Accéder au contenu principal

Paroles, paroles, paroles (Dalida is your master, now)

C'est la rentrée, et comme chaque année c'est la valse des réunion d'information dans les écoles.

Ce matin, c'était moi qui m'y collais. L'exercice est souvent fatigant pour l'auditeur, parce qu'il consiste pour les membres de l'équipe éducative à expliquer en deux heures ce qui pourrait se dire en vingt minutes. Pire encore, l'Education Nationale a découvert Powerpoint, depuis quelques années. Et Powerpoint, dans un lycée qui est très fier de ses sections arts et design, ça fait désordre. Surtout que personne n'a été expliquer à la personne qui a pondu la présentation que le corps 6, c'est vraiment pas une bonne idée, pour ce genre de trucs. Bref, j'ai fermé ma gueule, j'ai pris deux pages de notes dans un petit calepin (les choses vraiment importantes dites sur ces deux heures tenaient sur deux pages d'un calepin de poche, en écrivant gros) et je suis rentré chez moi.

Alors un truc qu'on croise de plus en plus souvent, dans les transports, ce sont les prédicateurs évangéliques qui parlent fort. Ce sont généralement des noirs convertis à ces église protestantes de type charismatique, américaines, qui s'implantent de plus en plus en France.

Certes, les gens vivent leur foi comme ils veulent, c'est un droit constitutionnel qui fait pour partie la grandeur de notre conception de la laïcité. Mais il y a un truc, avec ces évangéliques, c'est que quand je dis qu'ils parlent fort, je suis encore en-dessous de la vérité. Alors je sais, oui, "écoutez la voix qui prêche dans le désert" et tout ça, je connais mes textes, merci, mais justement, on n'était pas dans le désert mais dans une rame de RER, dans laquelle j'essayais de relire Pulp, de Bukowski, bouquin que je recommande au passage parce que c'est une parodie très drôle du roman noir hard boiled à la Hammett ou à la Spilane.

Et donc, ce monsieur très sûr de son message brandissait sa bible à la cantonade en rappelant que c'était "la parole de Dieu".

Alors, forcément, ce qui me remonte immédiatement à la mémoire, dans ces cas-là, c'est l'image de cet Indien, dans Aguirre, la colère de Dieu, auquel les Conquistadores Espagnols tendent une Bible en lui disant "nous venons t'apporter la Parole de Dieu". Le brave homme porte le bouquin à son oreille, puis le jette par terre en disant "tu mens, ça ne parle pas". Contrariés, ces bons Chrétiens venus propager le culte d'un Dieu d'amour foutent le feu au village.

Et d'un coup, je me suis mis à m'interroger sur cette notion même. Parce que oui, qu'on y croie ou pas, on n'a plus l'habitude de remettre en cause l'équation "Bible = parole de Dieu". Si l'on y croit, la chose à la force de l'évidence. Si l'on n'y croit pas, le point qui est mis en doute, c'est "Dieu", et si la Bible n'est pas sa parole, c'est parce qu'il n'existe pas, pas en raison d'une quelconque faille logique dans l'équation elle-même.

Et justement…

Quand on gratte un peu la Bible, oui, Dieu s'y exprime assez souvent. Il y a plein de passages itératifs dans lesquels la Bible contient la parole de Dieu. Par exemple dans "Et Dieu dit : 'que la lumière soit'". Mais si "que la lumière soit" est par essence la parole proférée par Dieu, qu'en est-il de "et Dieu dit" ? Les Dix Commandements sont à l'évidence donnés par Dieu en personne. Mais qu'en est-il de toutes les proscriptions maniaques du Deutéronome et du Lévitique ? Et puis il y a le reste, il y a tous les passages purement narratifs du genre "Alors Onan prit la femme de son frère et…" euh, on va essayer d'en trouver un autre plus adapté à un public familial.

"Et alors les habitants de la ville se massèrent sous la fenêtre de Lot et lui demandèrent 'livre-nous tes hôtes, que nous les connaissions'". La demande des habitants de Sodome ne me semble pas tout à fait qualifiée pour prétendre être une "parole de Dieu". Et la narration autour est une narration basique, supposant un narrateur humain, eusse-t-il recours à l'artifice du narrateur omniscient, ou justement parce qu'il recourt à cet artifice littéraire.

Tout plein de passage prophétiques du genre "il ne restera pas pierre sur pierre de la ville en raison de ses nombreux péchés" sont a priori des paroles divines, parfois exprimées par le truchement d'un médiateur humain, mais qu'en est-il des Psaumes ? Là, les psalmistes revendiquent clairement leur expression personnelle : ce n'est pas la parole de Dieu, puisqu'il s'agit des paroles d'hommes qui s'adressent à Dieu !

Les épitres sont un courrier, un commentaire, et en plus, le premier à utiliser les épitres de Paul comme écriture sainte était Marcion, un hérétique notoire. Et ainsi de suite.

