Récemment, je suis tombé plusieurs fois (ou on m'a fait tourner plusieurs fois) sur un petit texte expliquant pourquoi manger de la tomate, c'était mal. Ce texte avait ceci de particulier qu'outre des considérations tout à fait défendables (au point d'en être assez banales) sur les tomates hors saison et hors sol qui n'ont plus de goût, revenait sur un fait connu, mais en en tirant des conclusions qui me semblent discutables.
Le fait, c'est que la tomate est un comestible arrivé récemment en Europe (récemment à l'échelle historique, bien sûr), puisque ce fruit était cultivé à la base par les Aztèques et autres peuples de Mésoamérique (qui l'appelaient Tomatl). Le texte expliquait que cette importation faisait qu'il était grotesque pour des Européens de consommer autant de tomates que nous le faisons de nos jours (et c'est vrai qu'entre le bloody mary, le ketchup, la bolognaise et la pizza, c'est une part appréciable de mon régime alimentaire qui est constituée de cette solanacée) et que nos organismes, en quatre siècles, n'avaient pas eu le temps de s'y adapter. La tomate n'est pas naturelle pour nous autres du Vieux Monde.
Il est vrai que "solanacée", ça désigne toute une famille de plantes dont la plupart sont toxiques (belladone, jusquiame, datura, etc.) ou intoxicantes (tabac). C'est le cas aussi du plant de tomate : tige et racines, notamment, et de sa cousine la pomme de terre, elle aussi venue du Nouveau Monde, et dont il me semble qu'on ne la mange pas crue justement à cause de ça.
Et donc, la tomate est une étrangère à notre culture et à notre agriculture. Rien que ça.
Et voilà un argument qui me gêne beaucoup, pour plusieurs raisons. Parce quelle est sa profondeur temporelle, déjà ? Si l'on se réfère à ce que mangeaient nos ancêtres les gaulois, le haricot sous toutes ses formes devrait être banni de nos tables : ils ne le connaissaient pas. Le café et le thé, terminé. Le citron et autres agrumes ? Amenés par les Romains qui les avaient trouvés en Orient. La vigne et l'olive étaient un apport des Grecs. En ce qui concerne les céréales, faut voir si les Gaulois cultivaient le même blé que nous, ou n'en étaient pas restés à l'engrain, l'orge et l'épeautre.
Si on fixe comme limite l'introduction de la tomate (mais encore faudrait-il expliquer pourquoi quatre siècles, c'est non, et que vingt, ça passe), ce sont aussi la pomme de terre, le chocolat, la dinde et le maïs qui sautent. Le quinoa aussi, d'ailleurs. Ça en fait, de la bouffe qui coince. Le riz passe entre les gouttes, mais de justesse : il est arrivé en France sous les Valois.
Et je ne vous parle même pas des lichees, kiwis, bananes et noix de coco. Et les cacahuètes (et là, vous imaginez un apéro sans cacahuètes ? un Elvis sans orgies de beurre de cacahuète ?).
Donc d'un point de vue purement historique, l'argument "plante étrangère" pose plus de problème qu'il n'en résout. Je ne suis pas certain que ceux qui le brandissent se rendent tout à fait compte de son ampleur et sont tout à fait prêts à l'appliquer de façon cohérente.
Nous vivons une époque de croisades alimentaires. Le régime sans gluten est devenu un truc à la mode (nonobstant le fait que les problèmes d'intolérance au gluten sont beaucoup moins répandus qu'on ne voudrait nous le faire croire), on entend des diététiciens partir en guerre contre les laitages (et si l'intolérance au lactose est bien plus répandue que celle au gluten, ses effets sont beaucoup moins violents) ou proposer des régimes basés sur des exclusions sélectives dont la complexité leur permet de vendre des bouquins par palettes entières. J'en ai déjà parlé ici même et ailleurs, mais on arrive à un niveau quasiment religieux de la prescription, un point où ça se croise avec les interdits alimentaires des divers cultes : ça devient une sorte de marqueur identitaire, un outil de ségrégation croisée (et je dis "ça devient", mais tout porte à croire que c'était déjà l'idée, à l'origine).
C'est intéressant, d'ailleurs, de comparer ces anathèmes sécularisés à ceux, plus anciens, de la tradition : en vitupérant contre tel ou tel aliment, ces pourfendeurs s'arrogent ce qui était un rôle divin, celui qui consiste à édicter des interdits alimentaires. Dans le genre orgueil satanique, on peut difficilement faire pire, à moins d'être homme politique.
Et puis il y a cet espèce "d'argument de nature", toujours délicat à manier, cette façon de décréter que quelque chose est "naturel" ou "contre nature". Lui aussi, il pue un peu. C'est celui qui a toujours été opposé à tout progrès et à toute déviation par rapport à la norme. Généralement il repose sur des "évidences" qu'il n'est pas besoin de discuter, c'est l'argument d'autorité ultime. Qui dans la plupart des cas est employé par des gens qui n'ont pas la moindre idée de ce qui est naturel ou pas.
