quand je commence à écrire, je n'ai plus qu'un plan très succinct, indiquant juste la direction du récit et ses grosses balises et je me laisse porter par les situations et les personnages. Bon, une des raisons, c'est que quand je faisais des plans détaillés, j'en foutais la moitié au panier en cours de route. Une autre, c'est que je me fais plus confiance, à force. Là où j'ai changé mon fusil d'épaule, c'est que le truc sur lequel je bosse en ce moment est un roman d'anticipation (développant l'univers posé dans quelques unes de mes nouvelles, on retrouve d'ailleurs un personnage) et pas de fantasy. Mon plan se rédui...

Return of the space cow-boy

 À l'occasion de ma pause post-prandiale, je m'étais remis la scène d'ouverture d' Il était une fois dans l'ouest , parce que ça fait du bien des fois de revenir aux fondamentaux. Et puis, alors que je tentais de me remettre au boulot, j'ai tilté que le nouvel épisode d' Alien Earth venait de sortir. Bon, j'en causerai pas plus avant aujourd'hui, because que j'attends la fin de la série pour me faire un avis définitif (j'aime bien  Noah Hawley à la base, y a des choses que j'apprécie là-dedans et d'autre dont... j'attends de voir comment elles vont évoluer), mais j'ai eu un petit tilt. Ça représentait en apparence une sorte de grand écart conceptuel et esthétique, Charles Bronson et son harmonica d'un côté, Timothy Olyphant peroxydé téléchargeant des données biologiques de l'autre, sauf que... non, en fait. Ben oui, le western et le récit spatial (bon, même si on est pas dans le spatial avec Alien Earth , mais avec la...

C Jérôme

 Ah, on me souffle dans l'oreillette que c'est la Saint Jérôme, en l'hommage au patron des traducteurs, et plus précisément des traducteurs qui se fâchent avec tout le monde, parce qu'il était très doué dans ce second domaine, le gaillard.   Jéjé par Léonard   Bon, après, et à sa décharge, c'est une époque où le dogme est pas totalement fixé et où tout le monde s'engueule en s'envoyant des accusations d'hérésie à la figure. À cette occasion, le Jéjé se montre plus polémique que traducteur et doit se défendre parce qu'il a aussi traduit des types convaincus ensuite d'hérésie. De nos jours, son grand oeuvre c'est la traduction latine de la Bible. Ce n'est pas la première du genre, mais c'est la plus précise de l'époque. Il s'est fondé notamment sur une version d'Origène (un des hérétiques qui lui vaudront des problèmes) qui mettait en colonnes six versions du texte, deux en hébreu et quatre en grec et fait des recherches de ...

Causes, toujours

 Dans la mesure où j'ai un peu de boulot, mais que ce n'est pas du tout intense comme ça a pu l'être cette année, j'en profite pour tomber dans des trous du lapin de documentation, qui vont de la ville engloutie de Kitej (pour une idée de roman avec laquelle je joue depuis l'an passé mais que je ne mettrai pas en oeuvre avant de l'avoir bien fait mûrir) à des considérations sur les influences platoniciennes sur le christianisme et le gnosticisme primitifs (pour me tenir à jour sur des sujets qui m'intéressent de façon personnelle) à des trucs de physiques fondamentale pour essayer des comprendre des choses sans doute trop pointues pour moi.     Là, ce soir, c'étaient des conversations entre physiciens et un truc m'a fait vriller. L'un d'entre eux expliquait que la causalité est une notion trop mal définie pour être encore pertinente en physique. Selon lui, soit on la repense, soit on la vire. Il cite un de ses collègues britanniques qui disai...

Fils de...

Une petite note sur une de ces questions de mythologie qui me travaillent parfois. Je ne sais pas si je vais éclairer le sujet ou encore plus l'embrouiller, vous me direz. Mon sujet du jour, c'est Loki.  Loki, c'est canoniquement (si l'on peut dire vu la complexité des sources) le fils de Laufey. Et, mine de rien, c'est un truc à creuser. Chez Marvel, Laufey est représenté comme un Jotun, un géant. Et, dans la mythologie nordique, le père de Loki est bien un géant. Sauf que... Sauf que le père de Loki, en vrai, c'est un certain Farbauti, en effet géant de son état. Un Jotun, un des terribles géants du gel. Et, dans la poésie scaldique la plus ancienne, le dieu de la malice est généralement appelé fils de Farbauti. Laufey, c'est sa mère. Et, dans des textes un peu plus tardifs comme les Eddas, il est plus souvent appelé fils de Laufey. Alors, pourquoi ? En vrai, je n'en sais rien. Cette notule n'est qu'un moyen de réfléchir à haute voix, ou plutôt...

