Y a des moments où on a des pulsions grotesques. Généralement quand la fatigue fait tomber toutes les défenses mentales bâties au fil d'une vie d'efforts. Et dans ces moments-là, quand on se lâche, on fait par exemple une descente sur la cuisine et on se flingue la tablette de chocolat ou le coulommiers. Ou pire, on file à la supérette s'acheter un pot de Fluff ou une bouteille de sirop d'érable pour faire un sort au pot de mascarpone qu'on a débusqué au fond du frigo. Ce sont des moments où l'on descends plus bas que la bête.
Et parfois, on fait encore pire. Dans l'espèce de torpeur postorgasmique qui suit l'acte de dévoration, on bascule dans un trip régressif. On se met à écouter sur youtube ou ailleurs des merdes de sa jeunesse, genre du Gold ou Emile et Images, et là on se retrouve pris, englué dans une espèce de vortex mental jailli du plus noir des années 80.
Et là, on se remate le pilote de Supercopter.
Et Supercopter (Airwolf, en américain dans le texte), c'est un truc complètement représentatif de son époque. Surfant sur l'air du temps, empruntant lourdement au film Firefox sorti deux ans plus tôt et un peu à Retour vers l'Enfer (mais devançant Rambo 2, il est bon de le noter), Supercopter racontait comment un pilote névrosé et misanthrope, encore tout secoué par le conflit vietnamien, est embauché par la Compagnie et par son représentant, le trop classe Michael "Power of the mustache"* Archangel (en tout cas trop classe selon les standards de la première moitié des années 80, qui étaient quand même une époque assez étrange sous ce rapport) pour retrouver un prototype d'hélicoptère de combat qui "botte le cul", selon la trop classe expression de l'assistante.
Le prototype était tombé entre les mains de méchants Lybiens, et donc notre héros, flanqué d'un vieux copain joué par Ernest Borgnine, s'en va infiltrer le pays de Kadhafi, bien avant que ce dernier soit considéré comme fréquentable et soit reçu en grande pompe par de grands présidents de démocraties occidentales. Enfin… Par des présidents de démocraties occidentales. Enfin… Par un président d'un pays d'Europe occidentale, en pompes à talonnettes. Bref.
J'en avais déjà parlé ici, à l'époque j'aimais bien Supercopter. L'engin était classe, et la série était assez drôle avec son côté reaganien über bas du front. Stringfellow Hawke ferait passer Jack Bauer et Walker le ranger du Texas pour des modèles d'ambiguïté (il a probablement été traumatisé par son bref passage comme apprenti de Charles Bronson, c'était dans Le Flingueur).
C'est un personnage que le scénario tente tellement de rendre sympathique à l'Américain moyen de la fin de la Guerre Froide que ça le rend instantanément odieux. Heureusement, la production l'a flanqué d'un acolyte/mentor rigolo qui sait le recadrer : par exemple, à la fin du pilote, quand Stringfellow continue à appuyer convulsivement sur le bouton du lance-missiles, vide depuis dix minutes (le premier missile a de toute façon eu raison d'emblée du méchant pervers qui avait torturé la nouvelle petite amie du héros pour lui coller une couche de trauma supplémentaire), c'est le copain qui lui dit qu'il peut arrêter, que c'est fini.
C'est en revoyant la VF de ce pilote que je me suis avisé que le montage était très bizarre, avec des cuts pas propres du tout, alors que globalement, c'est pas mal filmé, y a même des idées sympas ici et là. En me renseignant un peu, j'ai appris que ça avait été bidouillé en cours de route, mais qu'il existait une réédition plus ou moins avec la version d'origine.
Emporté par une curiosité malsaine, j'ai découvert au moins trois montages différents :
Le montage français et le montage téléfilm US se terminent juste après la mort du méchant. Dans la VF, String joue du violoncelle au bord de son lac, face au soleil couchant. Dans le montage téléfilm, l'hélico survole la mer vers le soleil couchant. Et dans le montage US de la série, on prépare la série elle-même, avec une scène d'Archangel expliquant que lui, le grand manipulateur, s'est fait couillonner en beauté (mais que c'est tout la faute de son patron qui n'a pas joué le jeu), puis s'explique avec String, posant les bases de la dynamique de la série : String garde l'hélico comme monnaie d'échange pour faire pression sur le gouvernement, mais fait les sales boulots. Puis plan de String jouant du violoncelle face au soleil couchant, plus long que dans la VF. Je n'ai pas été éplucher le reste, faut pas déconner non plus, mais j'ai bien l'impression qu'il y a eu du bricolage dans tous les sens.
