Rendu une préface ce matin. C'est vraiment pas un exercice facile, ça. C'est gratifiant mais pas simple. En tout cas pas toujours.
Des préfaces et des postfaces, je commence à en avoir quelques unes au compteur. Sur des recueils de comics, c'est rarement compliqué. C'est un domaine que je commence à bien connaître, on va dire, et souvent, ils s'agit de contextualiser un peu dans l'histoire du genre, de rappeler la bio de l'auteur, etc.
Celle d'aujourd'hui, c'était pour une intégrale d'un cycle de science-fiction à papa, un genre que j'adore. Du temps très lointain de ma jeunesse folle et de mes études, je bossais juste à côté d'une librairie qui avait un gros rayon bien rempli, que je mettais au pillage chaque fois que j'avais ma maigre paye. Je me suis enfilé notamment tous les classiques que la bibliothèque municipale n'avait pas. C'est comme ça que j'avais découvert l'Anneau-Monde, complété Moorcock, picoré dans les anthologies thématiques du Livre de Poche, bouffé du Silverberg période freak, lu les Herbert mineurs, complété mes Philip K. Dick, découvert Sheckley et Pohl, et ainsi de suite. Et puis Blish, un peu par hasard, parce qu'un titre me renvoyait à une illus qui m'avait fait rêver tout gamin dans un recueil sur l'imagerie SF.
C'est un cycle de Blish que je viens de préfacer, là, celui des Villes Nomades. Pour le coup, on est pile dans du vieux Space Op' des années 50, à peu près contemporain de Fondation. Préfacer un truc comme ça, c'est compliqué. J'ai beaucoup aimé ce cycle, je l'ai lu deux fois jeune, et puis j'ai mis de côté, je suis passé à la speculative fiction, puis à la fantasy, etc. Et donc, le préfacer, ça m'a amené à le relire, forcément, et à le relire avec un type d'attention très différent. Impossible de travailler de mémoire sur un truc dont ma dernière lecture remontait à 28 ou 30 ans. J'avais lu d'autres Blish entretemps (relu l'énorme Pâques Noires il y a quelques années, par exemple, quand je l'ai retrouvé en Néo) mais là, ce n'était pas frais du tout dans ma mémoire. J'avais des souvenirs très nets de certaines scènes, de bizarreries de traduction (le "tournebouloche", terrible) mais pas de quoi me livrer à une analyse poussée.
Et sur du patrimonial comme ça, justement, il faut. Y a plein de trucs à dire. Une série des années 50, c'est un contexte (recontextualiser les œuvres, ce n'est pas leur manquer de respect, n'en déplaise aux cuistres, on fait ça depuis l'aube des temps ou quasiment). Et donc, pour quelques pages en début de volume, il m'a fallu me replonger dans les clivages originels de la pensée politique américaine du temps des Pères Fondateurs, dans l'état de la physique à l'époque, dans le pourquoi d'une bizarrerie d'interprétation de Blish sur l'Union Soviétique, dans ce que l'œuvre laisse deviner de son positionnement face au Maccarthysme et ainsi de suite. On a beau avoir une vision assez nette de certaines choses, devoir les préciser et les éclairer pour d'autres amènent à prendre conscience de ses propres zones d'incompréhension.
Et une fois qu'on s'est remis à niveau, la difficulté est d'arriver à transmettre ça sans être indigeste. C'est même la seule vraie difficulté de l'exercice : les infos, de nos jours, on les trouve, il suffit de savoir les chercher, les compiler et les rapprocher. Mais après, il faut synthétiser, sans parasiter ni trop spoiler le bouquin. Bref, j'ai passé quelques jours à jouer au bonneteau avec mes paragraphes, à faire et défaire des transitions, à dégager des parties thématiques. Pfou…
Mais c'est cool, en fait. J'adore faire ça.
(pour ceux que ça intéresse, ça sort fin septembre. de la bonne vieilles SF positiviste à l'ancienne comme j'aime)
Commentaires
C'est beau
(mais aussi, punaise j'ai bien envie de lire cet ouvrage)