Accéder au contenu principal

Riri, Fifi, Loulou et leurs cousins lointains

Je ne suis pas du tout le premier à faire le rapprochement, mais dans les histoires des personnages Disney comme dans la geste arthurienne, il n'y a pas vraiment de paternité. Les personnages y sont toujours les neveux les uns des autres. Quand il y a paternité, le père n'est jamais montré. Perceval a bien eu un père, mais il est mort bien avant le début de ses aventures. Pareil pour Arthur, on connaît l'histoire d'Uther, mais le gamin n'a jamais connu papa.

Chez les canards, c'est pareil : Picsou est l'oncle de Donald, lui-même l'oncle de Riri, Fifi et Loulou. Les parents de cette joyeuse bande, on ne les voit jamais, ou ils ne sont évoqués qu'en passant.

Ce motif curieux est ancien : chez certains peuples africains, c'est bien l'oncle maternel qui détient l'autorité sur les garçons et qui les éduque.

Dans le monde arthurien, notamment dans le cycle de Chrétien de Troyes, Gauvain et d'autres sont les neveux d'Arthur, mais lui-même, à ce moment-là, c'est plus le focus de l'aventure. Il devient une autorité distante, un symbole quasi divin, une figure presque abstraite.

Et commencez pas avec Mordred, hein. C'est une paternité pour le moins problématique, parce que doublement illégitime, mais en plus, dans les texte les plus anciens le mentionnant, il est donné comme un neveu d'Arthur, lui aussi (Justine Niogret, dans le roman éponyme, trouve une justification habile à ça, d'ailleurs). Mais dans la lignée d'Arthur, il n'y a pas d'héritier indiscutable, c'est le trope de base de toute l'histoire. Arthur est un bâtard, et Mordred aussi. (intéressant de noter que le mythe arthurien réémerge en Angleterre au moment de la prise de pouvoir des Plantagenêts, qui prennent la suite d'une courte dynastie fondée par un bâtard et éteinte dans des luttes fratricides une génération plus tard.

Alors, on est d'accord, la paternité est toujours un motif compliqué à manier dans l'épopée. Tant que le père est présent, le fils en cours de formation est dans son ombre (et on court le risque de faire du père le héros) ou si le fils dépasse le père, on court le risque de faire œuvre subversive, impie. Même dans Star Wars, la paternité qui est au cœur de tout est gérée sur un mode distant : un enfant sans père qui, quand il devient père lui-même, se fait père absent.

Mais ce motif du neveu, vous savez où on le revoit ? Dans Dune ! Le Baron Harkonnen n'a que des neveux, qui deviennent ses sbires comme Donald et Gontran sont ceux de l'Oncle Picsou. Et la paternité, chez ses adversaires Atréides, est à nouveau jouée sur un mode problématique. Le motif du père absent revient avec régularité…

(y a guère que Thorgal qui essaie de jouer à fond la carte de la transmission paternelle, mais ça fait plus de vingt ans que je ne lis plus rien de ce que fait Van Hamme, grosso modo  depuis que XIII était le fils caché de son oncle. Les aventures de Jolan et de sa sœur, c'est bien ?)

Commentaires

Lord a dit…
Tiens comme ça à la volée. Ta une autre grande oeuvre populaire qui joue la carte père/fils : Dragon Ball avec les fils (voire même petite-fille) de Goku et Vegeta qui deviennent rapidement des membres actifs des aventures paternelles.