Comme je disais, je respecte tout à fait la foi. Mais prendre d'un bloc un texte comme la Bible (mais ce n'est pas le seul dans ce cas, il est bon de le préciser) et le bombarder "Parole de Dieu" tout en bloc, c'est quand même sérieusement problématique. Ça dénote dans le meilleur des cas un manque de recul sur un texte qu'on est censé connaître quand on s'improvise prédicateur, et donc en soi un manque de réflexion patent, et dans le pire des cas une certaine malhonnêteté intellectuelle.

Commentaires

C'est ça, le discours publicitaire. Ça te réduit la complexité du monde à un pitch.

Posts les plus consultés de ce blog

Au ban de la société

 Tiens, je sais pas pourquoi (peut-être un trop plein de lectures faites pour le boulot, sur des textes ardus, avec prise de note) j'ai remis le nez dans les Justice Society of America de Geoff Johns, période Black Reign . J'avais sans doute besoin d'un fix de super-héros classique, avec plein de persos et de pouvoirs dans tous les sens, de gros enjeux, etc. Et pour ça, y a pas à dire JSA ça fait très bien le job. La JSA, c'est un peu la grand-mère des groupes super-héroïques, fondée dans les années 40, puis réactivée dans les années 60 avec les histoires JLA/JSA su multivers. C'étaient les vieux héros patrimoniaux, une époque un peu plus simple et innocente. Dans les années 80, on leur avait donné une descendance avec la série Infinity Inc . et dans les années 90, on les avait réintégrés au prix de bricolages divers à la continuité principale de DC Comics, via la série The Golden Age , de James Robinson et Paul Smith, qui interprétait la fin de cette époque en la...

La fille-araignée

Tiens, ça fait une paye que j'avais pas balancé une nouvelle inédite... Voilà un truc que j'ai écrit y a 6 mois de ça, suite à une espèce de cauchemar fiévreux. J'en ai conservé certaines ambiances, j'en ai bouché les trous, j'ai lié la sauce. Et donc, la voilà... (et à ce propos, dites-moi si ça vous dirait que je fasse des mini-éditions de certains de ces textes, je me tâte là-dessus) Elle m’est tombée dessus dans un couloir sombre de la maison abandonnée. Il s’agissait d’une vieille villa de maître, au milieu d’un parc retourné à l’état sauvage, jouxtant le canal. Nul n’y avait plus vécu depuis des décennies et elle m’avait tapé dans l’œil un jour que je promenais après le travail, un chantier que j’avais accepté pour le vieil épicier du coin. J’en avais pour quelques semaines et j’en avais profité pour visiter les alentours. Après avoir regardé autour de moi si personne ne m'observait, je m’étais glissé dans une section effondrée du mur d’enceinte, j’...

La fin du moooonde après la fin de l'année

 Ah, tiens, voilà qu'on annonce pour l'année prochaine une autre réédition, après mon Cosmonautes : C'est une version un peu augmentée et au format poche de mon essai publié à l'occasion de la précédente fin du monde, pas celle de 2020 mais celle de 2012. Je vous tiens au courant dès que les choses se précisent. Et la couve est, comme de juste, de Melchior Ascaride.

Perte en ligne

 L'autre soir, je me suis revu Jurassic Park parce que le Club de l'Etoile organisait une projo avec des commentaires de Nicolas Allard qui sortait un chouette bouquin sur le sujet. Bon outil de promo, j'avais fait exactement la même avec mon L'ancelot y a quelques années. Jurassic Park , c'est un film que j'aime vraiment bien. Chouette casting, révolution dans les effets, les dinos sont cools, y a du fond derrière (voir la vidéo de Bolchegeek sur le sujet, c'est une masterclass), du coup je le revois de temps en temps, la dernière fois c'était avec ma petite dernière qui l'avait jamais vu, alors qu'on voulait se faire une soirée chouette. Elle avait aimé Indiana Jones , je lui ai vendu le truc comme ça : "c'est le mec qui a fait les Indiana Jones qui fait un nouveau film d'aventures, mais cette fois, en plus, y a des dinos. Comment peut-on faire plus cool que ça ?" Par contre, les suites, je les ai pas revues tant que ça. L...

IA, IA, Fhtagn

 En ce moment, je bosse entre autres sur des traductions de vieux trucs pulps apparemment inédits sous nos latitudes. C'est un peu un bordel parce qu'on travaille à partir de PDFs montés à partir de scans, et que vu le papier sur lequel étaient imprimés ces machins, c'est parfois pas clean-clean. Les illustrateurs n'avaient  vraiment peur de rien Par chance, les sites d'archives où je vais récupérer ce matos (bonne nouvelle d'ailleurs archive.org qui est mon pourvoyeur habituel en vieilleries de ce genre, semble s'être remis de la récente attaque informatique qui avait failli m'en coller une. d'attaque, je veux dire) ont parfois une version texte faite à partir d'un OCR, d'une reconnaissance de caractère. Ça aide vachement. On s'use vachement moins les yeux. Sauf que... Ben comme c'est de l'OCR en batch non relu, que le document de base est mal contrasté et avec des typos bien empâtées et un papier qui a bien bu l'encre, le t...

