Je me suis laissé entrainer dernièrement dans une conversation déplaisante sur les réseaux sociaux, au cours de laquelle il a fallu que je défende un de mes éditeurs, accusé de laisser des coquilles en pagaille dans les bouquins. La malveillance de l'attaque m'a laissé désemparé, et c'est le genre de piège à con dans lequel je peux tomber si je n'y prends garde (spoiler : je suis tombé dedans, pour le coup).
C'est donc l'occasion de quelques précisions, à propos de mon expérience récente dans ce domaine.
Bref, les coquilles. Dans une masse de texte, un auteur en laisse forcément, à moins d'être une machine. Et quand je vois celles dont je suis capable de consteller ce que j'écris, je n'en suis clairement pas une. Fautes d'accords, lettres ou mots manquants, phrases bancales sont l'ordinaire de mes premiers jets. C'est pourquoi le processus d'édition prévoit des relectures. Et qu'à celles-ci, j'en rajoute de mon côté. Je relis le texte, plusieurs fois, et je le confie à des amis qui déblaieront certaines choses.
Puis il y a la relecture professionnelle au niveau de l'éditeur lui-même. Et là, c'est un processus collaboratif, un ping-pong à plusieurs. Sur mon prochain roman, l'affaire était d'autant plus compliquée que, malgré plusieurs relectures initiales de mon côté, des problèmes de timing m'avaient conduit à envoyer ce qui n'était encore qu'un premier jet. Relu et corrigé, mais un premier jet quand même. Outre donc les habituelles notations typographiques, critiques sur les tics de langage et épouillages orthographiques, il fallait peaufiner l'histoire elle-même. La relecture portait sur l'univers, les personnages, leur langage, leurs émotions, les descriptions (ou leur absence en des endroits où elles auraient été utiles, voire nécessaires), etc. Et la première partie de ping-pong est là. Savoir quoi accepter d'emblée (quitte à remanier en profondeur certaines scènes et à modifier certains personnages), savoir quoi rejeter (mais il faut argumenter) et savoir quoi discuter et pousser dans ses retranchements. Cette phase, c'est un pur travail d'édition au sens le plus noble du terme. L'accouchement d'un texte un peu prématuré, qu'il faut mettre en couveuse.
Une fois tout cela dégrossi, le texte est passé encore par d'autres mains, d'autres relecteurs, avec des sensibilités différentes, un autre regard. Et là encore, le texte en est sorti grandement enrichi. Certains problèmes de logique interne du texte ont été soulevés et résolus à cette occasion. Certaines imprécisions de mon vocabulaire aussi (et mes lecteurs fidèles savent que je suis pourtant un pinailleur maniaque dans ce domaine). Le cas s'était déjà présenté dans les Trois Coracles, où l'on m'a à juste titre retoqué une bardiche anachronique. Ici, on m'a par exemple signalé un emploi fautif du mot "cambuse", mot que j'apprécie, et dont j'ai découvert que je l'employais de traviole depuis près de quarante ans. Là encore, ça se solde par des discussions, un nouvel échange pongique (pongiste ? bon, pas pongidé, en tout cas, même si en période de bouclage je peux en adopter l'apparence).
Tout ce travail est absolument indispensable. Il est fait ici avec une passion et une compétence admirables. Du coup, cette triste affaire est l'occasion pour moi de remercier mes relecteurs, ce qu'on ne fait jamais assez. Sans eux, mes bouquins seraient vachement moins bien. Notons que les Moutons les créditent, ces relecteurs, et que d'autres maisons feraient bien d'en prendre de la graine.
Sur les Coracles, il s'agit de Sophie Buget et Christine Luce. Sur le Mitan, Vivian Amalric et Annaïg Houesnard. André François Ruaud, le boss, a également représenté un apport déterminant dans ce dernier cas, m'évitant bien des affreusetés et maladresses.
Bref. C'est un travail de l'ombre. Un travail de fourmi, visant à repérer les inévitables scories d'un texte au moment où il sort du four. Un travail ingrat. Et le seul moment où le public en prend conscience, en général, c'est quand une coquille a passé malgré tout les mailles du filet. Eh bien c'est dommage. Je le répète, la qualité de ce que je publie leur est largement imputable. Les défauts et les scories qui restent, par contre, c'est encore du Nikolavitch.