Après j'imagine que l'omniprésence des relations oncle/neveu (surtout dans le cas riri/fifi/loulou) est un moyen pour avoir des histoires où les garnements mêmes la vie dure à l'oncle sans que cela remette en cause l'autorité parentale directe au yeux du lecteur
Riff a dit…
Comme tu le dis, dans Dune, on retrouve le motif "père absent et/ou problématique" chez les Atréides, mais on retrouve aussi chez eux le motif de l'oncle : chez les jumeaux Léto et Ghanima, avec Stilgar, Irulan et Alia dans le rôle des oncles et tantes ;-)
Alex Nikolavitch a dit…
Alors, exactement dans les deux cas, mais notons que dans Dragon Ball, ça met du temps à se mettre en place : Goku est orphelin, et demeure un père relativement absent par la suite. mais le thême de la paternité y est très bien traité (la scéne finale de Vegeta et son fils avant l'affrontement avec Boo, est superbe de ce point de vue)
M. Spok a dit…
"Mais dans la lignée d'Arthur, il n'y a pas d'héritier indiscutable, c'est le trope de base de toute l'histoire", je ne comprends pas bien ce que tu entends par là... Si Arthur est conçu hors mariage, il naît alors que ses parents sont mariés !
Note que si je me fie aux notes des oeuvres de Robert de Boron, le rôle du neveu est valorisé (il l'emporte sur le fils naturel) au Moyen Âge.
Alex Nikolavitch a dit…
Le motif de la conception d'Arthur par Uther est déjà relativement tardif, et le mariage d'Uther et d'Igerne n'est pas attesté dans toutes les versions. (pour les Trois Coracles, je ne l'utilise pas, d'ailleurs, tu verras)

en fait, la bâtardise d'Arthur semble être un motif venu d'Ecosse, pour amoindrir l'intérêt politique de se référer à cette figure (un peu comme l'histoire du légionnaire Pantera chez les ennemis du christianisme).
Franck Mée a dit…
(J'aime bien les aventures de Louve et de son frère, oui. Ça a un peu trop tendance à reprendre les motifs des Thorgal "jeune", mais ça passe pas mal. Le meilleur des dérivés reste tout de même Je n'oublie rien, le premier Kriss.)
Geoffrey a dit…
Kylo Ren est le neveu de Luke Skywalker aussi. Son épée laser bâtarde lui confie un look médiéval européen plus appuyé que les autres adeptes du côté obscur, j'y vois une filiation à Mordred depuis décembre 2015 (même si on me regarde souvent avec une drôle de tête quand j'en parle).
Alex Nikolavitch a dit…
Oui, c'est sans doute significatif que la nouvelle continuité ne donne pas de descendance à Luke.

Posts les plus consultés de ce blog

Bonneteau sémantique

Bon, même si j'ai pas vraiment d'éditeur en ce moment, pour les raisons que vous savez (si vous êtes éditeur et que je vous ai pas encore embêté en vous envoyant mes trucs, manifestez-vous), je continue à écrire.   Avec le temps, j'en ai déjà causé, je suis devenu de plus en plus "jardinier", en ce sens que quand je commence à écrire, je n'ai plus qu'un plan très succinct, indiquant juste la direction du récit et ses grosses balises et je me laisse porter par les situations et les personnages. Bon, une des raisons, c'est que quand je faisais des plans détaillés, j'en foutais la moitié au panier en cours de route. Une autre, c'est que je me fais plus confiance, à force. Là où j'ai changé mon fusil d'épaule, c'est que le truc sur lequel je bosse en ce moment est un roman d'anticipation (développant l'univers posé dans quelques unes de mes nouvelles, on retrouve d'ailleurs un personnage) et pas de fantasy. Mon plan se rédui...

La pataphysique, science ultime

 Bon, c'est l'été. Un peu claqué pour trop mettre à jour ce blog, mais si j'en aurais un peu plus le temps que les mois précédents, mais là, justement, je souffle un peu (enfin presque, y a encore des petites urgences qui popent ici et là, mais j'y consacre pas plus de deux heures par jour, le reste c'est me remettre à écrire, bouger, faire mon ménage, etc.) Bref, je me suis dit que j'allais fouiller dans les étagères surchargées voir s'il y avait pas des trucs sympas que vous auriez peut-être loupés. Ici, un papier d'il y a déjà huit ans sur... la pataphysique.     Le geek, et plus encore son frère le nerd, a parfois une affinité avec la technologie, et assez souvent avec les sciences. Le personnage du nerd fort en science (alors que le « jock », son ennemi héréditaire, est fort en sport) est depuis longtemps un habitué de nos productions pop-culturelles préférées. Et, tout comme l’obsession du geek face à ses univers préféré, la démarche de la science ...

Fils de...

