Accéder au contenu principal

Biyatches saccadées, e-conneries et autres horreurs du temps présent

Ma pause café de début d'après-midi se déroule souvent devant la télé. Ça me permet de me vider la tête avant de me remettre à une trad, à un article ou à un bout de scénar. Parfois, sur une chaîne ciné, paf, je tombe sur un bon film, et je scotche, ou un bon docu sur une chaîne de docus. Et puis parfois non, et du coup je zappe. Et là, forcément, c'est le drame. Parce qu'à la télé, il n'y a pas que des bons films et des bons docus. Et même pas que des mauvais films, ce qui serait un moindre mal : une bonne bouzasse, pour se vider la tête, c'est très bien, de temps en temps.

Non, il y a tout le reste. Bon, la 183ème diffusion de Friends, c'est sans douleur, on identifie tout de suite le truc, et avant même qu'on ait consciemment reconnu Jennifer a l'air stone et les autres, le pouce a déjà zappé, c'est magique.

De temps en temps, on tombe sur une chaine musicale qui n'a pas encore totalement basculé dans la télé-réalité. Et du coup, on se mate un bout de clip, histoire de s'informer, parce que ça va cinq minutes de n'écouter plus que des vieilleries, c'est quand même pas mal de savoir ce qui se crée de nos jours, de s'intéresser à ce que ses enfants écoutent et tout.

Et donc, là, dans un décor tropical on voyait deux mecs au ventre tablette de chocolat faire des geste cool en chantant, et c'était entrecoupé de plans de biyatches qui trémoussaient du cul en rythme en faisant des chorégraphies synchronisées. Un truc qui me fatigue, dans les clips, c'est ce montage ultra haché, qui fatigue l'oeil et torpille toute éventuelle volonté narrative. Atomisée, la succession des plans finit par ne plus rien raconter, et les clips d'aujourd'hui se résument souvent à un mec qui chante, à des biyatches qui trémoussent du cul, et tout le reste n'est que du potentiel d'histoires avortées, quand bien même la réalisation essaie d'injecter des éléments séquentiels. Les chorégraphies, ainsi charcutées, ne ressemblent plus à rien non plus. Et plus le temps passe, plus j'ai l'impression que la durée des plans se réduit.

Je déteste. En terme de cinoche, j'ai toujours plus apprécié Stanley Kubrick que Michael Bay, et c'est à ce stade un choix quasiment philosophique.

Et puis d'un coup, ça a fait chboum dans ma tête. J'ai reconstitué les chorés à partir des morceaux épars. Et le tableau que ça composait était naze, d'une immense pauvreté. Le catalogue gestuel est super réduit, les enchaînements répétitifs, et c'est le montage qui donne le rythme à la chose, en faisant coïncider des gestes atomisés avec la rythmique du morceau. Le montage ultra-speed des clips n'est plus depuis longtemps un effet de style, c'est un cache misère. Le pognon va dans les chaînes en or, les lieux de tournage exotiques et l'éclairage. Ni dans la musique, ni dans les danses.

Atterré par cette brutale prise de conscience, je suis passé sur une des nombreuses chaînes infos qui nous permettent d'avoir un accès pluraliste à l'état du monde, en temps réel, mais qui passeront toutes en même temps et sans coupure la conférence de presse du Premier Ministre ou du Sélectionneur de l'Equipe de France quand bien même un typhon ferait 4000 morts en Indogalistan. Ça s'appelle la hiérarchie de l'info.

Bref, zappant sur une de ces chaînes, je tombe sur un reportage concernant un Fab-lab. Un Fab-lab, c'est un lieu regroupant toutes sortes de compétences techniques afin de permettre à des start-up et des PME de fabriquer dans de bonnes conditions des prototypes et d'avoir des avis d'experts en cas de problème, ainsi que de les mettre en relation avec des sous-traitant dès lors qu'il s'agira de passer à la phase industrielle.

