Accéder au contenu principal

Allez plus haut, aller plus haut

Grosse galère d'informatique ce week-end, j'ai paumé un texte sur lequel je bossais. J'ai réussi heureusement à en reconstituer la plus grande partie, en travaillant façon puzzle à partir de sauvegardes partielles et d'une copie papier. Bref. Pas cool.

Comme c'est le premier avril et que je ne suis pas d'humeur à faire des blagues, du coup, je préfère vous balancer ce texte, écrit en manière de canular il y a quelques temps de ça pour un boulot dans lequel on ne l'a finalement pas utilisé.



Cinq Semaines dans l'Ether, par Anselme Maurepas
Chapitre IX : à la dérive

"Fichtre", dit le professeur Fergus en manipulant le manomètre. Il fit faire plusieurs tours à la roue de laiton, sans plus de résultat. "Nous perdons de la pression, je le crains."

Gwen Kardec se renfrogna.

- Je vous avais bien dit de ne pas trop vous fier à ces inventions, professeur. Tout ça ne vaut pas un bon vieux cordage ou une garcette pour amener les voiles, dit-il entre ses dents.

- Mais nous ne sommes pas sur un de vos clippers de la course du thé, mon cher, répondit le vieil homme. Toutes les voiles du monde ne suffiraient pas à nous élever d'un pouce. Et j'ambitionne de faire le tour du monde bien plus vite que vos trois-mâts.

L'ancien gabier s'approcha de la tuyauterie de cuivre. Son entrelacs complexe était un défi permanent au solide bon sens du Brestois. Il plaqua néanmoins son oreille sur plusieurs des tubulures, puis sortit de sa besace une courte massette de plomb.

- Mais que faites-vous, malheureux ? C'est un mécanisme délicat, s'écria le professeur alarmé.

Gwen plissa les yeux, puis donna un petit coup de son outil sur l'un des plus fins des tubes. Un gargouillis lui répondit, qui sembla ensuite se dissiper un peu plus loin dans le dispositif.

- Une bulle, professeur, rien qu'une bulle. Et ça suffit à tout détraquer. Il en faut plus pour arrêter mes trois-mâts, comme vous dites, lâcha-t-il sur un ton où perçait l'ironie. Il est heureux que j'aie vu pratiquer un mécanicien, à bord d'un vapeur, il y a quelques années.

Le "Goéland" fit une embardée et s'éleva à une vitesse prodigieuse. Fébrilement, le professeur Fergus fit tourner le manomètre dans l'autre sens.

- Malheur, s'écria-t-il. Je n'avais pas du tout prévu ça.

Gwen s'approcha du hublot cerclé de métal. Par delà le verre s'étendait une mer tel qu'il n'en avait jamais vue, un moutonnement d'écume ouatée à perte de vue, semblant immobile là où les vagues sont en perpétuel mouvement. On y distinguait des crevasses grises et des pics contournés d'un blanc éclatant qui s'effilochaient doucement dans la brise. "Oh", fit-il.

Le professeur Fergus vint le rejoindre. S'appuyant à la paroi de teck verni, il risqua un regard.

- Oui, Monsieur Kardec, ce sont bien les nuages tels qu'on les voit quand on les survole. J'avais déjà eu le privilège de contempler ce spectacle à couper le souffle quand j'ai battu le record d'altitude en ballon. Dieu qu'il faisait froid, ce jour-là…

Le vieux professeur risqua un œil à un cadran.

- D'ailleurs, il fait toujours froid à ces hauteurs d'air raréfié, reprit-il. Nous sommes bien mieux dans notre cabine, vous ne trouvez pas ?

Sans s'arracher à la contemplation de l'immensité, le gabier fit signe au vieil homme, alors que le "Goéland" était secoué par une nouvelle embardée, beaucoup plus brutale que la précédente.

- Nous nous déplaçons de plus en plus vite, professeur. Est-ce le vent ? Souffle-t-il donc si fort qu'il entraine votre énorme machine ?

- Certes pas, répondit Fergus. Cela signifie tout simplement que nous naviguons librement dans les éthers supérieurs, indépendamment de la rotation du globe ! Rendez-vous compte, Monsieur Kardec ! Nous avons échappé à la couche éthérique que la terre entraine dans son sillage ! Le ciel est notre seule limite, à présent !

Gwen Kardec fronça le nez. "Il serait bon de ralentir quand même, je tiens à m'arrêter et à redescendre à temps pour le dîner." Il jeta un regard inquiet à la forêt de leviers et de molettes que manipulait le professeur Fergus.