Une petite note sur une de ces questions de mythologie qui me travaillent parfois. Je ne sais pas si je vais éclairer le sujet ou encore plus l'embrouiller, vous me direz. Mon sujet du jour, c'est Loki.  Loki, c'est canoniquement (si l'on peut dire vu la complexité des sources) le fils de Laufey. Et, mine de rien, c'est un truc à creuser. Chez Marvel, Laufey est représenté comme un Jotun, un géant. Et, dans la mythologie nordique, le père de Loki est bien un géant. Sauf que... Sauf que le père de Loki, en vrai, c'est un certain Farbauti, en effet géant de son état. Un Jotun, un des terribles géants du gel. Et, dans la poésie scaldique la plus ancienne, le dieu de la malice est généralement appelé fils de Farbauti. Laufey, c'est sa mère. Et, dans des textes un peu plus tardifs comme les Eddas, il est plus souvent appelé fils de Laufey. Alors, pourquoi ? En vrai, je n'en sais rien. Cette notule n'est qu'un moyen de réfléchir à haute voix, ou plutôt...

Rebooteux

 Bon, on a profité de l'été pour se faire des sorties cinés avec la tribu Lavitch. Et comme il y a un tropisme comics par ici, ça a été Superman et Fantastic Four.     Pas grand-chose à dire sur le FF , qui est dans la moyenne des films Marvel en termes de scénar, mais bénéficie d'une belle direction artistique et d'un ton qui, pour le coup, colle assez avec ce qu'on était en droit d'attendre d'un film sur le quatuor le plus emblématique des comics, et qu'aucun des films précédents qui leur étaient consacrés n'arrivait à approcher (à part peut-être un peu le Corman, mais on reconnaîtra que c'est un cas particulier). Pas le film de l'année, mais un moment fun et coloré. On notera que prendre une actrice qui s'appelle Kirby pour faire le personnage le plus stanleesque de la bande ne manque pas d'ironie, mais elle fait bien le job, donc...  Fun et coloré, ce sont aussi des mots qui viennent à l'esprit en voyant le Superman , James Gunn ...

Boy-scouts go home !

 Bon, je suis plus débordé que je ne l'aurais cru en cette période. Du coup, une autre rediff, un article datant d'il y a cinq ans. Au moment où Superman se retrouve à faire équipe avec Guy Gardner à l'écran, c'est peut-être le moment de ressorti celui-ci. Les super-héros sont des gentils propres sur eux affrontant des méchants ridicules, avec une dialectique générale qui est, selon le cas, celle du match de catch ou de la cour de récré. C’est en tout cas l’image qu’en a une large partie du grand public. Certains, notamment Superman, correspondent assez à ce cliché. D’autres héros s’avèrent moins lisses, et contre toute attente, ça ne date pas d’hier : aux origines des super-héros, dans les années 1930-40, on est même très loin de cette image de boy-scouts. Les héros de pulps, ancêtres directs des super-héros, boivent et courent la gueuse comme Conan, massacrent à tour de bras, comme le Shadow ou lavent le cerveau de leurs adversaires comme Doc Savage. Superman, tel que...

Causes, toujours

 Dans la mesure où j'ai un peu de boulot, mais que ce n'est pas du tout intense comme ça a pu l'être cette année, j'en profite pour tomber dans des trous du lapin de documentation, qui vont de la ville engloutie de Kitej (pour une idée de roman avec laquelle je joue depuis l'an passé mais que je ne mettrai pas en oeuvre avant de l'avoir bien fait mûrir) à des considérations sur les influences platoniciennes sur le christianisme et le gnosticisme primitifs (pour me tenir à jour sur des sujets qui m'intéressent de façon personnelle) à des trucs de physiques fondamentale pour essayer des comprendre des choses sans doute trop pointues pour moi.     Là, ce soir, c'étaient des conversations entre physiciens et un truc m'a fait vriller. L'un d'entre eux expliquait que la causalité est une notion trop mal définie pour être encore pertinente en physique. Selon lui, soit on la repense, soit on la vire. Il cite un de ses collègues britanniques qui disai...

