J'en ai déjà causé ici, depuis quelque temps je me replonge pas mal dans les aventures de Hulk, tant sur des trucs récents (l'excellent run d'Al Ewing) que dans des vieilleries, comme les débuts de la série par Lee et Kirby, puis Ditko.
Là, en mettant de l'ordre dans mon bunker/foutoir/bibliothèque, je suis retombé sur une pile de vieux magazines Aredit/Artima, les Gamma, la bombe qui a créé Hulk (les Artima Color ou Super Star, venant souvent prendre la suite de pockets au nom des personnages, devaient s'inventer des titres, c'est pour ça qu'il y avait aussi des albums Fils d'Odin pour Thor).
C'est toujours marrant de constater à quel point l'édition des comics en France a progressé. On se plaint de plein de bricoles chez nos éditeurs modernes, et de fait il y a plein d'imperfections, plus ou moins criantes d'une maison à l'autre, mais Aredit c'était un poème, des fois. Revues pas toujours numérotées, n'indiquant nulle part non plus les numéros des comics originaux, sommaires incohérents, couleurs souvent aléatoires (pour des raisons de procédés d'impression incompatibles, Aredit reprenait souvent des films couleurs refaits en Italie), traduction souvent bêtement littérale et/ou elliptique au point d'en devenir obscure, lettrage tapé à la machine, y a rien qui va. Si vous voulez vous marrer, essayez de dénicher un des deux numéros de Watchmen qu'ils ont sorti dans les années 80 juste avant de mettre la clé sous la porte. Pourtant, j'ai quand même de la tendresse pour ces machins.
C'est lié à une forme de nostalgie, je le sais. Des albums de ces collections, j'en ai eu un paquet. J'en ai refilé à des copains à mesure que je reprenais les trucs en VO, notamment mes Fils d'Odin, il y a vingt ans, quand j'ai pris les 4 Marvel Essential compilant plus de dix ans de Mighty Thor. Mais il me reste quelques Captain America, des Défenseurs, des Vengeur, et donc une demi-douzaine de Gamma. Ça couvre des épisodes des années 70.
Que dire de ces épisodes ? Eh bien d'abord que je suis agréablement surpris. Herb Trimpe n'est pas un dessinateur qui a laissé une grande trace dans l'histoire des comics, mais en remettant le nez dedans, je me dois de constater qu'il est solide et efficace, et que l'encrage du vétéran Sal Trapani lui va plutôt bien. C'est sans génie, mais ça fait le job. Y a de très bons cadrages, de belles mises en plan, ça envoie la bagarre comme il faut. Les scénarios sont assez naïfs, mais on a Archie Goodwin et Steve Englehart à la manoeuvre, des gens qui savent y faire.
(Pour l'anecdote, Trimpe était propriétaire d'un biplan, à bord duquel il a fait voler George Pratt au moment où celui-ci se documentait pour son album du Baron Rouge)
De fait, c'est un moment où la série a une direction. Ça n'a l'air de rien, mais pendant la plus grande partie des années 60, on sent que les auteurs ne savent pas trop quoi faire de leur concept. Ici, on est quasi dans ce qui inspirera la série télé avec Bill Bixby et Lou Ferigno. Hulk, errant, cherchant vaguement à retrouver Betty qui va convoler avec le major Talbot, se perd dans un monde qu'il comprend mal et se retrouve pris à partie dans des affaires qui ne devraient pas le concerner.
Comme, juste avant, je m'étais relu les débuts des Avengers de Lee et Kirby, pas mal centrés sur Hulk au départ, je vois l'évolution de Marvel en dix ans. Avengers, au départ, ça sent le coup commercial, une façon de réunir les stars et en parallèle de donner de la visibilité à des personnages qui peinent à s'imposer dans leurs propres titres. Mais ça n'a ni queue ni tête au départ, et il faut l'arrivée de Captain America, puis le changement de casting avec l'intégration d'ancien villains pour que ça décolle vraiment.
Dix ans plus tard, avec une nouvelle génération d'auteurs qui ont biberonné aux titres de la décennie précédente, on sent qu'il y a une volonté de dépasser les concepts de base.
Alors, est-ce que ça rentrerait dans mes "lectures recommandées", cette vingtaine d'épisodes de Hulk que je viens de relire et dans lesquels je n'avais pas mis le nez depuis des décennies ? Probablement pas. Mais ils demeurent représentatifs d'une époque où Marvel, avec le départ de Kirby et le retrait graduel de Stan Lee, se réinvente. Ça donne des choses marquantes à l'époque, entre les délires de Starlin sur Captain Marvel puis Warlock, avec les charges d'Englehart dans Captain America, avec la réinvention des X-Men... Ici, rien de tel, on est dans le tout venant du temps. C'est bien aussi de voir comment ça fonctionnait. Ça met plein de choses en perspective.
Commentaires