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Return of the space cow-boy

 À l'occasion de ma pause post-prandiale, je m'étais remis la scène d'ouverture d'Il était une fois dans l'ouest, parce que ça fait du bien des fois de revenir aux fondamentaux. Et puis, alors que je tentais de me remettre au boulot, j'ai tilté que le nouvel épisode d'Alien Earth venait de sortir. Bon, j'en causerai pas plus avant aujourd'hui, because que j'attends la fin de la série pour me faire un avis définitif (j'aime bien Noah Hawley à la base, y a des choses que j'apprécie là-dedans et d'autre dont... j'attends de voir comment elles vont évoluer), mais j'ai eu un petit tilt. Ça représentait en apparence une sorte de grand écart conceptuel et esthétique, Charles Bronson et son harmonica d'un côté, Timothy Olyphant peroxydé téléchargeant des données biologiques de l'autre, sauf que... non, en fait.

Ben oui, le western et le récit spatial (bon, même si on est pas dans le spatial avec Alien Earth, mais avec la saga Alien dans son ensemble, oui) c'est... pas exactement la même chose, mais ça sort de la même matrice.

  

Le western, c'est en grande partie une structure mythique. Les vrais cow-boys ne portaient pas de feutres Stetson, ne se battaient que rarement à coups de six-coups, n'avaient pas forcément des âmes de justicier... Tous ces clichés sont nés avec Buffalo Bill et son Wild West Show, puis se sont développés et cristallisés avec les pulps et le cinéma.

Au coeur du mythe de l'ouest sauvage, au départ, il n'y a d'ailleurs pas le cow-boy, mais la Frontière, cette ligne mouvante séparant le pays civilisé d'une région où tout était possible, mais où le danger était partout. Ce déplacement de la Frontière, c'est un peu ce que raconte d'ailleurs L'homme qui tua Liberty Valance, film qui d'ailleurs n'est pas dupe des aspects mythiques et exagérés du genre : "On est dans l'Ouest, ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende."

  

Lorsque Kennedy promet la Lune au début des années 1960, il réactive précisément ce mythe de la Frontière. Et il sait ce qu'il fait. Les héros de pulps partant à la conquête de l'espace sont souvent les héritiers des cow-boys. Northwest Smith, le personnage créé par Catherine L. Moore dans Weird Tales a des côtés Conan de l'espace, il rencontre parfois des menaces au limites du lovecraftien, mais il se balade plus qu'à son tour dans des paysages désertiques avec une veste en cuir sur le dos et aux côtés un "pistolet thermique". L'installation sur de nouvelles planètes a ce petit côté esprit pionnier associé à la Frontière. Souvent, la rencontre avec les aliens a un petit côté conflits avec les indiens (et se termine de la même façon génocidaire, très souvent).

La science-fiction ne se gêne d'ailleurs pas pour faire des remakes de westerns, pour le meilleur et le pire : Outland évoque fortement Le train sifflera trois fois tandis que le récent Rebel Moon de Zack Snyder est une énième variation sur les Sept mercenaires. Qu'importe que ce genre de récits n'ait que peu à voir avec l'exploration spatiale réelle : de toute façon, les westerns ne ressemblent pas non plus à l'ouest sauvage, le vrai. On se trouve dans un imaginaire pulp et, lorsque Star Wars réactive les imaginaires pulps, il n'est pas innocent que Han Solo s'habille et se comporte comme un personnage de western, voire de western spaghetti.


Même dans la série Alien, les compagnies type Weyland-Yutani se comportent à peu près comme les propriétaires miniers du Grand Silence ou les barons du chemin de fer d'Il était une fois dans l'ouest. La conquête sur fait sur le dos de ceux qui défricheront mais ne toucheront pas les dividendes. Et à ceux qui diraient qu'avec Alien, on s'éloigne de l'imaginaire pulp, relisez Les caveaux de Yoh-Vombis, de Clark Ashton Smith et on en reparle.


Et parfois, les collisions sont plus frontales. Ce lien profond entre les deux univers, Clint Eastwood le connaît et le met en scène lorsqu'il tourne Space Cowboys. Moins marquant qu'Impitoyable, parce que fondamentalement plus joyeux, il met en scène la même logique crépusculaire d'une sorte de baroud d'honneur de vieillards usés. Ça nous dit beaucoup de choses sur les gens eux-mêmes plus que sur l'espace.

Bref, tout ça pour dire que même nos visions du futur s'ancrent dans le passé, et dans un passé fantasmé. Ça vaut toujours le coup d'interroger ces représentations alors que notre futur tel qu'il se profile risque de nous tomber salement sur la gueule.

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