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Master chef

 Dans mon rêve de cette nuit, une fois mort, j'arrivais en enfer (les circonstances de mon décès étaient complexes et grotesques, impliquant un vélo, une bétonneuse et une besace de magazines) (je n'entrerai pas dans les détails, j'en ai oublié une partie, mais c'était navrant en tout cas).

 

 
oui, je viens vous emmerder avec mes histoires dès le matin
quand on en est encore au café

Bref, j'étais mort, j'arrivais en enfer, et l'enfer était genre une immense caverne avec des espèces d'estrades rocheuses. J'ai su que j'étais en enfer, parce que ça ressemblait à une espèce de cocktail mondain très huppé, où je ne connaissais personne. Habillé de mes jeans et t-shirts noirs et avachis, je me fis vite griller par les archi-démons, diables et autres techniciens de chaudron de troisième classe, et je fus bientôt entouré d'un petit groupe.

Il faut savoir que si le diablotin de base est voûté, velu, cornu, queuefourchuté et tout le tintouin attendu,  le modèle ultra hiérarchique a une apparence tout à fait humaine, altière, vêtue des meilleurs costumes italiens, avec un pli narquois sur la bouche et des yeux qui ne sont que des gouffres ténébreux agités de lumières vagues, parfois, dans le fond. Ils n'ont pas besoin de se montrer menaçant. On SAIT qui ils sont, et cela suffit à être sur ses gardes.

Ces gens n'étaient donc pas hostiles. C'était pire. Ils étaient curieux, goguenards et vaguement moqueurs. Ils se demandaient à quoi m'envoyer. Je saisis une bribe de conversation dans un groupe proche, un archi-diable cherchant un cuistot. Trouvant que ce serait une bonne planque, j'ai fait à mon groupe "je suis venu pour prendre le poste chez votre copain, là".

Pas tout à fait dupes, ils m'envoient à leur collègue, ravi de me voir. Il me montre sa cuisine, l'une des estrades rocheuses de la caverne. C'est ouvert à tous les vents, à tous les regards. Mais bon, au moins, ils ne m'envoient pas dans les niveaux inférieurs, à m'occuper de leurs serveurs informatiques ou pire (j'avais entendu des murmures à ce sujet en arrivant). Je commence à me mettre au boulot, à préparer des trucs dont j'ignore la nature, les viandes, surtout, mais mon problème principal est que les condiments me sont inconnus gustativement : soufre, salpêtre, antimoine, vinaigre d'acide sulfurique, grains fumants et phosphorescents… Je les dose purement au jugé. C'est là que j'ai compris la nature proprement diabolique de l'enfer où je me trouve, taillé sur mesure pour moi, et dans lequel je me suis jeté tête baissée comme un idiot en croyant m'en tirer à bon compte : je dois faire la cuisine, mais primo, tout le monde me regarde fixement, deuzio, je n'ai la possibilité de goûter à rien et je n'ai donc aucune idée de ce que je vais servir.

L'éternité aurait été longue, si je ne m'étais miséricordieusement réveillé.

Commentaires

Odrade a dit…
La question subsistant : si tu cuisines, c'est que c'est l'Enfer, non ?

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