Bon, ayé, ça me pendait au-dessus de la tête comme une épée de Damoclès rouillée attachée à l'éthique d'un député LREM, et fatalement ça m'est tombé dessus : mon éditeur (loué soit son nom, tout ça tout ça) m'a renvoyé une version relue de mon prochain bouquin. Alors j'avais déjà eu des versions relues, mais par des ami.e.s qui m'avaient déjà déblayé plein de trucs, et aux remarques desquel.le.s je pouvais opposer parfois toute la morgue et la certitude de l'auteur avec un grand H (oui, ceux qui m'ont déjà vu en vrai et debout peuvent goûter cette blague nulle et éculée), mais là, non. Ce sont les mecs qui décideront ou pas d'envoyer le machin se faire coucher sur papier à grands coups de rotatives offset. L'affaire est donc sérieuse.
Et oh putain y a cinquante correctifs par page (ce qui fait un paquet de correctifs au total). Dieu sait que le bouquin a pourtant été pas mal retravaillé depuis son tout premier jet, mais ça surtout permis de débusquer les problèmes évidents : les gros pains de structure dus à des chapitres que j'avais décidé de déplacer, les grosses répétitions, les horreurs stylistiques. Maintenant, il reste encore des gros machins, mais aussi plein de trucs plus subtils.
Alors, à l'usage, j'ai appris à ne pas traiter tout de la même façon. Il y a des propositions de l'éditeur qui relèvent du détail et du bon, sens, concernant la ponctuation, notamment. C'est ce que j'appelle, dans mon jargon fleuri, le "branlage de virgule". Ça, c'est rapide. On valide à peu près toutes les propositions, telles quelles. Plus les coquilles de base, lettres oubliées ou rajoutées, ou confusionnées. Des broutilles.
Une fois ça traité, la masse des corrections a réduit de la moitié, voire des deux tiers. Je suis abonné aux phrases trop longues, trop alambiquées, etc, et cette phase est essentielle pour fluidifier le texte. C'est après que les choses sérieuses commencent. Parce que parfois, l'éditeur pose des questions. Ou se pose des questions. Et là, il peut y avoir plusieurs cas de figure, et ça prend du temps à déterminer auquel on a affaire, et comment y remédier.
Parfois, on tente un effet subtil et astucieux, et l'éditeur passe complètement à côté. Et là, c'est chaud. Est-ce que l'éditeur était mal luné et n'a pas vu, est-ce que l'auteur s'est cru plus malin qu'il n'était et n'a pas maîtrisé son truc, est-ce qu'il y a juste besoin d'une goutte d'huile dans les rouages pour que ça marche ? Est-ce que l'éditeur est une buse de ne pas avoir pigé ? Figurez-vous que ce dernier cas est sans doute le plus rare. C'est quand même son taf, à l'éditeur, et si lui, qui est censé s'y connaitre, passe à côté du machin, alors le lecteur de base, qui me lira peut-être dans le bus ou aux chiottes ou au lit après une journée harassante, passera à coup sûr à côté. Mais est-ce que c'est l'effet qui est en cause ou sa mise en œuvre ? Ha ! Voilà une question qu'elle est bonne. Et qui peut être une sacrée cause de migraines, croyez-moi.
D'autres fois, il y a des suggestions. Et souvent, figurez-vous qu'elles sont bonnes. Tout le truc est d'arriver à les intégrer sans déclencher des cascades de conséquences dans le récit ou pire, en tenant compte de ces conséquences. Car parfois, le plan "et si machin était un traitre depuis le début", s'il peut relancer le récit avec une efficacité épatante, implique de repartir en arrière et de semer quand même un ou deux indices subtils pour pas que la solution ait l'air tirée d'un chapeau (alors qu'elle l'est) et d'ailler de l'avant pour ne pas laisser de scories de la version précédente dans la suite du récit. Bon, en fait, souvent les suggestions sont bien moins dramatiques, mais j'aime bien gonfler le truc et jouer les victimes.
Après, je connais l'objection contre les remarques et suggestions de l'éditeur, au nom du respect de l'œuvre telle que voulue par l'artiste, etc. Alors oui. Et non. Comme je vous disais, rien n'est simple. Il m'est arrivé de batailler contre des suggestions éditoriales (surtout en BD). Et à juste raisons. D'autres fois, de m'y plier à la volée, parce qu'elles étaient de bon sens et amélioraient le récit. Parfois, de batailler contre des trucs, et de m'apercevoir au moment de la publication, qu'il aurait fallu que je dise oui, parce que les lecteurs n'entravent rien à ma petite astuce narrative subtile que je trouve d'une folle élégance, mais qui à l'arrivée est imbitable. Ça apprend l'humilité, ce genre de conneries. Mais que se passe-t-il, quand on apprend l'humilité ? Ben c'est simple, du coup on se prend la tête sur chaque suggestion.
Et puis pire, il y a mes propres idées qui me viennent à cette phase-là, et qu'il faut que j'intègre avec les mêmes difficultés que les suggestions, en courant le risque que l'éditeur préfère la version précédente.
Je disais pas plus tard ce matin à un pote auteur qui vit l'écriture comme une souffrance que moi, je prends mon pied en écrivant. Pas tout le temps, bien sûr, mais y a souvent des moments de grâce où je m'éclate, quand les mots coulent tous seuls, que les belles idées fusent et se matérialisent en phrases définitives… Je vis pour ces moments d'orgasme mental, c'est une came très puissante.
