C’est un imaginaire
futuriste qui s’est réalisé. Certes, la fusée estampillée NASA
ou CCCP n’a plus qu’un air de famille assez lointain avec les
dards étincelants et bardés d’ailerons de la fiction des années
1940 et 1950, mais elle devient le symbole d’une humanité
conquérante. Vostok, Mercury ou Gemini
deviennent les mots-clés d’un nouveau voyage dépassant de très
loin celui des Santa Maria, Pinta et Niña.
Mais on est loin du space
opera. Très loin de Flash Gordon et de Buck Rogers qui
mèneraient la Guerre froide en orbite, en combinaison moulante et le
fulgurant au poing. C’est qu’avec Wernher Von Braun et Serguei
Korolev, le pouvoir est tombé entre les mains des politiques et des
ingénieurs, et a été arraché aux rêveurs : dans le plus pur
style du Futurisme italien, l’imaginaire est totalement investi par
le concept de course. C’est une course à la grande première, une
course au record. Et les records ne peuvent être battus qu’avec la
maîtrise technique de tous les paramètres. Aux yeux de von Braun et
des ingénieurs de la NASA, on l’a vu, la capsule Mercury
aurait très bien pu se passer de commandes internes accessibles à
un pilote : les vols étant conçus pour être totalement
automatisés, la présence à bord d’un astronaute n’est pensée
que comme un moyen de se démarquer du simple satellite bourré
d’équipement, et est qualifiée de « redondante » par
les concepteurs.
Saisissant l’occasion
de se tailler un grand récit à sa mesure et poussé par son
vice-président Lyndon Johnson, Kennedy réactive l’image désuète
de la nouvelle frontière qui avait été un peu oubliée à la fin
de l’âge des cow-boys, et promet une « grande enjambée ».
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