Accéder au contenu principal

Phobies croisées

Alors que la Grèce annule son référendum sous la pression de l'élite économique mondiale, ce qui en dit long sur la confiance que les banques ont en la notion de démocratie, deux affaires viennent me titiller le fondement de façon désagréable tout près de chez nous.

Entre les manifs de cathos hurlant à la christianophobie parce qu'une pièce de théâtre ne leur plaît pas et l'attentat contre Charlie pour cause de numéro spécial charia, on voit que les calotins de tout poil en reprennent, du poil de la bête.

Il faut se rappeler (christianophobie et islamophobie mises de côté le temps de la démonstration) que les religions révélées ont toujours réclamé pour elles la liberté d'expression, et toujours fait tout ce qu'il fallait pour la confisquer aux autres. Il ne faut pas parler contre la religion. C'est tellement entré dans les mœurs que même dans un pays comme les USA, censé être un peu laïc quand même, avec des amendements constitutionnels forts concernant aussi bien la liberté d'expression que la liberté de culte, non seulement la religion est un critère identitaire fort (les gens acceptent d'être définis comme baptistes, évangéliques, presbytériens, épiscopaliens, etc. toutes dénominations qui, de ce côté de l'Atlantique, n'ont quasiment aucun sens et sont réunies ici sous l'étiquette globale de parpaillots protestants), se revendiquer de l'athéisme est objet de scandale. Ce qui n'est encore rien comparé à l'Arabie Saoudite où, me semble-t-il, on est encore passible de la peine capitale si on passe la douane avec un ouvrage religieux non islamique.

Il est à noter que, dans les deux cas (manifs cathos et plastiquage islamique), c'est le rapport à l'image qui pose le plus problème. L'utilisation du visage du Christ (c'est d'autant plus intéressant que personne ne sait quelle tête il avait, le Jésus. Probablement celle d'un militant Shass, mais allez savoir. L'image du Christ, c'est surtout l'idée qu'on s'en fait, elle est encore plus déconnectée de ce qu'elle est censée représenter que la pipe de Magritte)  dans une pièce de théâtre d'un côté, et une caricature de Mahomet (même problème que ci-dessus, la photo n'existait pas à l'époque du Prophète, le fait que ce soit sa caricature n'a de sens et de réalité que dans l'œil de celui qui la regarde) de l'autre. Cette défense violente et acharnée de la sacralité de l'image, cet investissement fort dans la représentation, il me semble quand même que ça s'apparente de très près à l'idolâtrie. Une pratique réprouvée, sauf erreur de ma part, par ces deux religions. Où la dignité outragée, du coup, se teinte quand même pas mal d'hypocrisie.

Le rapport à l'image, la culture de l'image, cela s'apprend. Mais encore faut-il commencer par le dépassionner, ce rapport. (bon, dépassionner, dès qu'il s'agit du Christ, ça pose des problèmes conceptuels, mais quand même). Dans une société qui fonde beaucoup de choses sur l'image, une société dite de la communication (de l'emballage, dans les faits, et très souvent de l'emballage de rien sous un joli papier brillant, mais c'est un autre problème), un rapport sain à l'image est la clé de la responsabilité individuelle, le moyen d'interroger la propagande, d'interroger les mises en scènes. Si ce rapport à l'image s'infantilise à ce point, c'est tout le système qui peut se dévoyer, et très vite (et quand je parle de dévoiement, c'est à un degré qui ferait passer le Sarkozysme pour un modèle de probité, de sobriété et d'honnêteté intellectuelle).

Il faut se réveiller dès maintenant : on voit les dégâts que peuvent faire ce genre d'excités, même quand ils sont ultraminoritaires, dès qu'ils arrivent à toucher au pouvoir politique. L'exemple israélien avec le parti Shass, qui en trente ans n'a dépassé qu'une fois les 10% de votes mais réussit presque toujours à s'incruster au gouvernement et à peser lourd montre bien la capacité de nuisance de ces gens. En France, on sait que la séparation de l'église et de l'état n'empêche pas des catholiques bien durs de tenter d'appliquer leur programme, ils sont juste un peu plus discrets sur leurs allégeances, les fourbes. Et 245 ans après la mort du Chevalier de la Barre, on voit bien qu'ils veulent que le blasphème soit à nouveau un délit. C'est la démocratie, l'état de droit et la culture qui sont en péril quand ce cancer-là relève la tête.

La religion est une maladie infantile non pas de l'humanité, mais de la spiritualité. Mais même les maladies infantiles peuvent tuer, ce n'est pas l'UNICEF qui me contredira. Et là, comme par hasard, la mère Bachelot ne nous propose pas des caisses de vaccins.