Quelques exemples ? Nos pourfendeurs des produits laitiers le brandissent. Il n'est pas naturel de se nourrir de lait après avoir été sevré. C'est tellement peu naturel que pas mal de peuples ouralo-altaïques et les Mongols, dont la société repose sur l'élevage et la consommation de pas mal de choses à base de lait ont des gênes leur permettant de digérer le lactose jusqu'à l'âge adulte.
Et le crime contre nature entre tous, cette homosexualité qui révulse Boutin et ses amis de la Manif pour Tous est présente dans la nature chez un paquet d'espèces (y compris des poissons, ai-je cru comprendre).
Et ces gens qui vous balancent l'argument de nature, demandez-leur la marque de leur bagnole, aussi. J'ai du mal à voir en quoi c'est naturel, ces trucs en fer à roulettes. Ils vous reprocheront tout de suite de tout mélanger.
Donc voilà, toute cette longue vaticination pour dire que, pour une large part, je suis assez d'accord avec les auteurs de ce petit tract que j'ai vu passer : la tomate hydroponique hors saison, c'est dégueulasse, ça n'a pas de goût, ça n'a pas d'intérêt. Mais ils feraient bien de se souvenir qu'aucune cause, si juste puisse-t-elle être, ne mérite qu'on la défende avec des arguments merdiques : à terme, cela ne peut que lui nuire.
Le fait, c'est que la tomate est un comestible arrivé récemment en Europe (récemment à l'échelle historique, bien sûr), puisque ce fruit était cultivé à la base par les Aztèques et autres peuples de Mésoamérique (qui l'appelaient Tomatl). Le texte expliquait que cette importation faisait qu'il était grotesque pour des Européens de consommer autant de tomates que nous le faisons de nos jours (et c'est vrai qu'entre le bloody mary, le ketchup, la bolognaise et la pizza, c'est une part appréciable de mon régime alimentaire qui est constituée de cette solanacée) et que nos organismes, en quatre siècles, n'avaient pas eu le temps de s'y adapter. La tomate n'est pas naturelle pour nous autres du Vieux Monde.
Il est vrai que "solanacée", ça désigne toute une famille de plantes dont la plupart sont toxiques (belladone, jusquiame, datura, etc.) ou intoxicantes (tabac). C'est le cas aussi du plant de tomate : tige et racines, notamment, et de sa cousine la pomme de terre, elle aussi venue du Nouveau Monde, et dont il me semble qu'on ne la mange pas crue justement à cause de ça.
Et donc, la tomate est une étrangère à notre culture et à notre agriculture. Rien que ça.
Et voilà un argument qui me gêne beaucoup, pour plusieurs raisons. Parce quelle est sa profondeur temporelle, déjà ? Si l'on se réfère à ce que mangeaient nos ancêtres les gaulois, le haricot sous toutes ses formes devrait être banni de nos tables : ils ne le connaissaient pas. Le café et le thé, terminé. Le citron et autres agrumes ? Amenés par les Romains qui les avaient trouvés en Orient. La vigne et l'olive étaient un apport des Grecs. En ce qui concerne les céréales, faut voir si les Gaulois cultivaient le même blé que nous, ou n'en étaient pas restés à l'engrain, l'orge et l'épeautre.
Si on fixe comme limite l'introduction de la tomate (mais encore faudrait-il expliquer pourquoi quatre siècles, c'est non, et que vingt, ça passe), ce sont aussi la pomme de terre, le chocolat, la dinde et le maïs qui sautent. Le quinoa aussi, d'ailleurs. Ça en fait, de la bouffe qui coince. Le riz passe entre les gouttes, mais de justesse : il est arrivé en France sous les Valois.
Et je ne vous parle même pas des lichees, kiwis, bananes et noix de coco. Et les cacahuètes (et là, vous imaginez un apéro sans cacahuètes ? un Elvis sans orgies de beurre de cacahuète ?).
Donc d'un point de vue purement historique, l'argument "plante étrangère" pose plus de problème qu'il n'en résout. Je ne suis pas certain que ceux qui le brandissent se rendent tout à fait compte de son ampleur et sont tout à fait prêts à l'appliquer de façon cohérente.
Nous vivons une époque de croisades alimentaires. Le régime sans gluten est devenu un truc à la mode (nonobstant le fait que les problèmes d'intolérance au gluten sont beaucoup moins répandus qu'on ne voudrait nous le faire croire), on entend des diététiciens partir en guerre contre les laitages (et si l'intolérance au lactose est bien plus répandue que celle au gluten, ses effets sont beaucoup moins violents) ou proposer des régimes basés sur des exclusions sélectives dont la complexité leur permet de vendre des bouquins par palettes entières. J'en ai déjà parlé ici même et ailleurs, mais on arrive à un niveau quasiment religieux de la prescription, un point où ça se croise avec les interdits alimentaires des divers cultes : ça devient une sorte de marqueur identitaire, un outil de ségrégation croisée (et je dis "ça devient", mais tout porte à croire que c'était déjà l'idée, à l'origine).