Du coup, j'ai quand même survolé la suite, ce qui a ravivé des souvenirs :l'épisode avec le détournement d'avion, coupé lors de son passage sur la 5 par une publicité pour une compagnie aérienne, et qui du coup m'avait fait bien rire, ou les divers vétérans du Vietnam passés du côté obscur que le héros n'ose pas tuer parce qu'il veut savoir où est passé son frangin, et les méchants Allemands de l'Est, et les méchants Russes, et les méchants Lybiens, récurrents et interchangeables. Et les stock shots et autres plans de missiles recyclés d'un épisode à l'autre... Si le pilote était friqué, on sent au fil des trois saisons que le budget s'amenuise** (Il y a bien eu une saison 4, mais elle ferait passer la saison 2 de Cosmos 1999 pour un chef d'œuvre impérissable. Et dans cette saison 4, par ailleurs, la notion de budget tout court devient purement théorique).
Bref, c'est toute un époque qui ressurgit alors que je vois Ernest Borgnine enchainer les séquences d'air navré quand il constate que son jeune protégé est vraiment en train de partir en sucette dans sa tête, que j'entends des communistes à la solde du KGB vomir menaces et imprécations et que j'en viens à me demander si Archangel a eu l'occasion de bosser avec Oscar Goldman avant que ce dernier ne devienne Vice-Président (note à moi-même : vérifier que Ben Santini, dans Stormwatch et Wildcats, ne soit pas par hasard de la famille de Dominic Santini, le vieux dans Supercopter).
J'aimais bien, quand même, quand j'étais jeune et fou et que ça passait sur la Cinq. Et du coup, ça m'a rappelé qu'à l'époque, j'avais fait deux épisodes d'une BD dont les héros avaient bricolé un vieil hélico pour combattre les méchants. Je n'avais jamais terminé le troisième, dans lequel le héros s'échappait d'un bateau appartenant à un savant fou.
J'ai ressorti ces merveilles de leur tiroir, et la larme à l'oeil, j'ai ouvert le vieux classeur dans lesquelles je les conservais. Classeur que j'ai refermé aussitôt avant de le fourrer à nouveau d'une main tremblante dans le tiroir, dont j'ai par prudence égaré la clé dans les minutes qui ont suivi.
Putain, c'était vraiment nul, les années 80.
* C'est un motif récurrent chez Belisario, le producteur. Il était aussi derrière la création de Magnum P.I., dont Supercopter aurait dû d'ailleurs être un spin-off, au départ.
** Je vous rassure, hein. Je ne me suis pas infligé TOUT Supercopter. Primo, j'ai trop de boulot, et deuzio, je ne suis pas flingué à ce point.
Et parfois, on fait encore pire. Dans l'espèce de torpeur postorgasmique qui suit l'acte de dévoration, on bascule dans un trip régressif. On se met à écouter sur youtube ou ailleurs des merdes de sa jeunesse, genre du Gold ou Emile et Images, et là on se retrouve pris, englué dans une espèce de vortex mental jailli du plus noir des années 80.
Et là, on se remate le pilote de Supercopter.
"Il a vraiment une sale gueule."
(le sénateur qui se fait dézinguer trois minutes après
par l'hélico, en remerciement de cette brillante sortie)
Et Supercopter (Airwolf, en américain dans le texte), c'est un truc complètement représentatif de son époque. Surfant sur l'air du temps, empruntant lourdement au film Firefox sorti deux ans plus tôt et un peu à Retour vers l'Enfer (mais devançant Rambo 2, il est bon de le noter), Supercopter racontait comment un pilote névrosé et misanthrope, encore tout secoué par le conflit vietnamien, est embauché par la Compagnie et par son représentant, le trop classe Michael "Power of the mustache"* Archangel (en tout cas trop classe selon les standards de la première moitié des années 80, qui étaient quand même une époque assez étrange sous ce rapport) pour retrouver un prototype d'hélicoptère de combat qui "botte le cul", selon la trop classe expression de l'assistante.
Archangel et ses drôles de dames.
J'en avais déjà parlé ici, à l'époque j'aimais bien Supercopter. L'engin était classe, et la série était assez drôle avec son côté reaganien über bas du front. Stringfellow Hawke ferait passer Jack Bauer et Walker le ranger du Texas pour des modèles d'ambiguïté (il a probablement été traumatisé par son bref passage comme apprenti de Charles Bronson, c'était dans Le Flingueur).
"Crève, pourriture communiste !"
C'est un personnage que le scénario tente tellement de rendre sympathique à l'Américain moyen de la fin de la Guerre Froide que ça le rend instantanément odieux. Heureusement, la production l'a flanqué d'un acolyte/mentor rigolo qui sait le recadrer : par exemple, à la fin du pilote, quand Stringfellow continue à appuyer convulsivement sur le bouton du lance-missiles, vide depuis dix minutes (le premier missile a de toute façon eu raison d'emblée du méchant pervers qui avait torturé la nouvelle petite amie du héros pour lui coller une couche de trauma supplémentaire), c'est le copain qui lui dit qu'il peut arrêter, que c'est fini.
