Non je ne vais pas vous parler de Grace Jones, je vous rassure tout de suite. On n'est plus dans les années 80, quand même. En fait, mon sujet du jour concerne un conseil d'écriture que je vois passer assez fréquemment : écrivez tous les jours. C'était même une devise que le père Zola avait au fronton de sa cheminée (je sais pas si les cheminées ont des frontons, je vais pas aller vérifier, en vrai je m'en contre-carre le coquillard) (en latin, parce que bon, tout est mieux en latin).
Et...
Et si j'en parle, c'est parce que je suis... disons croyant mais pas trop pratiquant. Ou avec une pratique tellement foutraque de la chose que ça vaut peut-être le coup d'en causer un poil.
En vrai, il se passe pas un jour sans que je ne pisse quelque chose sur le clavier (oui, faut que je rebosse mes métaphores, on y pensera), que ce soit un bout d'article, une note de blog comme celle-ci, un bout de scénar, de nouvelle ou de roman ou un gros bout de traduction. D'ailleurs, à partir de 2003, j'avais mis en route une forme de blog artisanal sur ma page perso Orange (qui vient de sombrer corps et bien avec toutes les autres) justement pour être sûr d'écrire un petit truc de façon régulière. Ce que vous lisez ici est l'héritier direct de cet exercice, même si les mises à jours sont... disons... irrégulomadaires. Mais cette contrainte visant à me faire écrire a porté ses fruits. Je suis désormais vissé à mon clavier, à la façon d'un réalisateur de comédies françaises pas drôles.
Donc, allez vous me dire, tout va bien. Sauf que non. Le sens du conseil, c'est d'écrire autant que possible tous les jours dans le cadre d'un même projet, même si vous n'y consacrez qu'une heure dans la journée.
C'est là qu'est le piège. Mais on va partir d'un exemple concret.
Là, ma source du migraine du moment c'est le "projet Perceval" (troisième tome de vous savez quoi). Après la phase d'accumulation de notes (primordiale et prioritaire pour tout roman), j'ai attaqué la rédaction brute... l'an passé, à un moment où je calais sérieusement sur Les exilés de la plaine. C'est toujours une méthode intéressante, qui permet d'avoir une amorce et de pas se vautrer dans le "bouquin blues" dans les jours qui suivent le rendu d'un manuscrit.
Là, ça a un peu été différent au moment de rendre les Exilés. J'enchaînais sur un gros boulot rédactionnel, et du coup je me suis borné jusqu'à mi-juillet à réviser et affiner mes notes. J'ai dû taper un feuillet de Perceval tout au plus sur la période. Une fois rendu l'autre boulot, j'ai voulu m'y remettre pour de bon et... j'ai bien calé. J'étais infoutu de me replonger dedans. Du coup j'ai écrit un autre truc pendant trois semaines, une connerie qui m'a bien rebooté la tête. J'en avais besoin.
Et début août, je me suis posé une contrainte : pendant les 15 jours suivants, me consacrer à Perceval. Et à lui seul. Que ce soit de l'épluchage de doc, du retravail des notes, de l'écriture de scènes se situant loin après le point de blocage.
Et ça a marché. J'en ai dépoté pas mal, puis j'ai raccroché les wagons, comblé les trous dus à l'écriture dans le désordre, et je me retrouve avec sous le coude environ un demi-roman.
Et puis il a fallu me remettre à des traductions, et même en panachant, le rythme d'écriture pure a baissé, puis s'est pas mal effondré, au point de tomber à pile zéro le week-end dernier parce qu'en plus j'avais des contraintes diverses.
Et là, m'y remettre est un bagne.
Lorsqu'on bosse tous les jours sur le truc, même quelques heures seulement, on garde une partie des choses en tête. Il suffit de relire la dernière demi-page écrite la veille pour enchaîner. Mais plus on espace, plus il faut relire à partir de loin en arrière. Là, pour m'y remettre ce matin, j'ai épluché le manuscrit pendant une heure avant de pouvoir écrire (et encore, j'ai fait une pause entre les deux opérations pour réfléchir). Forcément, si on raisonne en termes de productivité, ça en prend un coup, même si relire les pages de la veille est l'occasion de corriger plein de trucs, de l'orthographe aux formules boiteuses en passant par les manques (et corriger des manques, ça peut compter pour de l'écriture).
Bref, pas toujours possible d'écrire tous les jours sur un même projet. Mais ça a un intérêt indéniable. Sur Les exilés, les diverses contraintes de temps que j'avais m'ont conduit à concentrer la rédaction sur plusieurs grosses périodes de quelques semaines où j'y consacrais une bonne partie de mon temps, entrecoupées de périodes tout aussi longues où je n'écrivais qu'une poignée de lignes de temps en temps, ou bien où je corrigeais et amendais l'existant...
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