Je parlais dernièrement de ce quai ancien et sympathique sur lequel mes songes me portent souvent, et dont je n'arrive pas à trouver de contrepartie dans le monde réel. Un autre bord de fleuve qui hante mes rêves, mais dont la source est plus évidente, se trouve à Paris, dans ma tête, quand je m'y trouve, c'est quelque part entre Saint Michel et le Jardin des Plantes. À ceci près que certaines des rues perpendiculaires au fleuve sont occupées en leur milieu par d'étroits canaux, qui forment un réseau un peu plus haut, avec de petites écluses.
Les petites rues transversales sont sympa, avec des arcades, de chouettes librairies, de petits restaus. Un peu plus haut, une fac, qui semble mixer Censier et Jussieu, mais en joli. Là, la géographie se délite un peu, elle n'est plus la même d'un rêve à l'autre. Le large et long boulevard est parfois une avenue très cossue et passante, parfois un truc sordide et bien plus inquiétant, aux devantures en déréliction fermées par des panneaux de bois recouverts d'affiches déchirées. Et plus on s'éloigne du quai, plus cela devient mouvant et se perd dans un dédale inhospitalier de quartiers résidentiels aux murs maculés de pollution.
L'autre nuit, j'étais chez un des libraires, spécialisé en comics. Il venait de destocker, il ne lui restait que des raretés improbables dans lesquelles je farfouillais (Le plan de la boutique m'évoquait celui d'une maison, rue des Carmes, où j'ai eu mes habitudes il y a une trentaine d'années, et qui a fermé prématurément, ce dont je porte encore le deuil). On allait boire un coup dans la réserve avec le gars, on causait de pas grand-chose. Il a fallu à un moment que je ressorte par la porte de derrière parce qu'il baissait le rideau. Je me retrouvai à errer dans le crépuscule, à retourner vers le bord du fleuve, à y retrouver à l'improviste de vieux amis.
On est remontés vers Châtelet. Là, dans mes rêves, l'endroit est toujours énorme, le tunnel du parking, près des nouveaux escalators et de la boutique des dératiseurs (ceux qui ont vu Ratatouille ou qui connaissent le quartier savent de quoi je veux parler), est bordé d'immeubles néo gothiques immenses. La gueule du tunnel est un gouffre dans lequel circulent des chapelets de bagnoles, de camions et de bus, une sorte de Moloch automobile à faire pleure Fritz Lang.
J'aime bien traîner à Paris, mais encore plus quand c'est en rêve.
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