"Ceci devrait nous faire perdre un peu d'altitude, mon ami. Suffisamment pour revenir dans la zone de turbulences…"

Il fut interrompu par une nouvelle embardée, encore plus violente que celles qui l'avaient précédée. Le "Goéland" bondit, faisant vaciller sur leurs jambes ses deux occupants. De l'autre côté de l'épais hublot, l'océan de nuages sembla accélérer de plus belle.

- Mille tonnerres, gronda Gwen Kardec, pantelant. Vous nous avez mis dans une belle situation, professeur ! Nous filons droit devant sans pouvoir nous arrêter !

La semaine prochaine : face aux étoiles.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le grand méchoui

 Bon, l'info est tombée officiellement en début de semaine : Les Moutons électriques, c'est fini. Ça aura été une belle aventure, mais les événements ont usé et ruiné peu à peu une belle maison dans laquelle j'avais quand même publié dix bouquins et un paquet d'articles et de notules ainsi qu'une nouvelle. J'ai un pincement au coeur en voyant disparaître cet éditeur et j'ai une pensée pour toute l'équipe.   Bref. Plein de gens me demandent si ça va. En fait, oui, ça va, je ne suis pas sous le choc ni rien, on savait depuis longtemps que ça n'allait pas, j'avais régulièrement des discussions avec eux à ce sujet, je ne suis pas tombé des nues devant le communiqué final. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Que les dix bouquins que j'évoquais plus haut vont quitter les rayonnages des libraires. Si vous êtes en retard sur Cosmonautes ! ou sur Le garçon avait grandi en un gast pay s, notamment, c'est maintenant qu'il faut aller le...

Writever janvier, part 1

 Tiens, ça faisait longtemps que j'avais pas participé au Writever. J'avais lâché l'affaire au moment où la connexion internet était devenue un enfer. Comme c'est un exercice marrant, et qui m'a bien aidé à des moments où j'avais des pannes d'écriture, c'est pas plus mal de m'y remettre. Le thème, "fucking tech!", à un moment où Musk est sur les rangs pour devenir maître du monde, c'est peut-être de saison. 1- Réaliste "Soyez réaliste, on ne peut pas avoir cette option, c'est trop de complications et de risques." C'est comme une âme en peine qu'il ressorti de la boutique PinApple. Ce n'était pas encore avec cette génération-là qu'il pourrait faire de l'irish coffee avec son smartphone. 2- Accessoire On a accessoirisé les machines, on passe aux utilisateurs. Les écouteurs et la montre turboconnectés? Ringard. Maintenant il y a le contrôleur dentaire, trois dents sur pivots qu'on titille de la langu...

Par là où tu as pêché

 Ma lecture du moment, hors comics et trucs pour le boulot (et y en a des palanquées, de ça), ça aura été The Fisherman , de John Langan, apparemment la grosse sensation de cet hiver. Un roman épais à la jolie couverture, dont le pitch est simple : c'est l'histoire d'un mec qui va à la pêche pour oublier ses soucis personnels. Bon, en vrai, c'est sa manière de gérer le deuil, et le vrai thème, il est là. Notre protagoniste a perdu sa femme d'un cancer et en reste inconsolable. La pêche, c'est son moyen de ventiler tout ça, sans pour autant régler le problème. Il écume les rivières de la région, les Catskills, une zone montagneuse dans l'arrière-pays de New York. Un beau jour, il embarque avec lui un collègue qui a perdu sa famille dans un accident de voiture et le vit encore plus mal. J'en dis pas plus pour l'instant. John Langan, l'auteur, est assez inconnu par chez nous. C'est son deuxième roman, il a par contre écrit une palanquée de nouve...

Executors

 Dans mon rêve de cette nuit, j'étais avec un groupe d'amis dans un café, quand un bus scolaire s'est rangé devant. En descend une espèce de proviseur aux faux airs de Trump, et une cohorte de mômes en uniforme scolaire à la con, type anglais ou japonais, ou école catho peut-être : blasers, jupes plissées, écussons. Le proviseur fait "allez-y, faites le ménage" et les mômes sortent des Uzi et des fusils à pompe. Ils défoncent tous ceux qui sont attablés en terrasse. On arrive à se planquer sous les tables avec mon groupe, et on s'enfuit par la porte de derrière sans demander notre reste. Pas question de jouer les héros face à ces écoliers au regard vide. On zigzague dans des ruelles, mais chaque fois qu'on retombe sur une avenue, des bus scolaires s'arrêtent et vomissent leur contenu de gamins en uniforme. L'accès à la gare du métro aérien est coupé. On voit des cadavres ensanglantés dévaler les marches. En haut, c'est la fusillade. Dans les ru...