Rebooteux

 Bon, on a profité de l'été pour se faire des sorties cinés avec la tribu Lavitch. Et comme il y a un tropisme comics par ici, ça a été Superman et Fantastic Four.     Pas grand-chose à dire sur le FF , qui est dans la moyenne des films Marvel en termes de scénar, mais bénéficie d'une belle direction artistique et d'un ton qui, pour le coup, colle assez avec ce qu'on était en droit d'attendre d'un film sur le quatuor le plus emblématique des comics, et qu'aucun des films précédents qui leur étaient consacrés n'arrivait à approcher (à part peut-être un peu le Corman, mais on reconnaîtra que c'est un cas particulier). Pas le film de l'année, mais un moment fun et coloré. On notera que prendre une actrice qui s'appelle Kirby pour faire le personnage le plus stanleesque de la bande ne manque pas d'ironie, mais elle fait bien le job, donc...  Fun et coloré, ce sont aussi des mots qui viennent à l'esprit en voyant le Superman , James Gunn ...

Sur la route encore

 Longtemps que je n'avais pas rêvé d'un voyage linguistique. Ça m'arrive de temps en temps, je ne sais pas pourquoi. Là j'étais en Norvège, je me retrouve à devoir aller dans le nord du pays pour accompagner un groupe, je prends un ferry puis une sorte de car pour y aller. Une fois sur place, on se fait une forteresse de bois surplombant un fjord, c'est féérique et grandiose. Pour le retour, pas de car. On me propose un camion qui redescend par la Suède, j'accepte le deal. Je me retrouve à voyager à l'arrière d'abord puis, après la douane, je passe devant avec le conducteur qui parle un français bancal et son collègue co-pilote qui cause un anglais foireux. Bon baragouine en suivant des routes tortueuses entre des pins gigantesques. Y a des étapes dans des trucs paumés où on s'arrête pour manger, un début de bagarre qu'on calme en payant une bouffe à tout le monde. Des paysages chouettes. Je suis jamais arrivé à destination, le réveil a sonné, ma...

Si tu ne viens pas à Cthulhu, Cthulhu viendra à toi !

Ça ne change pas, je vais encore passer du temps et noircir du papier à cause de Lovecraft. Il ne me lâchera jamais. Ou je ne le lâcherai pas, c'est comme une valse indicible.    Bref, dans les semaines à venir, il va encore y avoir du tentacule, c'est moi qui vous le dis. Jeudi 9  octobre à 18h30 je donnerai une conférence sur Lovecraft à la Bibliothèque Francophone Multimédia (non, je ne suis pas invité sur BFM, je me respecte, un peu, quand même) de Limoges. Si vous avez des bouquins à signer, amenez-les, c'est prévu.   Vendredi 21 et samedi 22 novembre je serai au Campus Miskatonic de Verdun comme tous les ans, et cette année, en partenariat avec Actu-SF il y aura une anthologie thématique, Pixels Hallucinés, à laquelle je participe. Par ailleurs, le samedi 3 octobre je serai à Marmande pour le petit salon des Ukronies du Val, dans un joli cadre et avec une organisation très sympathique. 

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...

Chronique des années de Peste, livre 15

 Normalement, on arrive à cette période de l'année où mes aventures absurdes en Charente alimentent la War Zone. Pas cette fois-ci, vu que le festival est reporté en juin. Et vu l'ambiance, pas sûr que j'y aille, ne serait-ce que pour soutenir le mouvement des collègues appelant au boycott du festival tant que certaines choses n'auront pas été revues au niveau du statut des auteurs, notamment au niveau des conditions de venue en festival. On échange donc avec les copains des messages gag nous donnant rendez-vous à tel ou tel bar d'Angoulème, et c'est quand même bien grinçant. On rit tellement jaune qu'on s'interroge sur l'état de notre foie, ou qu'on se croit dans les Simpsons. Alors qu'en vrai, nos gouvernants fonctionnent comme dans un épisode de South Park. Bref, tenez pas compte, je suis aigri et grognon, là, entre ces confinements qui devraient en être mais n'en sont pas, et ont tous les inconvénients des vrais sans en avoir l'ef...