C'est intéressant, d'ailleurs, de comparer ces anathèmes sécularisés à ceux, plus anciens, de la tradition : en vitupérant contre tel ou tel aliment, ces pourfendeurs s'arrogent ce qui était un rôle divin, celui qui consiste à édicter des interdits alimentaires. Dans le genre orgueil satanique, on peut difficilement faire pire, à moins d'être homme politique.
Et puis il y a cet espèce "d'argument de nature", toujours délicat à manier, cette façon de décréter que quelque chose est "naturel" ou "contre nature". Lui aussi, il pue un peu. C'est celui qui a toujours été opposé à tout progrès et à toute déviation par rapport à la norme. Généralement il repose sur des "évidences" qu'il n'est pas besoin de discuter, c'est l'argument d'autorité ultime. Qui dans la plupart des cas est employé par des gens qui n'ont pas la moindre idée de ce qui est naturel ou pas.
Quelques exemples ? Nos pourfendeurs des produits laitiers le brandissent. Il n'est pas naturel de se nourrir de lait après avoir été sevré. C'est tellement peu naturel que pas mal de peuples ouralo-altaïques et les Mongols, dont la société repose sur l'élevage et la consommation de pas mal de choses à base de lait ont des gênes leur permettant de digérer le lactose jusqu'à l'âge adulte.
Et le crime contre nature entre tous, cette homosexualité qui révulse Boutin et ses amis de la Manif pour Tous est présente dans la nature chez un paquet d'espèces (y compris des poissons, ai-je cru comprendre).
Et ces gens qui vous balancent l'argument de nature, demandez-leur la marque de leur bagnole, aussi. J'ai du mal à voir en quoi c'est naturel, ces trucs en fer à roulettes. Ils vous reprocheront tout de suite de tout mélanger.
Donc voilà, toute cette longue vaticination pour dire que, pour une large part, je suis assez d'accord avec les auteurs de ce petit tract que j'ai vu passer : la tomate hydroponique hors saison, c'est dégueulasse, ça n'a pas de goût, ça n'a pas d'intérêt. Mais ils feraient bien de se souvenir qu'aucune cause, si juste puisse-t-elle être, ne mérite qu'on la défende avec des arguments merdiques : à terme, cela ne peut que lui nuire.
Commentaires
C'est dans des moments comme celui-là, ces moments où, par hasard, je lis ce genre de phrase, ce début de texte, que je me dis que vivre coupé de la "cacophonie" de l'information fait un bien fou. Finalement apprendre ici que ce genre de texte a été écrit aurait même tendance à gâcher mon dimanche.
C'est là le plus difficile, concilier une coupure franche et sans appel avec les nouvelles, l'actualité, les informations (peu importe le nom qu'on donne à ce "truc") et garder un contact via la Toile avec des gens qu'on apprécie ou des centres d’intérêt qui nous intéressent (sic), à tout moment on peut tomber sur ce genre de "connerie".
Ou apprendre que des gens se font tatouer un sigle sur la peau pour dire qu'ils sont "non-conformes", en allant sur un forum consulter une discussion sur de la BD.
Cela dit, j'ai aussi lu des commentaires où des intervenants pinailler car le dos de leurs BD était trop "ci" ou trop "ça", ou bien, alors qu'un éditeur lance une collection moins chère, se plaindre de je ne sais plus quelle peccadille sur la couverture plutôt que de louer l'initiative de baisser les prix.
En définitive il m'a fallu 10 ans pour m'apercevoir que 99 % de ce qui se dit sur les forums ou les blogs est d'une médiocrité crasse. Alors que la Toile pourrait être un chouette lieu d'échange, en dehors des circuits institutionnels médiatiques "traditionnels" et marchands (même si y accéder à aussi un coût), elle en est la reproduction, en pire ; et un porte-voix très efficace de ce qui s'y déroule.
L'absence flagrante de culture et de bon sens est masquée par la virulence des échanges et la taille des ego. Dommage !
Bon c'est pas tout ça Niko, mais même avec cette info de merde (si je puis dire), tu gardes toute mon estime et mon amitié, cette dernière ne tenant qu'à un fil de cette Toile justement ; sans elle je n'aurais pas l'heur de te connaître.
Hasta la vista !
et oui, sinon, nous vivons en des temps de pinaillage, de croisades lilliputiennes, et ça a un côté terriblement déprimant.
Mais l'arachide, arbre qui porte la cacahuète, est originaire du Mexique. Or, Elvis avait une arrière-arrière-arrière grand-mère nommée Morning White Dove qui était Cherokee.
( http://www.elvis-aron-presley.nl/genealogy.html )
Il est donc évident que ses gènes le prédisposait à digérer l'arachide et donc, contrairement à ce que vous affirmez de façon si péremptoire, Elvis n'est pas mort d'une intoxication à la cacahuète. Je viens donc de prouver, de façon IRRÉFUTABLE que :
Elvis is not dead.