En ces temps de morosité ambiante, un tel lieu est admirable : c'est un investissement sur le futur, un catalyseur permettant à son petit niveau la réindustrialisation du pays. C'est un concentré de savoir faire et d'inventivité, c'est beau et utile, ça redonne le moral de savoir que ça existe, ça fait du bien.

Et puis le reporter s'en va trouver un des premiers clients du fab-lab, un jeune entrepreneur aux yeux plein d'étoiles, qui regarde une pièce métallique de son futur produit être usinée à la volée par une machine d'ultra précision.

Et d'expliquer qu'il s'agit d'un prototype d'e-cigarette connectée.

Il s'agit, selon le fondateur de la start-up interviewé, de permettre au smartphone de comptabiliser ce qu'on vapote, de le situer dans le temps, et donc de restituer au fumeur la "temporalité de la cigarette". Alors, j'aime pourtant bien regarder ce qui sort au concours Lépine et feuilleter ces catalogues pour vieux avec des gadgets qui offrent des solutions géniales à des problèmes insignifiants, comme la boite qui empêche le camembert de couler, ou le truc qui empêche la poêle du dessus de rayer la poêle du dessous quand on les range dans le placard. Tous ces petits machins résolvent de façon effective des problèmes auxquels on a tous été confrontés. D'accord, je l'admets, ce sont des problèmes auxquels les gens normaux n'accordent pas le temps de cerveau nécessaire à la création et à la commercialisation d'une invention dédiée. Mais ce sont des problèmes qui existent.

La "temporalité de la cigarette", par contre… Je… Non, rien.

Quand j'entends ce genre de conneries, j'ai envie d'un Havane. Et d'en souffler langoureusement la fumée à la gueule de ces godelureaux connectés.

Je suis un vieux con, on s'en doutait mais ça y est, la preuve est faite. Mais je préfère ça. Le jour où je trouve cool une invention permettant de "restituer la temporalité" de la clope, ou de calculer les calories dépensées en tapant au clavier ou quoi que ce soit d'autre du genre, je préfère qu'on m'abatte direct.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Medium

 Un truc que je fais de temps en temps, c'est de la médiation culturelle. Ce n'est pas mon métier, mais je connais suffisamment bien un certain nombre de sujets pour qu'on fasse appel à moi, parfois, pour accompagner des groupes scolaires dans des expos, des trucs comme ça. Là, on m'a appelé un peu à l'arrache pour accompagner une animation interactive sur les mangas, et notamment les mangas de sport, avec des groupes de centres de loisirs. Bon, c'est pas ma discipline de prédilection, j'ai révisé un peu vite fait. Le truc, c'est qu'on m'en a causé la semaine passée. La personne qui devait s'en charger était pas trop sur d'elle. La mairie du coin (dans une banlieue un poil sensible) voyait pas le truc bien s'emmancher, la patronne d'une asso où je donne des cours l'a su, a balancé mon nom, m'a prévenu... Et c'en était resté là. Je restais à dispo au cas où. On m'a rappelé ce matin "bon, on va avoir besoin de t...

Le grand livre des songes

 Encore un rêve où je passais voir un de mes éditeurs. Et bien sûr, celui que j'allais voir n'existe pas à l'état de veille, on sent dans la disposition des locaux, dans les gens présents, dans le type de bouquins un mix de six ou sept maisons avec lesquelles j'ai pu travailler à des titres divers (et même un peu d'une agence de presse où j'avais bossé du temps de ma jeunesse folle). Et, bien sûr, je ne repars pas sans que des gars bossant là-bas ne me filent une poignée de bouquins à emporter. Y avait des comics de Green Lantern, un roman, un truc sur Nightwing, un roman graphique à l'ambiance bizarre mettant en parallèle diverses guerres. Je repars, je m'aperçois que j'ai oublié de demander une nouveauté qui m'intéressait particulièrement, un autre roman graphique. Ça vient de fermer, mais la porte principale n'a pas encore été verrouillée. Je passe la tête, j'appelle. J'ai ma lourde pile de bouquins sous le bras. Clic. C'était ...

