Plus le temps passe, plus je me rends compte que les ouvrages de controverse historique me gonflent. Ce n'est pas la première fois que je me fais la réflexion, mais quand je fais des recherches pour un projet ou un autre, il arrive que je me retrouve d'un coup sur des sables mouvants conceptuels, sur des terrains où les historiens s'entre-étripent gaillardement.
Et ce dont j'ai besoin, quand je mets le nez dans des bouquins (donc des choses conçues pour rester, n'en déplaise aux éditeurs qui fonctionnent à coups de "coups"), ce n'est pas forcément de certitudes, non, mais au moins d'un état des lieux de la connaissance. Si la connaissance est mouvante, alors d'un état des lieux de ces mouvements, d'un exposé synthétique séparant les faits connus et leurs interprétations possibles. Au pire, que la thèse hétérodoxe soit donnée avec ses clés (et la comparaison avec une éventuelle thèse dominante) et ses sources.
Le fait que les tenants de l'une ou l'autre thèse soient des crétins, des vendus ou des moins que rien, je m'en fous un peu (ce n'est jamais dit dans ces termes, hein, mais c'est globalement à ça que ça revient) et ça parasite la recherche des éléments intéressants. Tout au plus puis-je m'intéresser au contexte politique qui fait émerger telle ou telle version (c'est souvent un facteur clé, d'ailleurs). Mais les procès d'intention, les pages après page d'explications visant à prouver que "y a que moi qui ai raison et vous êtes tous des méchants ou des cons", ça me gonfle, même quand le mec a vraiment raison. Et l'Histoire a l'air d'être propice à ça. Ça existe en médecine, vous me direz, mais neuf fois sur dix, on peut sourcer le discours dissident jusqu'à des postures de nature religieuse, sectaire ou apparentée, ce qui permet de faire beaucoup plus facilement le tri entre les hypothèse nouvelles et prometteuses, les alertes bienvenues et les délires paranoïdes et complotistes (il y a un bouquin à écrire sur la croisade anti-vaccination des homéopathes, ses sources philosophiques et la vision du monde que cela sous-tend). Ça existe également en physique fondamentale, mais l'Histoire touche à la mémoire collective et à l'interprétation des mouvements de la société présente, alors le ton monte beaucoup plus vite (et en physique, ça se règle généralement à coups d'équations inaccessibles au commun des mortels, qu'on ne peut donc pas prendre à témoin des conflits).
Mais donc, de nos jours, l'espèce d'hygiène épistémologique consistant à séparer les faits, l'interprétation et la polémique me semble devenir de plus en plus rare. De mon côté, en tant qu'auteur de fiction, je m'intéresse toujours aux interprétations déviantes parce qu'elles peuvent fournir du bon biscuit pour des histoires, que ce soit en BD ou ailleurs. Toute la difficulté, et tout le sel, aussi, c'est de ne pas être dupe ensuite de mon propre discours. Mais c'est facilité par le fait que mes récits ne sont que ça, du divertissement un peu élaboré. Les vrais ennuis commencent toujours quand les gens se mettent à croire dur comme fer à leurs propres constructions sans plus les confronter au fait. Alors messieurs les historiens, de grâce, laissez les polémiques stériles et les noms d'oiseaux aux politiciens, ne vous abaissez pas à leur triste niveau.
Et ce dont j'ai besoin, quand je mets le nez dans des bouquins (donc des choses conçues pour rester, n'en déplaise aux éditeurs qui fonctionnent à coups de "coups"), ce n'est pas forcément de certitudes, non, mais au moins d'un état des lieux de la connaissance. Si la connaissance est mouvante, alors d'un état des lieux de ces mouvements, d'un exposé synthétique séparant les faits connus et leurs interprétations possibles. Au pire, que la thèse hétérodoxe soit donnée avec ses clés (et la comparaison avec une éventuelle thèse dominante) et ses sources.
Le fait que les tenants de l'une ou l'autre thèse soient des crétins, des vendus ou des moins que rien, je m'en fous un peu (ce n'est jamais dit dans ces termes, hein, mais c'est globalement à ça que ça revient) et ça parasite la recherche des éléments intéressants. Tout au plus puis-je m'intéresser au contexte politique qui fait émerger telle ou telle version (c'est souvent un facteur clé, d'ailleurs). Mais les procès d'intention, les pages après page d'explications visant à prouver que "y a que moi qui ai raison et vous êtes tous des méchants ou des cons", ça me gonfle, même quand le mec a vraiment raison. Et l'Histoire a l'air d'être propice à ça. Ça existe en médecine, vous me direz, mais neuf fois sur dix, on peut sourcer le discours dissident jusqu'à des postures de nature religieuse, sectaire ou apparentée, ce qui permet de faire beaucoup plus facilement le tri entre les hypothèse nouvelles et prometteuses, les alertes bienvenues et les délires paranoïdes et complotistes (il y a un bouquin à écrire sur la croisade anti-vaccination des homéopathes, ses sources philosophiques et la vision du monde que cela sous-tend). Ça existe également en physique fondamentale, mais l'Histoire touche à la mémoire collective et à l'interprétation des mouvements de la société présente, alors le ton monte beaucoup plus vite (et en physique, ça se règle généralement à coups d'équations inaccessibles au commun des mortels, qu'on ne peut donc pas prendre à témoin des conflits).
Mais donc, de nos jours, l'espèce d'hygiène épistémologique consistant à séparer les faits, l'interprétation et la polémique me semble devenir de plus en plus rare. De mon côté, en tant qu'auteur de fiction, je m'intéresse toujours aux interprétations déviantes parce qu'elles peuvent fournir du bon biscuit pour des histoires, que ce soit en BD ou ailleurs. Toute la difficulté, et tout le sel, aussi, c'est de ne pas être dupe ensuite de mon propre discours. Mais c'est facilité par le fait que mes récits ne sont que ça, du divertissement un peu élaboré. Les vrais ennuis commencent toujours quand les gens se mettent à croire dur comme fer à leurs propres constructions sans plus les confronter au fait. Alors messieurs les historiens, de grâce, laissez les polémiques stériles et les noms d'oiseaux aux politiciens, ne vous abaissez pas à leur triste niveau.
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