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Quand la Planète a ri, puis pleuré

Je me relis Planetary, qui ressort dernièrement en Urban Nomad, d'ailleurs, toutes les quelques années. C'est un comics que j'apprécie beaucoup, pour plein de raisons, depuis la sortie des premiers épisodes à la toute fin des années 90. Les circonstances récentes, le décès prématuré du dessinateur John Cassaday (il avait mon âge, bordel !) m'ont poussé à, une fois encore, me refaire l'intégrale en quelques soirées.

 


 

Planetary, pour ceux du fond qui ne suivent pas, c'est quoi ? Un comics d'une trentaine d'épisodes (en comptant les numéros spéciaux) écrit par Warren Ellis (on passera sur ses frasques, à celui-ci, en notant néanmoins qu'il semble avoir fait amende honorable) et dessiné par John Cassaday, donc.

Au départ, cela raconte les aventures d'une équipe s'occupant d'archéologie du paranormal, de déterrer les secrets du monde, comme les squelettes de monstres géants, les vaisseaux aliens ou interdimensionnels échoués sur terre, la vérité sur la disparition de certains grands héros, etc.

Très rapidement, on se rend compte que ce n'est qu'un prétexte. Le récit est clairement méta. Les monstres ne sont jamais nommés mais bien reconnaissables, ceux du cinéma japonais ou des films anticommunistes américains des années 50, les héros disparus sont, sous d'autres identités, Doc Savage, Tarzan ou le Shadow, et les méchants sont les Fantastic Four, rien que ça.


Ellis en profite aussi pour développer son petit univers mis en place dans Stormwatch et The Authority, mais sans forcer le trait. Le méta commentaire devint rapidement labyrinthique et vertigineux. Y a des balles perdues envers l'explosion Vertigo, l'armée, une certaine conception désuète du récit d'aventure. Ça cite douze mille trucs, parfois visuellement.



Par exemple, cette couve renvoie directement au travail de Jim Steranko sur Nick Fury dans les années 60. Ça change des reprises des premières couvertures d'Action Comics, du "Spider-man No More" et autres images tellement iconiques qu'elles finissent par en être dévaluées à force d'être repiquées.

C'est aussi l'occasion de glisser des concepts vertigineux, que l'auteur ne développe même pas, il se contente de les balancer à la volée, de les laisser s'installer dans la tête du lecteur où ils tournent et retournent, frustrants, cette irrésolution en faisant tout l'impact. La magie comme un cheat code, le futur comme une boite de Schrödinger géante dont tout voyage temporel ferait s'effondrer la fonction d'onde, etc. Ça envoie du lourd.

Il faut aussi parler du dessin. Cassaday c'est un phénomène curieux. Ses planches sont froides, assez vides, il y a tout un art de la suggestion qui permet de ne pas trop insister sur les décors, tout en étant capable d'en balancer de très gros, très riches et très chatoyants à l'occasion. C'est en tout cas assez adapté à l'atmosphère qui devient vite paranoïaque. On sent que la série a été taillée pour lui et qu'il s'éclate. Il y a parfois une vraie virtuosité comme dans l'épisode où ils rencontrent Batman, le vrai, sauf que ça fait donc cohabiter toutes les versions, de celle de Frank Miller à celle de Neal Adams, en passant par Adam West, de façon fluide et toujours identifiable.

Et puis il sait balancer ce genre de cases bad ass qui vit dans ma tête depuis lors :

 

  Voilà. Lisez Planetary. C'est beau, c'est ironique, c'est malin, y a d'étranges émotions qui s'en dégagent, c'est un voyage. Cassaday a peut-être été meilleur par la suite, notamment sur Astonishing X-Men, mais c'est pour Planetary qu'il aura sa place au panthéon des comics.

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