Bon, dans deux jours, on sera dans la temporalité du premier Blade Runner. Je passe la tête par la fenêtre, et je ne vois toujours pas de voitures volantes ni de répliquants. Par contre, la reconnaissance faciale et son exploitation fine (avec analyse des expressions et mouvements) se rapproche dangereusement du test Voight-Kampf. Les formes de ségrégation insidieuse vendue en boucle par les idiots utiles du fascisme (qui affectent de ne pas se rendre compte qu'en cas de victoire de leur camp, ils n'auront pas d'immunité pour autant : tout au plus voyageront-ils dans le troisième ou quatrième train au lieu d'être fourrés dans le premier, ils seront les Strasser des coteries qui tentent de prendre le pouvoir) et le flicage intégral sont à l'ordre du jour.
Et c'est en cela que Blade Runner demeure à l'ordre du jour. Ce film est l'incarnation visuelle de la tendance "No Future" de la fin des années 70. Eh bien nous y voilà. Les pires fantasmes apocalyptique de la période se réalisent, et ses aspirations utopiques et libertaires ont toutes été pourries, dévoyées, galvaudées et retournées.
Je n'ai jamais été un grand optimiste en ce qui concerne l'avenir du monde. La bouffée d'excitation née de la Chute du Mur n'a pas survécu à la Guerre du Golfe ni à celle de Yougoslavie. Le 11 Septembre qui, pour pas mal de gens, marquait la fin d'une période d'optimisme, je l'ai assez vite considéré comme l'aboutissement d'un processus entamé dix ans plus tôt. Mais je croyais encore assez au progrès humain pour lâcher des mômes dans le monde en me disant qu'ils n'auraient pas à faire face à de grosses régressions, et que les crises les plus graves, celles liées à l'environnement, seraient conjurées. Je suis maintenant beaucoup plus circonspect dans mes pronostics.
Quand j'ai eu, il y a quelques temps de ça, à donner des cours de géographie à des jeunes, je leur ai démontré que la pauvreté et la faim reculaient. Et figurez-vous que c'est vrai. Un certain nombre de formes de pollution sont en amélioration régulière depuis des années. Et c'est vrai aussi. Mais d'autres explosent. Mais les inégalités s'accroissent et l'agitation en cours un peu partout montre qu'il va peut-être y avoir une transition violente. Vers quoi ? à ce stade, c'est ouvert, on a le choix entre Mad Max, Minority Report et tout plein de trucs pas plus joyeux entre les deux, genre Soleil Vert et Gattaca. Et en attendant on a tout plein de vieux réacs qui couinent à la dictature dès qu'on leur dit que leurs grosses bagnoles sont des merdes homicides (et attention, la bagnole n'est qu'un symptôme visible cachant plein d'autres trucs, allant de soucis sanitaires à un pourrissement de l'éthique, et le mal est beaucoup plus profond).
Bref. Je me souviens du temps où "No Future" était une posture marrante. Que ça se soit avéré prophétique pose plein de problèmes rigolos sur le plan de la logique langagière pure. Mais ça me fait curieusement moins marrer maintenant. Vachement moins marrer.
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