Beware the blob

La perversion alimentaire prend parfois des allures d'apostolat suicidaire. Que ce soit en termes de picole ou de bouffe, il m'arrive de taper dans le bizarre et de tenter des expériences qui tétaniseraient d'effroi une créature lovecraftienne. Comme on a les amis qu'on mérite, et que j'ai dû commettre des ignominies sans nom dans une vie antérieure, certain de mes amis, camarades et autres proches ont aussi leur bouffées culinaro-délirantes. C'est ainsi que certain libraire sévissant dans une grande enseigne vendant de la culture neuve et d'occasion dans le quartier étudiant de Paris m'a initié à toutes sortes de pickles qui arrachent la gueule et à des boissons polonaises que même les Polonaises évitent de prendre au petit déjeuner. C'est aussi ce douteux personnage (ou un ami commun exilé, je ne sais plus, il y a des traumas que l'esprit humain tente miséricordieusement de brouiller) qui m'avait fait découvrir la pâte à tartiner au spe...

The road to the War Zone

Il m'arrive parfois de mettre le nez sur la provenance gougueule de mes lecteurs : le système de ce blog me permet en effet de savoir quelles requêtes gougueule ont amené ici les gens qui ne me connaissaient pas (parce que les gens qui me connaissent ont depuis longtemps l'adresse de la War Zone, vous vous en doutez*). Et à chaque fois, je suis surpris, et souvent atterré. Que "Alex Nikolavitch" ou "War Zone" (mais parfois, visiblement, il s'agit de gens cherchant des infos sur la suite d'un jeu vidéo, je crois) ou Crusades caracolent en tête des requête, c'est un peu normal. Fulchibar aussi (si vous ne savez pas ce qu'est le fulchibar, ne vous en faites pas, nous non plus, mais c'est justement à ça que tient le concept) (et puis le fulchibar, ça ne s'explique pas. ça se vit). Les noms de personnalités évoquées dans ces pages servent aussi de point d'entrée, comme Vlad Drakul, Frédéric Lefebvre, Makhno, Tesla ou Crowley. C'est...

Tombent les renards en feu

Ça faisait des années que j'utilisais et que je défendais Firefox, ce navigateur internet qui est le très lointain héritier de l'antédiluvien Netscape. L'outil était puissant, rapide, efficace, des lieux devant l'immonde Explorer. Mais depuis les mises à jour de cet été, tout déconne. Gestion du Java complètement aléatoire, persistances d'affichage anormales, perte de la prise en compte de balises HTML pourtant classiques... Et à chaque nouvelle mise à jour, je me prends à espérer que ces problèmes seront réglés, et à chaque nouvelle mise à jour, c'est pire. Tout se passe comme si la Mozilla Corporation, éditeur du logiciel, était devenue Microsoft de la grande époque. Firefox 6.0 sur Mac, c'est un merdier total. Et la version 5, sortie deux mois plus tôt, déconnait déjà dans les grandes largeurs. J'envisage très sérieusement de passer à un autre navigateur. Je n'aime pas ça : j'ai mes habitudes, mes paramétrages, mes kilos de signets, et il v...

Trop de la Bal

 Bon, parmi les petits plaisirs angoumoisins, hormis les moments passés avec des amis et amies qu'on voit trop peu, hormis les bouteilles, hormis les expos d'originaux, il y a aussi fouiller dans les bacs. C'est ainsi que j'ai mis la main à vil prix sur un Savage Sword of Conan dans la collection Hachette. Je dois avoir dix ou douze de ces bouquins réimprimant au départ les aventures des années 70, publiées à l'époque en noir et blanc et en magazine, du célèbre Cimmérien de Robert E. Howard, souvent pris pour lire dans le train, quand j'en chopais un à la gare. Autant dire que ma collection est salement dépareillée. Mais comme ce sont à chaque fois des récits complets, ça n'a guère d'importance. En fait, c'est typiquement la série dans laquelle vous pouvez taper au pif sans trop de risque de déception.      Celui-ci, le n°5, je m'en voulais de l'avoir raté et je n'avais pas réussi à remettre la main dessus par la suite. Graphiquement y a...