Romulus et Rémus sont dans un vaisseau

 Comme il y a des domaines sur lesquels je suis toujours un poil à la bourre, j'ai enfin vu Alien : Romulus . J'avais eu l'intention d'y aller en salle, mais pour des problèmes d'emploi du temps, ça ne s'était pas fait. Et de toute façon, vous le savez si vous me lisez depuis longtemps, j'avais signé l'avis de décès de la licence Alien il y a déjà quelques années. Bon, hier soir, après avoir passé quelques heures en recherches perso sur des sujets obscurs (le proto-canon paulinien de Marcion, ça vous parle ? Probablement pas), je me suis calé devant la télé, et en fouillant dans les menus des plateformes, je suis tombé sur Romulus et je me suis dit : allez. Y a quinze jours, en faisant la même démarche, j'étais tombé sur le documentaire de Werner Herzog sur Bokassa. Pas exactement le même délire. Je ne m'attendais pas à grand-chose. J'avais vu passer des critiques pas très sympa. Ceci dit, les bandes annonces m'avaient fait envie : décor...

Sur la route encore

 Longtemps que je n'avais pas rêvé d'un voyage linguistique. Ça m'arrive de temps en temps, je ne sais pas pourquoi. Là j'étais en Norvège, je me retrouve à devoir aller dans le nord du pays pour accompagner un groupe, je prends un ferry puis une sorte de car pour y aller. Une fois sur place, on se fait une forteresse de bois surplombant un fjord, c'est féérique et grandiose. Pour le retour, pas de car. On me propose un camion qui redescend par la Suède, j'accepte le deal. Je me retrouve à voyager à l'arrière d'abord puis, après la douane, je passe devant avec le conducteur qui parle un français bancal et son collègue co-pilote qui cause un anglais foireux. Bon baragouine en suivant des routes tortueuses entre des pins gigantesques. Y a des étapes dans des trucs paumés où on s'arrête pour manger, un début de bagarre qu'on calme en payant une bouffe à tout le monde. Des paysages chouettes. Je suis jamais arrivé à destination, le réveil a sonné, ma...

Dans la vallée, oho, de l'IA

 J'en avais déjà parlé ici , le contenu généré par IA (ou pour mieux dire, par LLM) envahit tout. Je bloque à vue des dizaines de chaînes par semaine pour ne pas polluer mes recommandations, mais il en pope tous les jours, avec du contenu de très basse qualité, fabriqué à la chaîne pour causer histoire ou science ou cinéma avec des textes assez nuls et des images collées au petit bonheur la chance, pour lequel je ne veux pas utiliser de bande passante ni perdre mon temps.   Ça me permet de faire un tri, d'avoir des vidéos d'assez bonne qualité. J'y tiens, depuis des années c'est ce qui remplace la télé pour moi. Le problème, c'est que tout le monde ne voit pas le problème. Plein de gens consomment ça parce que ça leur suffit, visiblement. Je suis lancé dans cette réflexion en prenant un train de banlieue ce matin. Un vieux regardait une vidéo de ce genre sans écouteurs (ça aussi, ça m'agace) et du coup, comme il était à deux places de moi, j'ai pu en ...

Compte à rebours avant Apocalypses : 31 jours

Hop, je viens d'avoir la date officielle pour la sortie d' Apocalypses, une brève histoire de la fin des temps , mon prochain bouquin à paraître chez les Moutons électriques. C'est pour le 6 novembre prochain. Du coup, je vous en rebalance un petit extrait : Ce qu’on appelait l’esprit "fin de siècle" dans années 1990, en le considérant comme un mal transitoire, se retrouve à perdurer sous une forme plus appuyée encore : l’approche de l’an 2000 avait remis sur le devant de la scène le discours millénariste et commencé à le banaliser, l’automne 2001 lui donne un impact dans un monde séculier qui chercher à se déséculariser, à reprendre une place cosmique dans un plan divin. Les groupes de pression fondamentalistes de toutes obédiences ont trouvé des caisses de résonnance dans la société. Si le phénomène n’est pas nouveau, il prend ces dernières années une ampleur assez inédite. En France, des organisations catholiques comme l’Institut Civi...