Le problème, avec ces histoires de quenelles, c'est qu'on sera bientôt suspect quand on ira chercher de quoi manger à l'épicerie. Alors qu'avec une bonne béchamel, hmmmm. Mais je m'égare.
Qui plus est, toute l'affaire en cours est l'illustration d'un mal moderne et très particulier que j'appelle "la prime au connard". Nous vivons en une époque où ce qui est le plus répercuté, ce ne sont pas les raisonnements étayés, mais les clashs et les déclarations à l'emporte-pièce. Le type qui aura le plus d'audience, qui fera le plus de "buzz"*, comme on dit, c'est celui qui sera le plus outrancier, ou qui cherchera l'affrontement public tapant le plus bas, avec les arguments de comptoir tellement ras des pâquerettes qu'ils auraient dû manger les racines des pissenlit depuis longtemps. La télé et la radio nous donnent des exemples connus de polémistes multirécidivistes qui se sont ainsi constitué une audience fidèle (composée pour moitié de gens qui les adorent, et pour moitié de gens qui les haïssent, mais on sait depuis longtemps qu'il n'y a pas de mauvaise publicité). De tous bords, les connards ont le vent en poupe.
Des politiciens emploient bien entendu la même technique (on se souvient de Monsieur Jean-Marie L., de Saint Cloud, quasiment l'inventeur du truc, et de Monsieur Nicolas S., de Neuilly) et arrivent ainsi à se constituer de la même manière un public et à occuper l'espace à coups de petites phrases et d'affirmations choc.
Pour ceux qui n'ont pas ou plus accès aux médias, l'internet offre une fabuleuse caisse de résonance. L'internet et particulièrement Youtube. Ils s'y retrouvent tous : anciens arbitres des élégances devenus théoriciens en pouvoir occultes, humoristes à la dérive, rabbins orthodoxes expliquant avec un accent poïpoï que l'internet, c'est mal, faiseurs de documentaires bricolés semblant s'étonner que l'argent n'ait qu'une valeur fictive qui n'est que celle qu'on veut bien lui donner**, illuminés divers en guerre contre le monde et qui voient partout le symbole du diable/complot/puissance d'argent.
Et là, dans une perspective un peu macluhanienne, je peux dire que je trouve significatif qu'ils passent par Youtube pour se trouver un public. Contrairement à un texte écrit, une vidéo de ce genre se consomme sur un mode passif, au rythme quelle crée et qu'elle impose. Quand un texte écrit risque un argument spécieux, il suffit d'un coup d'œil pour s'y arrêter, y réfléchir, l'évaluer, remonter dans le texte, reprendre le fil. La vidéo, elle, elle enchaine. Il faut une action délibérée du spectateur pour mettre sur pause. Dans une vidéo, le spectateur est quasiment prisonnier du déroulé. La vidéo permet beaucoup moins la réflexion posée que ne le fait le texte.
Cerise sur le gâteau, l'audience d'une vidéo est comptabilisée en nombre de vues, affichées en dessous. Point. Les boutons "j'aime/j'aime pas" ne représentent en général qu'une fraction de ce total et il est très difficile d'en tirer des conclusions sur l'opinion globale des spectateurs. Du coup, dans le discours, les faiseurs de vidéos se gobergeront de leurs nombres de vues, les considérant comme une approbation implicite de leurs discours, ce qu'elles ne sont bien évidemment pas.
Dans un environnement pareil, les connards ne peuvent que prospérer : notez d'ailleurs que les vidéos de "clash chez untel" ou "untel remet bidule à sa place à la télé" font de gros scores aussi.
Après, je ne pars pas en guerre contre Youtube. C'est pratique, Youtube, ça me permet de choper des citations de films quand j'en ai besoin pour mon travail, ça me permet de revoir de vieux clips ou de vieilles émissions, et plein de trucs très bien foutus créés par des amateurs brillants.
Y a plein de trucs que j'aime beaucoup sur Youtube. Un machin que je suis en ce moment, c'est Solange te Parle, par exemple, dont le côté neurasthénique barré en vrille me semble un assez bon antidote à l'énervement ambiant, une démonstration qu'il n'y a pas besoin d'être un excité pour être drôle et s'attaquer à de vrais problèmes (comme le mot "sexy" à toutes les sauces ou l'odeur du camembert).
