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Le Golgotha de la traduction

 Faire de la traduction, c'est faire des choix parfois douloureux, parfois cornéliens, parfois rigolos. Traduire des noms de personnages, ça obéit parfois à une logique, parfois c'est juste de la "localisation", et parfois ça énerve le public. On se souvient des volées de bois vert reçues pour le "Limier martien", traduction pourtant maligne du "Martian Manhunter" de chez DC, et des grogneries tournant autour des Baggins/Sacquet/Bessac suivant les versions, avec des arguments de chaque côté.

Et puis y a le Golgoth.

En fait je sais pas si c'est un Antirak ou un Golgoth, là

Mais on s'en fout, c'est même pas la question


Le Golgoth, c'est un robot méchant dans Goldorak. En fait, ce sont "les" Golgoths, ils sont produits en série et se font défoncer à peu près une fois par épisode par le prince de l'espace accouru pour défendre notre terre en danger (à dire de façon rythmée avec l'accent Pied-Noir, les vrais savent).

Le mot est passé dans le langage courant pour dire "mastard" ou "baraque", en remplacement du désuet "armoire normande" maintenant que tout le monde se fournit chez les Suédois. Je l'ai vu ici et là orthographié "golgote", d'ailleurs et ça, les énervés du bon goût linguistique au Figaro n'en parlent jamais, ils ont décidément l'indignation bien sélective.

Bon, dans la VO, c'est pas du tout ça. Wiki (et non pas Wicky, que j'aurais pu consulter aussi, vu que c'est une pointure en Go Nagai, créateur de ces robots) me dit que c'est Enban-Jû, tout comme Goldorak c'est Grendizer et Actarus Umon Daisuke. Les collègues s'en sont donnés à coeur joie en un temps où je n'aurais pas eu dans l'idée de devenir traducteur (je suis tellement vieux que Goldorak n'est même pas mon premier animé, je me souviens des samedis après-midis devant Prince Saphir et le Roi Leo, y a moins de temps entre cette époque déjà lointaine et les Superman des frères Fleischer qu'entre cette époque déjà lointaine et aujourd'hui, mais en ces temps-là, j'étais tout minot et je me voyais pas traducteur mais cosmonaute de l'espace, genre).

Les Grands Anciens seuls savent pourquoi, mais j'y repensais ce matin, à ces collègues qui se sont amusés. Je savais que "Goldorak", ça venait de la version italienne, "Goldrake" parce que ce vieux renard de Huchez était parti de version italiennes pour la VF. Vérification faite, Actarus, Procyon, Rigel, tout cela provient de la péninsule qui n'est ni un cap, ni un pic. Mais "Golgoth" ? J'ai cherché, j'ai pas trouvé. On sent que ça vient de Golgotha, parce qu'ils mettent Actarus à l'épreuve, mais est-ce l'oeuvre des collègues ritals ? Je n'en sais rien. Marrant, si c'est le cas, que le mot ait pris dans le langage courant en France.

Les paroles s'envolent, mais parfois les traductions restent, c'est comme ça. On dit encore Les dix petits nègres, Guerre et Paix ou Les hauts de Hurlevent, quand bien même ces bouquins ont été retitrés dans leurs éditions courantes. Ça m'amuse de voir les gens parler du "Protecteur" ou de voir passer "Encapés" ici et là, vue que ce sont des trouvailles de mon cru, et j'ai glissé dans une BD de Star Wars un "Millenium Condor", juste par principe et parce que le contexte s'y prêtait.

Parfois, une traduction change le monde. Dans les prophéties d'Isaïe, le mot hébreu pour "jeune fille" a été traduit par "parthenos", "vierge", et ça a eu de sérieuses conséquences quelques siècles plus tard.

Golgoth est resté, donc, contrairement à "François l'imbattable" ou "Yordi" (deux incarnations de... Superman dans les années 40). Pourquoi, comment ? Allez savoir...

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