Je vous remercie.
C'est donc l'occasion de quelques précisions, à propos de mon expérience récente dans ce domaine.
Bref, les coquilles. Dans une masse de texte, un auteur en laisse forcément, à moins d'être une machine. Et quand je vois celles dont je suis capable de consteller ce que j'écris, je n'en suis clairement pas une. Fautes d'accords, lettres ou mots manquants, phrases bancales sont l'ordinaire de mes premiers jets. C'est pourquoi le processus d'édition prévoit des relectures. Et qu'à celles-ci, j'en rajoute de mon côté. Je relis le texte, plusieurs fois, et je le confie à des amis qui déblaieront certaines choses.
Puis il y a la relecture professionnelle au niveau de l'éditeur lui-même. Et là, c'est un processus collaboratif, un ping-pong à plusieurs. Sur mon prochain roman, l'affaire était d'autant plus compliquée que, malgré plusieurs relectures initiales de mon côté, des problèmes de timing m'avaient conduit à envoyer ce qui n'était encore qu'un premier jet. Relu et corrigé, mais un premier jet quand même. Outre donc les habituelles notations typographiques, critiques sur les tics de langage et épouillages orthographiques, il fallait peaufiner l'histoire elle-même. La relecture portait sur l'univers, les personnages, leur langage, leurs émotions, les descriptions (ou leur absence en des endroits où elles auraient été utiles, voire nécessaires), etc. Et la première partie de ping-pong est là. Savoir quoi accepter d'emblée (quitte à remanier en profondeur certaines scènes et à modifier certains personnages), savoir quoi rejeter (mais il faut argumenter) et savoir quoi discuter et pousser dans ses retranchements. Cette phase, c'est un pur travail d'édition au sens le plus noble du terme. L'accouchement d'un texte un peu prématuré, qu'il faut mettre en couveuse.
Une fois tout cela dégrossi, le texte est passé encore par d'autres mains, d'autres relecteurs, avec des sensibilités différentes, un autre regard. Et là encore, le texte en est sorti grandement enrichi. Certains problèmes de logique interne du texte ont été soulevés et résolus à cette occasion. Certaines imprécisions de mon vocabulaire aussi (et mes lecteurs fidèles savent que je suis pourtant un pinailleur maniaque dans ce domaine). Le cas s'était déjà présenté dans les Trois Coracles, où l'on m'a à juste titre retoqué une bardiche anachronique. Ici, on m'a par exemple signalé un emploi fautif du mot "cambuse", mot que j'apprécie, et dont j'ai découvert que je l'employais de traviole depuis près de quarante ans. Là encore, ça se solde par des discussions, un nouvel échange pongique (pongiste ? bon, pas pongidé, en tout cas, même si en période de bouclage je peux en adopter l'apparence).
Tout ce travail est absolument indispensable. Il est fait ici avec une passion et une compétence admirables. Du coup, cette triste affaire est l'occasion pour moi de remercier mes relecteurs, ce qu'on ne fait jamais assez. Sans eux, mes bouquins seraient vachement moins bien. Notons que les Moutons les créditent, ces relecteurs, et que d'autres maisons feraient bien d'en prendre de la graine.
Sur les Coracles, il s'agit de Sophie Buget et Christine Luce. Sur le Mitan, Vivian Amalric et Annaïg Houesnard. André François Ruaud, le boss, a également représenté un apport déterminant dans ce dernier cas, m'évitant bien des affreusetés et maladresses.
Bref. C'est un travail de l'ombre. Un travail de fourmi, visant à repérer les inévitables scories d'un texte au moment où il sort du four. Un travail ingrat. Et le seul moment où le public en prend conscience, en général, c'est quand une coquille a passé malgré tout les mailles du filet. Eh bien c'est dommage. Je le répète, la qualité de ce que je publie leur est largement imputable. Les défauts et les scories qui restent, par contre, c'est encore du Nikolavitch.
Je vous remercie.
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