Mais pour en revenir au sujet du jour, on n'insistera jamais assez sur le côté contre-productif de l'interdiction des spectacles, quels qu'ils soient. Comme cette interdiction n'est pas fondée en droit, (la jurisprudence est assez claire : l'humoriste visé a déjà gagné des procès à ce sujet), et que tout le monde le sait y compris le ministre, la seule hypothèse cohérente à ce stade, c'est de se dire qu'elle est délibérément contre-productive. Qu'on fait de la pub exprès à la tournée. Rigolez pas, il y a un précédent très connu. Rappelez-vous comment la Gauche a géré la monté du Front National dans les années 80, et pourquoi, et vous aurez compris le jeu en cours. Les deux camps jouent au même jeu selon les mêmes règles : on tire à boulets rouges sur un ennemi plus ou moins imaginaire en prenant des postures de guerriers bombant le torse comme le premier BHL venu. à ce jeu là, chaque adversaire devient l'idiot utile de l'autre.
Comme, parfois, il faut néanmoins combattre le mal par le mal, j'ai l'intention de proposer à la cantonade un geste "anti-connards" comme il existe des gestes "anti-système" ou "anti-sémites" ou "anti-n'importe-quoi-selon-l'humeur". Je n'en suis pas l'inventeur (de toute façon, "la quenelle" est actuellement créditée à Peter Sellers dans Docteur Folamour, parait-il), mais on s'en fout. Pour expliquer la manœuvre, j'appelle à la barre Monsieur Homer S., de Springfield.
* c'est aussi le mot pour tondeuse, en Anglais. Et moi, je dis que tous ceux qui ne vivent que par et pour le buzz comme ça, il ne serait du coup que justice de les tondre à la Libération.
** rappelons à ceux qui voudraient un retour à l'étalon-or que l'or n'a aucune valeur en soi non plus, à part celle que lui attribuent arbitrairement les porteurs de gourmettes, officines de rachat/recel au coin de la rue, et autres traders cocaïnés. Ou alors comme conducteur dans l'électronique, mais c'est un autre problème. En soi, il ne se mange pas, ne rend pas le gens plus intelligents ni spécialement plus beaux même quand ils s'en couvrent, il suffit d'aller dans le Seizième, ou de voir un clip de rap pour s'en convaincre.
Qui plus est, toute l'affaire en cours est l'illustration d'un mal moderne et très particulier que j'appelle "la prime au connard". Nous vivons en une époque où ce qui est le plus répercuté, ce ne sont pas les raisonnements étayés, mais les clashs et les déclarations à l'emporte-pièce. Le type qui aura le plus d'audience, qui fera le plus de "buzz"*, comme on dit, c'est celui qui sera le plus outrancier, ou qui cherchera l'affrontement public tapant le plus bas, avec les arguments de comptoir tellement ras des pâquerettes qu'ils auraient dû manger les racines des pissenlit depuis longtemps. La télé et la radio nous donnent des exemples connus de polémistes multirécidivistes qui se sont ainsi constitué une audience fidèle (composée pour moitié de gens qui les adorent, et pour moitié de gens qui les haïssent, mais on sait depuis longtemps qu'il n'y a pas de mauvaise publicité). De tous bords, les connards ont le vent en poupe.
Des politiciens emploient bien entendu la même technique (on se souvient de Monsieur Jean-Marie L., de Saint Cloud, quasiment l'inventeur du truc, et de Monsieur Nicolas S., de Neuilly) et arrivent ainsi à se constituer de la même manière un public et à occuper l'espace à coups de petites phrases et d'affirmations choc.
Pour ceux qui n'ont pas ou plus accès aux médias, l'internet offre une fabuleuse caisse de résonance. L'internet et particulièrement Youtube. Ils s'y retrouvent tous : anciens arbitres des élégances devenus théoriciens en pouvoir occultes, humoristes à la dérive, rabbins orthodoxes expliquant avec un accent poïpoï que l'internet, c'est mal, faiseurs de documentaires bricolés semblant s'étonner que l'argent n'ait qu'une valeur fictive qui n'est que celle qu'on veut bien lui donner**, illuminés divers en guerre contre le monde et qui voient partout le symbole du diable/complot/puissance d'argent.