Le problème, ce n'est pas la christianophobie ou l'islamophobie, c'est que certains chrétiens et musulmans soient détestables, et osent prendre des poses victimaires dans un retournement dont la mauvaise foi est incroyable, hallucinante et surtout insultante pour toutes les victimes de pogromes, de croisades, de jihads et de purifications diverses.

"Si j'aurais su, j'aurais pas v'nu"

Commentaires

Zaïtchick a dit…
Du moins, la réprobation de l'attentat contre Charlie est unanime et - a souligné Thomas Legrand - sans ce "mais" de réserve "munichois" qui revient à dire qu'on désapprouve tout en comprenant => excusant => approuvant !
Choisis ton camp, camarade !

Posts les plus consultés de ce blog

Au ban de la société

 Tiens, je sais pas pourquoi (peut-être un trop plein de lectures faites pour le boulot, sur des textes ardus, avec prise de note) j'ai remis le nez dans les Justice Society of America de Geoff Johns, période Black Reign . J'avais sans doute besoin d'un fix de super-héros classique, avec plein de persos et de pouvoirs dans tous les sens, de gros enjeux, etc. Et pour ça, y a pas à dire JSA ça fait très bien le job. La JSA, c'est un peu la grand-mère des groupes super-héroïques, fondée dans les années 40, puis réactivée dans les années 60 avec les histoires JLA/JSA su multivers. C'étaient les vieux héros patrimoniaux, une époque un peu plus simple et innocente. Dans les années 80, on leur avait donné une descendance avec la série Infinity Inc . et dans les années 90, on les avait réintégrés au prix de bricolages divers à la continuité principale de DC Comics, via la série The Golden Age , de James Robinson et Paul Smith, qui interprétait la fin de cette époque en la...

La fille-araignée

Tiens, ça fait une paye que j'avais pas balancé une nouvelle inédite... Voilà un truc que j'ai écrit y a 6 mois de ça, suite à une espèce de cauchemar fiévreux. J'en ai conservé certaines ambiances, j'en ai bouché les trous, j'ai lié la sauce. Et donc, la voilà... (et à ce propos, dites-moi si ça vous dirait que je fasse des mini-éditions de certains de ces textes, je me tâte là-dessus) Elle m’est tombée dessus dans un couloir sombre de la maison abandonnée. Il s’agissait d’une vieille villa de maître, au milieu d’un parc retourné à l’état sauvage, jouxtant le canal. Nul n’y avait plus vécu depuis des décennies et elle m’avait tapé dans l’œil un jour que je promenais après le travail, un chantier que j’avais accepté pour le vieil épicier du coin. J’en avais pour quelques semaines et j’en avais profité pour visiter les alentours. Après avoir regardé autour de moi si personne ne m'observait, je m’étais glissé dans une section effondrée du mur d’enceinte, j’...

La fin du moooonde après la fin de l'année

 Ah, tiens, voilà qu'on annonce pour l'année prochaine une autre réédition, après mon Cosmonautes : C'est une version un peu augmentée et au format poche de mon essai publié à l'occasion de la précédente fin du monde, pas celle de 2020 mais celle de 2012. Je vous tiens au courant dès que les choses se précisent. Et la couve est, comme de juste, de Melchior Ascaride.

Perte en ligne

 L'autre soir, je me suis revu Jurassic Park parce que le Club de l'Etoile organisait une projo avec des commentaires de Nicolas Allard qui sortait un chouette bouquin sur le sujet. Bon outil de promo, j'avais fait exactement la même avec mon L'ancelot y a quelques années. Jurassic Park , c'est un film que j'aime vraiment bien. Chouette casting, révolution dans les effets, les dinos sont cools, y a du fond derrière (voir la vidéo de Bolchegeek sur le sujet, c'est une masterclass), du coup je le revois de temps en temps, la dernière fois c'était avec ma petite dernière qui l'avait jamais vu, alors qu'on voulait se faire une soirée chouette. Elle avait aimé Indiana Jones , je lui ai vendu le truc comme ça : "c'est le mec qui a fait les Indiana Jones qui fait un nouveau film d'aventures, mais cette fois, en plus, y a des dinos. Comment peut-on faire plus cool que ça ?" Par contre, les suites, je les ai pas revues tant que ça. L...

Matin et brouillard

On sent qu'on s'enfonce dans l'automne. C'est la troisième matinée en quelques jours où le fleuve est couvert d'une brume épaisse qui rend invisible le rideau d'arbres de l'autre côté, et fantomatique tout ce qui est tapi sur les quais : voiture, bancs, panneaux. Tout a un contraste bizarre, même la surface de l'eau, entre gris foncé et blanc laiteux, alors qu'elle est marronnasse depuis les inondations en aval, le mois dernier. Une grosse barge vient de passer, j'entends encore vaguement dans le lointain son énorme moteur diesel. Son sillage est magnifique, dans cette lumière étrange, des lignes d'ondulations obliques venant s'écraser, puis rebondir sur le bord, les creux bien sombre, les crêtes presque lumineuses. Elles rebondissent, se croisent avec celles qui arrivent, et le jeu de l'interférence commence. Certaines disparaissent d'un coup, d'autres se démultiplient en vaguelettes plus petites, mais conservant leur orienta...

