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Numérologie

Tous les auteurs, je crois, ont leur petites coquetteries et afféteries d'écriture, des trucs auxquels ils tiennent et qui ne fascinent généralement qu'eux, et que personne ne remarque vraiment.

 

Bon, tout le monde a remarqué mes titres alambiquées sur la trilogie du Chien Noir, en allitération, reprenant la première phrase de chaque roman. C'était pour moi un moyen de me glisser dans des formes très anciennes, des codes de l'épopée, même si, fondamentalement, je ne sais pas si ces textes constituent en soi des épopées. Ils ont quelques moments épiques, je crois, mais ce n'en est pas la clé principale.

Plus discret, il y a un jeu numérologique qui a émergé en cours de route.

Mais reprenons : Trois Coracles, au départ, était conçu comme un one shot. Ce qui m'avait motivé, je l'ai déjà raconté, c'était l'histoire d'Uther, j'avais l'idée de transformer cette note en bas de page du récit arthurien en intrigue principale. Une fois le roman bouclé, j'avais l'impression d'avoir tout dit. D'autant qu'il y avait déjà presque deux romans en un, avec la narration binaire que j'avais adoptée, cette alternance de chapitres sur deux époques, façon Le Parrain 2, racontant d'un côté l'ascension d'Uther et de l'autre sa chute. Ça me semblait assez propre, en fait.

Puis, lors d'une table ronde, quelqu'un a demandé ce que j'avais prévu pour la suite. J'ai répondu que rien, vu que je n'avais pas pensé une série au départ. Mais rien que le fait de verbaliser la chose, dans la semaine qui a suivi, j'avais l'idée du L'ancelot. Raconter en trois temps, monde celtique oblige, l'initiation du futur plus grand chevalier. Une fois l'idée couchée sur le papier, il m'a fallu près de six mois pour en décanter les détails, c'était un bouquin assez "architecte", par la force des choses, avec une fois encore des jeux d'allitérations, de symboles, des personnages arthuriens canoniques à utiliser, etc.

Mais dès lors que je travaillais sur ce tome 2, l'idée de faire un triptyque s'imposait comme une évidence. L'ancelot, c'était le sommet du royaume arthurien, l'histoire de Perceval son crépuscule. Donc, en parallèle, alors que je me prenais la tête sur l'articulation des épreuves subies par l'ancelot, je me devais de réfléchir en parallèle à mon troisième tome. Vu que l'ancelot était jeune et inexpérimenté, je risquais d'avoir un doublon avec Perceval, notamment. Et comme j'avais des structures très bordées sur les deux premiers, je devais réfléchir à celle du troisième.

C'est là que "ça a fait chboum là-d'dans", comme dirait l'autre. Puisque j'avais une structure binaire, puis une structure ternaire, je devais tenter une structure unitaire, pour boucle le cycle. Dans ma tête, ça devenait une espèce de triskel. Je ne sais pas si ça marche vraiment sous ce rapport, mais ça me donnait une direction. D'autant que Perceval devait opérer une réunion sur sa personne de toute une symbolique païenne et d'un univers devenant chrétien, et les deux romans précédents mettaient en scène cette tension.

Est-ce que j'intellectualise trop des trucs qui devraient relever de structures ancestrales plus diffuses ? Je n'en sais rien. D'autant que sur Le garçon, j'ai été amené à tricher un peu :  le côté ultra-linéaire de l'odyssée du jeune Perceval n'étant plus découpé, comme pour l'ancelot, par ces trois actes avec leurs interludes, ça pouvait devenir fastidieux. Ça a été mon principal problème à l'écriture, ça. J'ai très vite décidé d'intégrer des petites ruptures où l'on suivait Gawain, en ayant en tête que Chrétien de Troyes s'était apparemment tiré du même problème exactement de la même façon. Vaut mieux piquer aux meilleurs, je crois.

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