Et là, dans une perspective un peu macluhanienne, je peux dire que je trouve significatif qu'ils passent par Youtube pour se trouver un public. Contrairement à un texte écrit, une vidéo de ce genre se consomme sur un mode passif, au rythme quelle crée et qu'elle impose. Quand un texte écrit risque un argument spécieux, il suffit d'un coup d'œil pour s'y arrêter, y réfléchir, l'évaluer, remonter dans le texte, reprendre le fil. La vidéo, elle, elle enchaine. Il faut une action délibérée du spectateur pour mettre sur pause. Dans une vidéo, le spectateur est quasiment prisonnier du déroulé. La vidéo permet beaucoup moins la réflexion posée que ne le fait le texte.
Cerise sur le gâteau, l'audience d'une vidéo est comptabilisée en nombre de vues, affichées en dessous. Point. Les boutons "j'aime/j'aime pas" ne représentent en général qu'une fraction de ce total et il est très difficile d'en tirer des conclusions sur l'opinion globale des spectateurs. Du coup, dans le discours, les faiseurs de vidéos se gobergeront de leurs nombres de vues, les considérant comme une approbation implicite de leurs discours, ce qu'elles ne sont bien évidemment pas.
Dans un environnement pareil, les connards ne peuvent que prospérer : notez d'ailleurs que les vidéos de "clash chez untel" ou "untel remet bidule à sa place à la télé" font de gros scores aussi.
Après, je ne pars pas en guerre contre Youtube. C'est pratique, Youtube, ça me permet de choper des citations de films quand j'en ai besoin pour mon travail, ça me permet de revoir de vieux clips ou de vieilles émissions, et plein de trucs très bien foutus créés par des amateurs brillants.
Y a plein de trucs que j'aime beaucoup sur Youtube. Un machin que je suis en ce moment, c'est Solange te Parle, par exemple, dont le côté neurasthénique barré en vrille me semble un assez bon antidote à l'énervement ambiant, une démonstration qu'il n'y a pas besoin d'être un excité pour être drôle et s'attaquer à de vrais problèmes (comme le mot "sexy" à toutes les sauces ou l'odeur du camembert).
Mais pour en revenir au sujet du jour, on n'insistera jamais assez sur le côté contre-productif de l'interdiction des spectacles, quels qu'ils soient. Comme cette interdiction n'est pas fondée en droit, (la jurisprudence est assez claire : l'humoriste visé a déjà gagné des procès à ce sujet), et que tout le monde le sait y compris le ministre, la seule hypothèse cohérente à ce stade, c'est de se dire qu'elle est délibérément contre-productive. Qu'on fait de la pub exprès à la tournée. Rigolez pas, il y a un précédent très connu. Rappelez-vous comment la Gauche a géré la monté du Front National dans les années 80, et pourquoi, et vous aurez compris le jeu en cours. Les deux camps jouent au même jeu selon les mêmes règles : on tire à boulets rouges sur un ennemi plus ou moins imaginaire en prenant des postures de guerriers bombant le torse comme le premier BHL venu. à ce jeu là, chaque adversaire devient l'idiot utile de l'autre.
Comme, parfois, il faut néanmoins combattre le mal par le mal, j'ai l'intention de proposer à la cantonade un geste "anti-connards" comme il existe des gestes "anti-système" ou "anti-sémites" ou "anti-n'importe-quoi-selon-l'humeur". Je n'en suis pas l'inventeur (de toute façon, "la quenelle" est actuellement créditée à Peter Sellers dans Docteur Folamour, parait-il), mais on s'en fout. Pour expliquer la manœuvre, j'appelle à la barre Monsieur Homer S., de Springfield.
"Quelle quiche..."
Voilà. Vous aussi, résistez, et faites le geste de la Quiche. L'univers et le bon sens vous en remercieront.
* c'est aussi le mot pour tondeuse, en Anglais. Et moi, je dis que tous ceux qui ne vivent que par et pour le buzz comme ça, il ne serait du coup que justice de les tondre à la Libération.
** rappelons à ceux qui voudraient un retour à l'étalon-or que l'or n'a aucune valeur en soi non plus, à part celle que lui attribuent arbitrairement les porteurs de gourmettes, officines de rachat/recel au coin de la rue, et autres traders cocaïnés. Ou alors comme conducteur dans l'électronique, mais c'est un autre problème. En soi, il ne se mange pas, ne rend pas le gens plus intelligents ni spécialement plus beaux même quand ils s'en couvrent, il suffit d'aller dans le Seizième, ou de voir un clip de rap pour s'en convaincre.
Commentaires
(Oui, Axel a pris le Thoreau par les cornes et est allé vivre dans les bois dans cette région d'Amérique qui s'est récemment transformée en surcursale des pôles)