Je reste avec le petit, j'ai peur que sans supervision d'un adulte,
il aille faire des conneries. Alors que pendant qu'il a
son joujou qui valait trois milliards, au moins,
il va pas brûler des bagnoles. Ou alors seulement des Trabant.
C'est en revoyant la VF de ce pilote que je me suis avisé que le montage était très bizarre, avec des cuts pas propres du tout, alors que globalement, c'est pas mal filmé, y a même des idées sympas ici et là. En me renseignant un peu, j'ai appris que ça avait été bidouillé en cours de route, mais qu'il existait une réédition plus ou moins avec la version d'origine.
Emporté par une curiosité malsaine, j'ai découvert au moins trois montages différents :
Le montage français et le montage téléfilm US se terminent juste après la mort du méchant. Dans la VF, String joue du violoncelle au bord de son lac, face au soleil couchant. Dans le montage téléfilm, l'hélico survole la mer vers le soleil couchant. Et dans le montage US de la série, on prépare la série elle-même, avec une scène d'Archangel expliquant que lui, le grand manipulateur, s'est fait couillonner en beauté (mais que c'est tout la faute de son patron qui n'a pas joué le jeu), puis s'explique avec String, posant les bases de la dynamique de la série : String garde l'hélico comme monnaie d'échange pour faire pression sur le gouvernement, mais fait les sales boulots. Puis plan de String jouant du violoncelle face au soleil couchant, plus long que dans la VF. Je n'ai pas été éplucher le reste, faut pas déconner non plus, mais j'ai bien l'impression qu'il y a eu du bricolage dans tous les sens.
Du coup, j'ai quand même survolé la suite, ce qui a ravivé des souvenirs :l'épisode avec le détournement d'avion, coupé lors de son passage sur la 5 par une publicité pour une compagnie aérienne, et qui du coup m'avait fait bien rire, ou les divers vétérans du Vietnam passés du côté obscur que le héros n'ose pas tuer parce qu'il veut savoir où est passé son frangin, et les méchants Allemands de l'Est, et les méchants Russes, et les méchants Lybiens, récurrents et interchangeables. Et les stock shots et autres plans de missiles recyclés d'un épisode à l'autre... Si le pilote était friqué, on sent au fil des trois saisons que le budget s'amenuise** (Il y a bien eu une saison 4, mais elle ferait passer la saison 2 de Cosmos 1999 pour un chef d'œuvre impérissable. Et dans cette saison 4, par ailleurs, la notion de budget tout court devient purement théorique).
(faut dire que les méchants,
quand ils n'avaient pas des têtes de bicots, avaient des têtes de cocos)
Bref, c'est toute un époque qui ressurgit alors que je vois Ernest Borgnine enchainer les séquences d'air navré quand il constate que son jeune protégé est vraiment en train de partir en sucette dans sa tête, que j'entends des communistes à la solde du KGB vomir menaces et imprécations et que j'en viens à me demander si Archangel a eu l'occasion de bosser avec Oscar Goldman avant que ce dernier ne devienne Vice-Président (note à moi-même : vérifier que Ben Santini, dans Stormwatch et Wildcats, ne soit pas par hasard de la famille de Dominic Santini, le vieux dans Supercopter).
J'aimais bien, quand même, quand j'étais jeune et fou et que ça passait sur la Cinq. Et du coup, ça m'a rappelé qu'à l'époque, j'avais fait deux épisodes d'une BD dont les héros avaient bricolé un vieil hélico pour combattre les méchants. Je n'avais jamais terminé le troisième, dans lequel le héros s'échappait d'un bateau appartenant à un savant fou.
J'ai ressorti ces merveilles de leur tiroir, et la larme à l'oeil, j'ai ouvert le vieux classeur dans lesquelles je les conservais. Classeur que j'ai refermé aussitôt avant de le fourrer à nouveau d'une main tremblante dans le tiroir, dont j'ai par prudence égaré la clé dans les minutes qui ont suivi.
Putain, c'était vraiment nul, les années 80.
Curiosité : des fans ont imaginé une version russe de l'engin.
Pire : ils écrivent aussi des fanfics.
* C'est un motif récurrent chez Belisario, le producteur. Il était aussi derrière la création de Magnum P.I., dont Supercopter aurait dû d'ailleurs être un spin-off, au départ.
** Je vous rassure, hein. Je ne me suis pas infligé TOUT Supercopter. Primo, j'ai trop de boulot, et deuzio, je ne suis pas flingué à ce point.
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