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À la Dune again

 Bon, je viens de finir Dune Prophecy, la série télé dans l'univers de Dune, conçue pour être raccord avec les films de Villeneuve. Et, forcément, je suis partagé.

Comme toujours avec ce genre de projets, on peut y trouver autant de qualités que de défauts. La production value est chouette, ça essaie de coller à l'esthétique des films, le casting est plutôt bien, c'est pas mal mené, distillant du mystère retors et du plan dans le plan. De ce point de vue, mission accomplie.

Après, c'est assez malin pour s'insérer dans la continuité des bouquins de Brian Herbert et Kevin J. En Personne sans les adapter directement, histoire de pouvoir inventorier les trucs moisis. Ça n'y arrive pas toujours, et ça rajoute des idées à la con (des scènes de bar, franchement, dans Dune, quelle faute de goût) et ça reste prisonnier de ce cadre. Mais ça essaie de gérer et de ce point de vue, c'est plutôt habile.

Où est le problème ? me direz-vous ? Bon, on en a déjà causé, mais l'univers étendu de Dune a le gros défaut de normaliser l'ensemble. La force de l'original, c'était un ton très particulier, une utilisation des codes en trompe-l'oeil, ce qui l'a conduit à être imité mais sans jamais être égalé : reprendre comme des codes ce qui était le détournement des codes précédents, c'est forcément donner à côté de la plaque. C'est le destin commun de ce genre d'oeuvres fondatrices.

Par ailleurs, ça souffre du défaut général des préquelles, comme ce fut le cas avec la Prélogie, avec Les anneaux du pouvoir et tout ce genre de choses. On sait quelles structures et quelles lignées ont survécu, une partie de la tension narrative retombe donc d'elle-même et il faut une certaine maestria pour la maintenir, du coup. On sait que, malgré un massacre d'Atreides, la famille est encore là 10.000 ans plus tard, tout comme l'Ordre Bene Gesserit (pas encore nommé) malgré ses purges successives et brutales, l'Imperium lui-même, etc. Pire encore, introduire trop d'éléments à ce stade, c'est postuler que tout s'est figé ensuite et n'a guère évolué. Dans l'univers de Dune, c'est pas complètement absurde, ceci dit, puisque la prolongation de la vie des puissants grâce à l'épice, et la structure sociale conduisent forcément à une forme de stagnation.

On peut se poser des problèmes sur la chronologie, aussi. Dans l'univers original, je ne suis pas sûr qu'Arrakis et l'épice aient été d'une telle importance à l'époque. Sans épice, la Guilde est moins efficace, le voyage spatial plus rare et plus risqué, ça donne un univers différent (et un voyage spatial moins fréquent, c'est un facteur de stagnation de la structure générale, et de différenciation des cultures locales, et ça ce serait plutôt raccord).

Mon gros problème, c'est qu'on sent que le traitement des machines pensantes est vraiment tributaire des romans de l'univers étendu, et... Là où Herbert père postulait une trop grande dépendance de l'homme à l'égard des machines (idée qu'il a peut-être reprise chez Jack Williamson), le fiston et KJA ont imaginé un truc à la Skynet, bien moins intéressant philosophiquement. Et c'est ça qu'a l'air d'employer la série, par la force des choses.

On voit l'apparition progressive des dogmes et techniques du Bene Gesserit, ça c'est pas inintéressant, parce que justement, tout n'est pas encore en place et les conflits internes portent justement sur des choix qui auront un impact par la suite. C'est pas mal foutu (même si, avoir dès cette époque un croisement Atreides/Harkonnen semble un poil forcé).

Bref, les puristes feront probablement la moue, et je les comprends : y avait sans doute mieux à faire avec ce matériau mais dans ce cadre, je trouve que ça s'en tire pas si mal, compte tenu que le matériau est déjà un poil adultéré par l'univers étendu. Y a des moments où je grince des dents, mais pas où je pète un câble comme devant Fondation. Par les temps qui courent, c'est déjà pas si mal.

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