L'éternel retour

 Bon, c'est l"heure de notre traditionnelle minute d'expression gueuledeboitesque de fin janvier début février. Mon ressenti (page de Marvano à l'expo SF) (c'est toujours un moment fort de voir les originaux de pages tellement frappantes qu'elles se sont gravées à vie dans votre tête) Jeudi : Je n'avais pas prévu d'arriver le jeudi, au départ. Après cinq mois de boulot ultra-intense, déjà à genoux avant même le festival, je me disais qu'une édition plus ramassée à mon niveau serait plus appropriée. Divers événements en amont m'amènent à avancer largement mon arrivée. Il y a une réunion de calage sur un projet qui doit se faire là-bas, plutôt en début de festival. Dont acte. Ça m'amène à prendre les billets un peu au dernier moment, de prendre les billets qui restent en fonction du tarif aussi, donc là j'ai un changement, ça cavale, et je suis en décalé, ça aura son importance. Quand j'avais commencé à préparer mon planning, j'ava...

Unions, ré-unions, il en restera toujours quelque chose si on s'y prend pas comme des chancres

 Bon, j'en ai jamais fait mystère, mais j'ai tendance à faire savoir autour de moi que la réunionite est un peu le cancer de notre société moderne. Je supporte pas les grandes tablées où, passé l'ordre du jour ça oscille entre le concours de bite et la branlette en rond, pour des résultats concerts qui seraient obtenus en règle générale avec un mail de dix lignes.   éviter la Cogip   Quoi ? Oui, je suis inapte au simagrées du monde de l'entreprise moderne, chacun de mes passages dans des grands groupes m'a convaincu que c'étaient des carnavals de... non, aucun mot utilisable en public ne me vient. Et mes passages aux conseils d'administrations d'associations n'ont pas été mieux. Le problème, ce n'est même pas la structure, qu'elle soit filiale d'un truc caquaranqué ou petit truc local tenu avec des bouts de ficelle. Et pourtant, des fois, faut bien en passer par là, j'en ai conscience. Voir les gens en vrai, se poser autour d'une ...

à Angoulème en dédicaces

Le festival d'Angoulème approche, c'est pour la fin du mois. Il faut commencer à s'organiser. Alors si vous avez un agenda,  notez donc ça : En plus de mes passages au stand des éditions La Cafetière, bulle New York, je serai en dédicaces sur l'espace Champ de Mars au stand du MOTIF. Vendredi 27 de 17 à 19 heures Samedi 28 de 14 à 16 heures Dimanche 29 de 12 à 14 heures Venez nombreux !

Space jesuit ecolo on the run !

Dans mon rêve de cette nuit, j'étais un Jésuite de l'espace chargé d'étudier l'écologie d'une planète nouvellement découverte. Sauf que des colons avaient accidentellement introduit des espèces terriennes et étaient en train de bousiller l'écosystème, du coup. Au camp de base numéro 4, je me souviens distinctement avoir expliqué à un cosmonaute "les charmes et les lapins se sont magnifiquement adaptés, hélas". Le tout dans un décor insolite et grandiose de forêt extraterrestre dont des morceaux commençaient de plus en plus à ressembler au bois de Meudon, me demandez pas pourquoi. Le truc, c'est qu'en me réveillant, il me semble que cette histoire de jésuite écolo n'est pas qu'une production enfiévrée de mon esprit malade. Il me semble avoir lu un roman de SF dans le genre. J'ai de bons souvenirs du Cas de Conscience de James Blish, du père Carmody créé par P.J. Farmer,et il y a des jésuites dans Hypérion de Dan Simmons. Je précis...