Matin et brouillard

On sent qu'on s'enfonce dans l'automne. C'est la troisième matinée en quelques jours où le fleuve est couvert d'une brume épaisse qui rend invisible le rideau d'arbres de l'autre côté, et fantomatique tout ce qui est tapi sur les quais : voiture, bancs, panneaux. Tout a un contraste bizarre, même la surface de l'eau, entre gris foncé et blanc laiteux, alors qu'elle est marronnasse depuis les inondations en aval, le mois dernier. Une grosse barge vient de passer, j'entends encore vaguement dans le lointain son énorme moteur diesel. Son sillage est magnifique, dans cette lumière étrange, des lignes d'ondulations obliques venant s'écraser, puis rebondir sur le bord, les creux bien sombre, les crêtes presque lumineuses. Elles rebondissent, se croisent avec celles qui arrivent, et le jeu de l'interférence commence. Certaines disparaissent d'un coup, d'autres se démultiplient en vaguelettes plus petites, mais conservant leur orienta...

Sorties

Hop, vite fait, mes prochaines sorties et dédicaces : Ce week-end, le 9 novembre, je suis comme tous les ans au Campus Miskatonic de Verdun, pour y signer toute mon imposante production lovecraftienne et sans doute d'autres bouquins en prime.   Dimanche 1er décembre, je serai au Salon des Ouvrages sur la BD à la Halle des blancs manteaux à Paris, avec mes vieux complices des éditions La Cafetière. Je participerai également à un Congrès sur Lovecraft et les sciences, 5 et 6 décembre à Poitiers.

Au nom du père

 Tout dernièrement, j'ai eu des conversations sur la manière de créer des personnages. Quand on écrit, il n'y a dans ce domaine comme dans d'autre aucune règle absolue. Certains personnages naissent des nécessité structurelle du récit, et il faut alors travailler à leur faire dépasser leur fonction, d'autres naissent naturellement d'une logique de genre ou de contexte, certains sont créés patiemment et se développent de façon organique et d'autres naissent d'un coup dans la tête de leur auteur telle Athéna sortant armée de celle de Zeus. Le Père Guichardin, dans les Exilés de la plaine , est un autre genre d'animal. Lui, c'est un exilé à plus d'un titre. Il existe depuis un sacré bail, depuis bien avant le début de ma carrière d'auteur professionnel. Il est né dans une nouvelle (inédite, mais je la retravaillerai à l'occasion) écrite il y a plus d'un quart de siècle, à un moment où je tentais des expériences d'écriture. En ce temp...

Et merde...

J'avais une idée d'illus sympa, un petit détournement pour mettre ici et illustrer une vacherie sur notre Leader Minimo, histoire de tromper l'ennui que distille cette situation pré insurrectionnelle pataude et molle du chibre dans laquelle tente péniblement de se vautrer l'actualité. Et donc, comme de juste en pareil cas, je m'en étais remis à gougueule pour trouver la base de mon détournement. Le truc fastoche, un peu potache, vite fait en prenant mon café. Sauf que gougueule est impitoyable et m'a mis sous le nez les oeuvres d'au moins deux type qui avaient exactement eu la même idée que moi. Les salauds. Notez que ça valide mon idée, d'une certaine façon. Mais quand même. C'est désobligeant. Ils auraient pu m'attendre. C'est un de ces cas que mon estimable et estimé collègue, le mystérieux J.W., appelle "plagiat par anticipation". Bon, c'est plutôt pas mal fait, hein. Mais ça m'agace.

Deux-ception

 C'est complètement bizarre. Je rêve de façon récurrente d'un festival de BD qui a lieu dans une ville qui n'existe pas. L'endroit où je signe est dans un chapiteau, sur les hauteurs de la ville (un peu comme la Bulle New York à Angoulème) mais entre cet endroit et la gare routière en contrebas par laquelle j'arrive, il y a un éperon rocheux avec des restes de forteresse médiévale, ça redescend ensuite en pente assez raide, pas toujours construite, jusqu'à une cuvette où il y a les restaus, bars et hôtels où j'ai mes habitudes. L'hôtel de luxe est vraiment foutu comme ça sauf que la rue sur la droite est en très forte pente Hormis l'avenue sur laquelle donne l'hôtel de luxe (où je vais boire des coups dans jamais y loger, même en rêve je suis un loser), tout le reste du quartier c'est de la ruelle. La géographie des lieues est persistante d'un rêve à l'autre, je sais naviguer dans ce quartier. Là, cette nuit, la particularité c'ét...