Mais comme toute came, y a la phase de redescente. Pour les toxicos à l'écriture dans mon genre, c'est cette étape indispensable, mais atroce, où je me demande pourquoi je continue à m'infliger ça. Auteur, c'est un boulot de gros cyclothymique de merde.
Et oh putain y a cinquante correctifs par page (ce qui fait un paquet de correctifs au total). Dieu sait que le bouquin a pourtant été pas mal retravaillé depuis son tout premier jet, mais ça surtout permis de débusquer les problèmes évidents : les gros pains de structure dus à des chapitres que j'avais décidé de déplacer, les grosses répétitions, les horreurs stylistiques. Maintenant, il reste encore des gros machins, mais aussi plein de trucs plus subtils.
Alors, à l'usage, j'ai appris à ne pas traiter tout de la même façon. Il y a des propositions de l'éditeur qui relèvent du détail et du bon, sens, concernant la ponctuation, notamment. C'est ce que j'appelle, dans mon jargon fleuri, le "branlage de virgule". Ça, c'est rapide. On valide à peu près toutes les propositions, telles quelles. Plus les coquilles de base, lettres oubliées ou rajoutées, ou confusionnées. Des broutilles.
Une fois ça traité, la masse des corrections a réduit de la moitié, voire des deux tiers. Je suis abonné aux phrases trop longues, trop alambiquées, etc, et cette phase est essentielle pour fluidifier le texte. C'est après que les choses sérieuses commencent. Parce que parfois, l'éditeur pose des questions. Ou se pose des questions. Et là, il peut y avoir plusieurs cas de figure, et ça prend du temps à déterminer auquel on a affaire, et comment y remédier.
Parfois, on tente un effet subtil et astucieux, et l'éditeur passe complètement à côté. Et là, c'est chaud. Est-ce que l'éditeur était mal luné et n'a pas vu, est-ce que l'auteur s'est cru plus malin qu'il n'était et n'a pas maîtrisé son truc, est-ce qu'il y a juste besoin d'une goutte d'huile dans les rouages pour que ça marche ? Est-ce que l'éditeur est une buse de ne pas avoir pigé ? Figurez-vous que ce dernier cas est sans doute le plus rare. C'est quand même son taf, à l'éditeur, et si lui, qui est censé s'y connaitre, passe à côté du machin, alors le lecteur de base, qui me lira peut-être dans le bus ou aux chiottes ou au lit après une journée harassante, passera à coup sûr à côté. Mais est-ce que c'est l'effet qui est en cause ou sa mise en œuvre ? Ha ! Voilà une question qu'elle est bonne. Et qui peut être une sacrée cause de migraines, croyez-moi.
D'autres fois, il y a des suggestions. Et souvent, figurez-vous qu'elles sont bonnes. Tout le truc est d'arriver à les intégrer sans déclencher des cascades de conséquences dans le récit ou pire, en tenant compte de ces conséquences. Car parfois, le plan "et si machin était un traitre depuis le début", s'il peut relancer le récit avec une efficacité épatante, implique de repartir en arrière et de semer quand même un ou deux indices subtils pour pas que la solution ait l'air tirée d'un chapeau (alors qu'elle l'est) et d'ailler de l'avant pour ne pas laisser de scories de la version précédente dans la suite du récit. Bon, en fait, souvent les suggestions sont bien moins dramatiques, mais j'aime bien gonfler le truc et jouer les victimes.
Après, je connais l'objection contre les remarques et suggestions de l'éditeur, au nom du respect de l'œuvre telle que voulue par l'artiste, etc. Alors oui. Et non. Comme je vous disais, rien n'est simple. Il m'est arrivé de batailler contre des suggestions éditoriales (surtout en BD). Et à juste raisons. D'autres fois, de m'y plier à la volée, parce qu'elles étaient de bon sens et amélioraient le récit. Parfois, de batailler contre des trucs, et de m'apercevoir au moment de la publication, qu'il aurait fallu que je dise oui, parce que les lecteurs n'entravent rien à ma petite astuce narrative subtile que je trouve d'une folle élégance, mais qui à l'arrivée est imbitable. Ça apprend l'humilité, ce genre de conneries. Mais que se passe-t-il, quand on apprend l'humilité ? Ben c'est simple, du coup on se prend la tête sur chaque suggestion.
Et puis pire, il y a mes propres idées qui me viennent à cette phase-là, et qu'il faut que j'intègre avec les mêmes difficultés que les suggestions, en courant le risque que l'éditeur préfère la version précédente.
Je disais pas plus tard ce matin à un pote auteur qui vit l'écriture comme une souffrance que moi, je prends mon pied en écrivant. Pas tout le temps, bien sûr, mais y a souvent des moments de grâce où je m'éclate, quand les mots coulent tous seuls, que les belles idées fusent et se matérialisent en phrases définitives… Je vis pour ces moments d'orgasme mental, c'est une came très puissante.
Mais comme toute came, y a la phase de redescente. Pour les toxicos à l'écriture dans mon genre, c'est cette étape indispensable, mais atroce, où je me demande pourquoi je continue à m'infliger ça. Auteur, c'est un boulot de gros cyclothymique de merde.
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