Comme je le disais hier, les bandes annonce du prochain Guy Ritchie consacré au roi Arthur et à Excalibur me plongent dans un abîme de sentiments partagés.
Il se trouve que, maintenant que le manuscrit de l'Île de Peter est entre les mains d'un pouvoir supérieur (celui de l'éditeur, pour faire court), j'ai pu attaquer mon prochain bouquin, et qu'il tape précisément dans cette période et cette mythologie-là. Et, vous connaissez ma maniaquerie documentaire, j'en suis à collectionner les cartes donnant les limites des royaumes et provinces du Vème siècle grand-breton, celles qui donnent les lignes de côtes, etc. Y a pas le quart de la moitié de tout ce matériel accumulé qui me servira de façon effective, mais c'est comme ça que je bosse, j'y peux rien. Je potasse les sources les plus anciennes pour tenter d'approcher au plus près une texture, une fragrance, pas forcément une réalité mais tout au moins une forme de vraisemblance. Je m'immerge. Je m'en vais clapoter dans mon sujet comme un canard dans sa mare.
Alors forcément, quand je vois Legend of the Sword et ses costumes anachroniques, ses châteaux et ponts comme il n'en a jamais existé et ses éléphants de guerre, ma première réaction est d'émettre de petits couinements étouffés comme le premier subalterne de Darth Vader venu.
Mais il serait irrationnel de ma part de rester sur cette impression-là. Car après tout, quel est le problème ? Qu'est-ce que le mythe arthurien ? Eh bien un mythe, comme son nom l'indique. Si l'on peut avec un peu de bonne volonté débusquer un Arthur historique, sa biographie tient en deux lignes et toute l'imagerie qui l'entoure n'est que le résultat d'une mayonnaise patiemment montée par des générations d'auteurs aux objectifs divergents qui ont, au fil du temps, accumulé et agrégé d'autres légendes autour de celle du "roi des Bretons", souvent au mépris du temps et de l'espace. Merlin ? Anachronique. S'il a un modèle historique, alors celui-ci a vécu près d'un siècle plus tard. Lancelot ? Jailli d'un autre fond légendaire, celui de la Bretagne continentale. Perceval ? Résultat probable d'accrétions ayant débuté bien avant la naissance de ce qui deviendra le Roi Arthur. Et ainsi de suite. Arthur est encore moins bien bordé historiquement que la Guerre de Troie (déjà passablement problématique quand on essaie de recoller tous les morceaux dans une chronologie historique et une géographie cohérentes).
Ce que Ritchie adapte, c'est donc sa version modernisée du mythe, ce que faisaient déjà Chrétien de Troyes et Thomas Mallory en leur temps. Ce faisant, il apporte sa pierre à l'édifice et l'avenir dira si elle est gélive ou pas (parce qu'il y a des pierres qui résistent plus ou moins bien au passage du temps). Historiquement, c'est absurde, mais pas tellement plus que les versions en armure du douzième siècle (comme Sacré Graal, qui restitue en termes d'équipement l'époque où émergea la forme classique de la légende arthurienne).
Même mon film arthurien préféré, le Excalibur de John Bormann, se déconnecte totalement de tout fond historique, se bornant à restituer un Moyen-Âge complètement fantasmé, aux armures et aux costumes baroques.
Donc, pourquoi pas ? Guy Ritchie est pas plus illégitime qu'un autre pour faire un film arthurien. Faudra juger sur pièces. Après, si ça se trouve, c'est pourri. Mais pour l'instant je préfère faire taire mon puriste intérieur, puisqu'il est lui-même à côté de plaque dans ce domaine (par contre, je le réactive dès que j'avance sur mon prochain bouquin).
Il se trouve que, maintenant que le manuscrit de l'Île de Peter est entre les mains d'un pouvoir supérieur (celui de l'éditeur, pour faire court), j'ai pu attaquer mon prochain bouquin, et qu'il tape précisément dans cette période et cette mythologie-là. Et, vous connaissez ma maniaquerie documentaire, j'en suis à collectionner les cartes donnant les limites des royaumes et provinces du Vème siècle grand-breton, celles qui donnent les lignes de côtes, etc. Y a pas le quart de la moitié de tout ce matériel accumulé qui me servira de façon effective, mais c'est comme ça que je bosse, j'y peux rien. Je potasse les sources les plus anciennes pour tenter d'approcher au plus près une texture, une fragrance, pas forcément une réalité mais tout au moins une forme de vraisemblance. Je m'immerge. Je m'en vais clapoter dans mon sujet comme un canard dans sa mare.
Alors forcément, quand je vois Legend of the Sword et ses costumes anachroniques, ses châteaux et ponts comme il n'en a jamais existé et ses éléphants de guerre, ma première réaction est d'émettre de petits couinements étouffés comme le premier subalterne de Darth Vader venu.
Mais il serait irrationnel de ma part de rester sur cette impression-là. Car après tout, quel est le problème ? Qu'est-ce que le mythe arthurien ? Eh bien un mythe, comme son nom l'indique. Si l'on peut avec un peu de bonne volonté débusquer un Arthur historique, sa biographie tient en deux lignes et toute l'imagerie qui l'entoure n'est que le résultat d'une mayonnaise patiemment montée par des générations d'auteurs aux objectifs divergents qui ont, au fil du temps, accumulé et agrégé d'autres légendes autour de celle du "roi des Bretons", souvent au mépris du temps et de l'espace. Merlin ? Anachronique. S'il a un modèle historique, alors celui-ci a vécu près d'un siècle plus tard. Lancelot ? Jailli d'un autre fond légendaire, celui de la Bretagne continentale. Perceval ? Résultat probable d'accrétions ayant débuté bien avant la naissance de ce qui deviendra le Roi Arthur. Et ainsi de suite. Arthur est encore moins bien bordé historiquement que la Guerre de Troie (déjà passablement problématique quand on essaie de recoller tous les morceaux dans une chronologie historique et une géographie cohérentes).
Ce que Ritchie adapte, c'est donc sa version modernisée du mythe, ce que faisaient déjà Chrétien de Troyes et Thomas Mallory en leur temps. Ce faisant, il apporte sa pierre à l'édifice et l'avenir dira si elle est gélive ou pas (parce qu'il y a des pierres qui résistent plus ou moins bien au passage du temps). Historiquement, c'est absurde, mais pas tellement plus que les versions en armure du douzième siècle (comme Sacré Graal, qui restitue en termes d'équipement l'époque où émergea la forme classique de la légende arthurienne).
Même mon film arthurien préféré, le Excalibur de John Bormann, se déconnecte totalement de tout fond historique, se bornant à restituer un Moyen-Âge complètement fantasmé, aux armures et aux costumes baroques.
Donc, pourquoi pas ? Guy Ritchie est pas plus illégitime qu'un autre pour faire un film arthurien. Faudra juger sur pièces. Après, si ça se trouve, c'est pourri. Mais pour l'instant je préfère faire taire mon puriste intérieur, puisqu'il est lui-même à côté de plaque dans ce domaine (par contre, je le réactive dès que j'avance sur mon prochain bouquin).
Commentaires
[-_ô]
Sinon, as-tu lu l'essai de William Blanc sur le Roi Arthur ? (Il me tente bien celui-là)
http://www.lebaldesardents.com/precedents-evenements,fr,8,13.cfm
Ceci dit je travaillerais volontiers avec toi sur cette thématique...