Au ban de la société

 Tiens, je sais pas pourquoi (peut-être un trop plein de lectures faites pour le boulot, sur des textes ardus, avec prise de note) j'ai remis le nez dans les Justice Society of America de Geoff Johns, période Black Reign . J'avais sans doute besoin d'un fix de super-héros classique, avec plein de persos et de pouvoirs dans tous les sens, de gros enjeux, etc. Et pour ça, y a pas à dire JSA ça fait très bien le job. La JSA, c'est un peu la grand-mère des groupes super-héroïques, fondée dans les années 40, puis réactivée dans les années 60 avec les histoires JLA/JSA su multivers. C'étaient les vieux héros patrimoniaux, une époque un peu plus simple et innocente. Dans les années 80, on leur avait donné une descendance avec la série Infinity Inc . et dans les années 90, on les avait réintégrés au prix de bricolages divers à la continuité principale de DC Comics, via la série The Golden Age , de James Robinson et Paul Smith, qui interprétait la fin de cette époque en la...

À la Dune again

 Bon, je viens de finir Dune Prophecy, la série télé dans l'univers de Dune , conçue pour être raccord avec les films de Villeneuve. Et, forcément, je suis partagé. Comme toujours avec ce genre de projets, on peut y trouver autant de qualités que de défauts. La production value est chouette, ça essaie de coller à l'esthétique des films, le casting est plutôt bien, c'est pas mal mené, distillant du mystère retors et du plan dans le plan. De ce point de vue, mission accomplie. Après, c'est assez malin pour s'insérer dans la continuité des bouquins de Brian Herbert et Kevin J. En Personne sans les adapter directement, histoire de pouvoir inventorier les trucs moisis. Ça n'y arrive pas toujours, et ça rajoute des idées à la con (des scènes de bar, franchement, dans Dune , quelle faute de goût) et ça reste prisonnier de ce cadre. Mais ça essaie de gérer et de ce point de vue, c'est plutôt habile. Où est le problème ? me direz-vous ? Bon, on en a déjà causé, mais...

La fin du moooonde après la fin de l'année

Edit : Bon, c'est annulé vu la nouvelle qui vient de tomber.      Ah, tiens, voilà qu'on annonce pour l'année prochaine une autre réédition, après mon Cosmonautes : C'est une version un peu augmentée et au format poche de mon essai publié à l'occasion de la précédente fin du monde, pas celle de 2020 mais celle de 2012. Je vous tiens au courant dès que les choses se précisent. Et la couve est, comme de juste, de Melchior Ascaride.

Perte en ligne

 L'autre soir, je me suis revu Jurassic Park parce que le Club de l'Etoile organisait une projo avec des commentaires de Nicolas Allard qui sortait un chouette bouquin sur le sujet. Bon outil de promo, j'avais fait exactement la même avec mon L'ancelot y a quelques années. Jurassic Park , c'est un film que j'aime vraiment bien. Chouette casting, révolution dans les effets, les dinos sont cools, y a du fond derrière (voir la vidéo de Bolchegeek sur le sujet, c'est une masterclass), du coup je le revois de temps en temps, la dernière fois c'était avec ma petite dernière qui l'avait jamais vu, alors qu'on voulait se faire une soirée chouette. Elle avait aimé Indiana Jones , je lui ai vendu le truc comme ça : "c'est le mec qui a fait les Indiana Jones qui fait un nouveau film d'aventures, mais cette fois, en plus, y a des dinos. Comment peut-on faire plus cool que ça ?" Par contre, les suites, je les ai pas revues tant que ça. L...

La fille-araignée

Tiens, ça fait une paye que j'avais pas balancé une nouvelle inédite... Voilà un truc que j'ai écrit y a 6 mois de ça, suite à une espèce de cauchemar fiévreux. J'en ai conservé certaines ambiances, j'en ai bouché les trous, j'ai lié la sauce. Et donc, la voilà... (et à ce propos, dites-moi si ça vous dirait que je fasse des mini-éditions de certains de ces textes, je me tâte là-dessus) Elle m’est tombée dessus dans un couloir sombre de la maison abandonnée. Il s’agissait d’une vieille villa de maître, au milieu d’un parc retourné à l’état sauvage, jouxtant le canal. Nul n’y avait plus vécu depuis des décennies et elle m’avait tapé dans l’œil un jour que je promenais après le travail, un chantier que j’avais accepté pour le vieil épicier du coin. J’en avais pour quelques semaines et j’en avais profité pour visiter les alentours. Après avoir regardé autour de moi si personne ne m'observait, je m’étais glissé dans une section effondrée du mur d’enceinte, j’...

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...