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Les polonaises pourront en lire au petit déjeuner

Pendant la petite semaine que je m'étais accordé dans un moment de sybaritisme débridé*, passée à m'empiffrer de charcuterie et de fromage, à bouquiner et à écrire (j'ai bouclé une jolie nouvelle se déroulant dans la dernière décennie du quinzième siècle, et je ne sais pas du tout quoi en foutre ni à quel éditeur la proposer), je suis tombé en arrêt sur des séries de panneaux. C'était sponsorisé par le Conseil Général (je ne sais plus si on dit encore comme ça) ou le Conseil Régional, ou une quelconque Chambre de Commerce, j'ai oublié.

Et donc, ça annonçait une dotation de 75.000 euros dans un concours des créateurs d'entreprises innovantes.

J'ai trouvé l'idée excellente. Par les temps qui courent, ce ne sont pas les banques qui vont aider à innover (j'ai lu dernièrement une statistique indiquant que les entrepreneurs se faisant le plus facilement financer par les banques, ces temps-ci étaient ceux lançant des trucs de proximité, genre ongleries, bars à frange, boutiques de vapotage et autres, ça en dit long sur la capacité d'imagination des fournisseurs de crédits) et que l'avenir économique du pays passera pourtant par la création de nouveaux concepts.

Et puis, vous me connaissez, j'ai commencé à réfléchir au truc. 75.000 euros, c'est une somme, mais pour de la recherche et développement, c'est pas non plus Byzance (ni le Pérou) (ni même Romorantin). Par contre, une campagne d'affichage tous azimuts, ça coûte des ronds. L'organisation d'un tel concours, la création d'un logo, le dépouillement des dossiers aussi. Et là, un rapide calcul me conduit à penser que l'opération aura coûté à la collectivité au moins quatre fois le prix donné à l'entreprise gagnante.

Et du coup, l'intérêt de l'opération me semble beaucoup moins évident.

Mais je sais, oui, je suis un cynique au cœur tout racorni et je vois le mal partout, c'est bien connu. Et en attendant, ma charcuterie et mon fromage, je les ai achetés directement aux producteurs, en circuit court. C'est toujours ça que messieurs Auchan et Leclerc n'auront pas.


Dans un tout autre registre, je viens de recevoir Krucjaty, l'édition polonaise de Crusades, dont le "Tom 1" est sobrement intitulé Srebrnookie Widmo. Et j'ai remarqué un petit détail rigolo...

Dans le scénario original, l'un des personnages, complètement inventé, s'appelait Arnaud de Sonnac, et c'était le petit frère du Maître des Templiers, Guillaume de Sonnac, qui lui était un personnage tout à fait réel et historique. Puis quelques semaines avant de partir à l'impression, j'ai découvert que Guillaume de Sonnac était réellement parti en croisade avec un de ses frères. Qui s'appelait Gautier. En catastrophe et, comme on disait au temps des frères Sonnac, in extremis, nous avons fait corriger le lettrage. Notre Arnaud s'appelait à présent Gautier. Ce qui était bien, c'est qu'on ne savait rien de plus de Gauthier de Sonnac, même en épluchant les chroniques d'époque, et donc que la biographie fantaisiste d'Arnaud n'était contredite en rien par nos découvertes sur Gautier.

Lors de la réalisation du tome 2, cela a donné lieu à des échanges rigolos, où nous avions encore tendance à appeler le personnage "Arnaud", et il a fallu faire la chasse dans les bulles à toute mention de ce prénom devenu entretemps obsolète. Qui plus est, j'avais une tendance naturelle à l'orthographier Gauthier, ce qui n'arrangeait rien.

Vers la même époque a eu lieu un échange rigolo avec un autre Gauthier, éditeur, et un de ses auteurs, que nous appellerons Philippe X. pour respecter son anonymat, qui publiaient une série appelée Croisade, dont le personnage principal s'appelait Gauthier. Ce que nous avions complètement oublié en validant le changement de nom d'Arnaud. Comme Gauthier (l'éditeur) et Phil sont des gens super, ça s'est réglé entre amis autour d'une bière, comme cela doit être entre personnes civilisées. Qu'ils en soient néanmoins remerciés.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Si, dans l'édition hollandaise et dans l'édition espagnole, les héros s'appellent encore Guillaume et Gautier, dans l'édition allemande (excellemment traduite, il est bon de le signaler), ils s'appellent Wilhelm et Gunther. Ce qui n'a rien de choquant, puisque nous mêmes appelons Empereur Guillaume le Kaiser Wilhelm.

J'ai oublié comment s'appelaient les personnages dans l'édition américaine (là, pour le coup, la traduction était épouvantable, et un de mes cousins, anglophone, m'a chipé mon exemplaire avec ma bénédiction) et je n'ai pas vu comment c'était en Italie. Mais dans cette édition polonaise, Guillaume s'appelle Wilhelm, d'accord, et Gautier... Walter.

Je sais pas pourquoi, mais cette valse des prénoms m'amuse assez, en fait, surtout pour un personnage dont la nature était de changer d'identité au fil du récit... C'est une couche d'histoire qui s'ajoute à l'histoire, en somme.



* Je n'ose dire échevelé, avec le peu de tifs qu'il me reste.

Commentaires

Geoffrey a dit…
Je me suis pris l'intégrale ce matin et je l'ai leu cet aprem. Pas mal, plein de chouettes idées (je suis très client du mélange des genres) mais comme une sensation de manque de fluidité par moments. Mais ça se lit d'une traite.
Alex Nikolavitch a dit…
Oui, Izu et moi sommes douloureusement conscients de ce côté un peu rapeux de la fin. Bon, normalement, ça devait faire 5 tomes, mais l'éditeur nous a dit à la fin du tome 2 : "vous bouclez en trois, les gars".
Geoffrey a dit…
Oki, ça explique sans doute des choses. C'est dommage pour vous (et les lecteurs du coup), mais je n'ai pas regretté l'achat.

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