IA, IA, Fhtagn

 En ce moment, je bosse entre autres sur des traductions de vieux trucs pulps apparemment inédits sous nos latitudes. C'est un peu un bordel parce qu'on travaille à partir de PDFs montés à partir de scans, et que vu le papier sur lequel étaient imprimés ces machins, c'est parfois pas clean-clean. Les illustrateurs n'avaient  vraiment peur de rien Par chance, les sites d'archives où je vais récupérer ce matos (bonne nouvelle d'ailleurs archive.org qui est mon pourvoyeur habituel en vieilleries de ce genre, semble s'être remis de la récente attaque informatique qui avait failli m'en coller une. d'attaque, je veux dire) ont parfois une version texte faite à partir d'un OCR, d'une reconnaissance de caractère. Ça aide vachement. On s'use vachement moins les yeux. Sauf que... Ben comme c'est de l'OCR en batch non relu, que le document de base est mal contrasté et avec des typos bien empâtées et un papier qui a bien bu l'encre, le t...

Sorties

Hop, vite fait, mes prochaines sorties et dédicaces : Ce week-end, le 9 novembre, je suis comme tous les ans au Campus Miskatonic de Verdun, pour y signer toute mon imposante production lovecraftienne et sans doute d'autres bouquins en prime.   Dimanche 1er décembre, je serai au Salon des Ouvrages sur la BD à la Halle des blancs manteaux à Paris, avec mes vieux complices des éditions La Cafetière. Je participerai également à un Congrès sur Lovecraft et les sciences, 5 et 6 décembre à Poitiers.

Au nom du père

 Tout dernièrement, j'ai eu des conversations sur la manière de créer des personnages. Quand on écrit, il n'y a dans ce domaine comme dans d'autre aucune règle absolue. Certains personnages naissent des nécessité structurelle du récit, et il faut alors travailler à leur faire dépasser leur fonction, d'autres naissent naturellement d'une logique de genre ou de contexte, certains sont créés patiemment et se développent de façon organique et d'autres naissent d'un coup dans la tête de leur auteur telle Athéna sortant armée de celle de Zeus. Le Père Guichardin, dans les Exilés de la plaine , est un autre genre d'animal. Lui, c'est un exilé à plus d'un titre. Il existe depuis un sacré bail, depuis bien avant le début de ma carrière d'auteur professionnel. Il est né dans une nouvelle (inédite, mais je la retravaillerai à l'occasion) écrite il y a plus d'un quart de siècle, à un moment où je tentais des expériences d'écriture. En ce temp...

Et merde...

J'avais une idée d'illus sympa, un petit détournement pour mettre ici et illustrer une vacherie sur notre Leader Minimo, histoire de tromper l'ennui que distille cette situation pré insurrectionnelle pataude et molle du chibre dans laquelle tente péniblement de se vautrer l'actualité. Et donc, comme de juste en pareil cas, je m'en étais remis à gougueule pour trouver la base de mon détournement. Le truc fastoche, un peu potache, vite fait en prenant mon café. Sauf que gougueule est impitoyable et m'a mis sous le nez les oeuvres d'au moins deux type qui avaient exactement eu la même idée que moi. Les salauds. Notez que ça valide mon idée, d'une certaine façon. Mais quand même. C'est désobligeant. Ils auraient pu m'attendre. C'est un de ces cas que mon estimable et estimé collègue, le mystérieux J.W., appelle "plagiat par anticipation". Bon, c'est plutôt pas mal fait, hein. Mais ça m'agace.

Deux-ception

 C'est complètement bizarre. Je rêve de façon récurrente d'un festival de BD qui a lieu dans une ville qui n'existe pas. L'endroit où je signe est dans un chapiteau, sur les hauteurs de la ville (un peu comme la Bulle New York à Angoulème) mais entre cet endroit et la gare routière en contrebas par laquelle j'arrive, il y a un éperon rocheux avec des restes de forteresse médiévale, ça redescend ensuite en pente assez raide, pas toujours construite, jusqu'à une cuvette où il y a les restaus, bars et hôtels où j'ai mes habitudes. L'hôtel de luxe est vraiment foutu comme ça sauf que la rue sur la droite est en très forte pente Hormis l'avenue sur laquelle donne l'hôtel de luxe (où je vais boire des coups dans jamais y loger, même en rêve je suis un loser), tout le reste du quartier c'est de la ruelle. La géographie des lieues est persistante d'un rêve à l'autre, je sais naviguer dans ce quartier. Là, cette nuit, la particularité c'ét...