Un certain nombre de facteurs font que je ne suis pas critique musical. Au premier rang desquels une certaine distance goguenarde envers les poses et les postures des musicos. Et au second rang desquels le fait que plus le temps passe, plus ce qui sort m'emmerde. C'est bien le problème : ça m'agacerait, encore, ça prouverait que ça me touche à un niveau quelconque. Alors que la plupart du temps, même pas, ça distille juste de l'ennui. Si, il y en a un qui m'agace, remarquez, et c'est Christophe Mahé. Il réussit à imiter le style vocal pleurnichard des pisseuses de RnB, et on a juste envie de lui coller des baffes pour qu'il ait au moins une vraie raison de pleurer. Bref. Ce qui se fait en musique dans ce pays, je ne sais pas à qui ça parle, mais en tout cas pas à moi. Et comme je suis un garçon fondamentalement honnête, contrairement à ce que vous pourriez croire, je me vois mal parler sérieusement de musique. Depuis le temps que je n'écoute que des vieux trucs, ce qui se fait maintenant, je n'y connais plus rien.
Mais, par moments, il m'arrive d'être pris de remords, de me dire "c'est juste que je vire vieux con, il faut que voie ce qui se passe, sous peine de m'encroûter et tout". Et donc, de lire une critique d'un album récent, de faire semblant de m'intéresser. Ce qui m'amène à un autre truc curieux qui m'éloigne de la critique musicale. Quand je lis des critiques, en général, il ne faut surtout pas que j'écoute ensuite les disques dont elles parlaient. Ça me rend dingue. En général, le critique musical vous fait plein de comparaisons, convoque plein de belles idées, vous donne l'impression d'une immense profondeur dans l'objet de son étude... Et quand j'écoute le disque, je n'y retrouve en général rien de ce que j'ai lu. C'est quasi immanquable (à part en général avec les critiques de musique classique, mais ceux-là sont souvent de vrais journalistes, ils sont factuels, alors que les autres critiques musicaux, j'en viens à me demander s'ils ne sont pas formés au même endroit que les commentateurs sportifs), il y a un décalage absolu, irréconciliable, un gouffre, entre ce que dit le critique, et la réalité de la musique.
C'est ce qui vient de m'arriver en me connectant au site d'un quotidien français de référence. Il présentait en écoute gratuite le nouvel album de Justice, duo français electro qui avait eu sa petite notoriété, il y a quelque temps de ça, grâce à de savantes provocations ciblées, de l'utilisation d'une imagerie néo-chrétienne risible à un clip "ultraviolent" dont l'interdiction elle-même a été parfaitement mise en scène.
On a souvent essayé de me vendre la French Touch en me vantant son second degré. Dans la plupart des cas, il m'a semblé être au mieux inexistant, au pire complètement artificiel, juste un moyen de se dédouaner d'un manque crasse d'imagination camouflé sous des effets pompiers. Le sampling est par essence une machine à citer, mais un dictionnaire de citations ne devient une œuvre que si on triche avec (voir les pages roses du dico de Desproges, qui pour le coup étaient géniales), il ne suffit pas de prétendre détourner pour détourner de façon effective, sinon c'est comme des terroristes détournant vers Cuba le vol Paris-La Havanne de 12h47. Ou alors, il faut que la citation ne soit qu'une propriété émergente a posteriori, comme ce mythique sample par les Young Gods d'un train qui freinait en gare de Zurich et qui, par la grâce de bidouilles diverses (passé à l'envers hyper lentement) devenait un clin d'œil aux ambiances du Meddle des Pink Floyd.
Bref.
Figurez-vous que, du coup, je l'ai écouté, le nouveau Justice. Il aurait dû avoir tout pour me plaire, c'était quasiment que de la citation de rock progressif des années 70 mis à la sauce electro. Ce même rock progressif que j'ai toujours apprécié, et dont ça fait quarante ans qu'il est de bon ton de se moquer dans les milieux branchés. Sauf que c'est comme si Sexion d'Assaut citait du Racine dans le texte, normalement au bout de deux lignes on a vingt fautes d'orthographes et quatre contresens. Et là, c'est un peu pareil. Je ne sais pas si ces contre-temps systématiques sont délibérés ou juste maladroit, mais ils n'arrivent qu'à châtrer d'emblée l'espèce d'ampleur qui était une des marques du rock progressif (l'autre étant son inventivité, mais il faudra expliquer à certains de nos jeunes artistes que c'est rarement une bonne idée de tenter d'imiter l'inventivité de quelqu'un d'autre, par principe). Du coup, ce qui aurait pu passer pour une tentative de réhabilitation d'un genre moqué ressemble plus à une parodie maladroite, à un pillage pataud, à un réemballage foireux. Grosso modo, ça applique au rock progressif des années 70-75 ce que Daft Punk avait tenté de faire avec le Funk. Avec la même tonitruante absence de résultat probant, la même impression de vide conceptuel, la même mollesse fondamentale planquée sous le concours de beat.
Et qu'en dit le chroniqueur du Monde , employé rémunéré d'un quotidien national de référence ? "Un peu, mais pas seulement. Audio, video, disco est une mutation habile, une transition inespérée entre le Justice d'hier et celui de demain, un duo désormais plus porté sur la disco qui montre les crocs. Histoire de jeter aux oubliettes les habits d'une French Touch fossilisée et tendre vers quelque chose de nouveau."
Et là, on se dit qu'en fait, la crise de la presse et la crise du disque, elles sont méritées toutes les deux.
Mais, par moments, il m'arrive d'être pris de remords, de me dire "c'est juste que je vire vieux con, il faut que voie ce qui se passe, sous peine de m'encroûter et tout". Et donc, de lire une critique d'un album récent, de faire semblant de m'intéresser. Ce qui m'amène à un autre truc curieux qui m'éloigne de la critique musicale. Quand je lis des critiques, en général, il ne faut surtout pas que j'écoute ensuite les disques dont elles parlaient. Ça me rend dingue. En général, le critique musical vous fait plein de comparaisons, convoque plein de belles idées, vous donne l'impression d'une immense profondeur dans l'objet de son étude... Et quand j'écoute le disque, je n'y retrouve en général rien de ce que j'ai lu. C'est quasi immanquable (à part en général avec les critiques de musique classique, mais ceux-là sont souvent de vrais journalistes, ils sont factuels, alors que les autres critiques musicaux, j'en viens à me demander s'ils ne sont pas formés au même endroit que les commentateurs sportifs), il y a un décalage absolu, irréconciliable, un gouffre, entre ce que dit le critique, et la réalité de la musique.
C'est ce qui vient de m'arriver en me connectant au site d'un quotidien français de référence. Il présentait en écoute gratuite le nouvel album de Justice, duo français electro qui avait eu sa petite notoriété, il y a quelque temps de ça, grâce à de savantes provocations ciblées, de l'utilisation d'une imagerie néo-chrétienne risible à un clip "ultraviolent" dont l'interdiction elle-même a été parfaitement mise en scène.
On a souvent essayé de me vendre la French Touch en me vantant son second degré. Dans la plupart des cas, il m'a semblé être au mieux inexistant, au pire complètement artificiel, juste un moyen de se dédouaner d'un manque crasse d'imagination camouflé sous des effets pompiers. Le sampling est par essence une machine à citer, mais un dictionnaire de citations ne devient une œuvre que si on triche avec (voir les pages roses du dico de Desproges, qui pour le coup étaient géniales), il ne suffit pas de prétendre détourner pour détourner de façon effective, sinon c'est comme des terroristes détournant vers Cuba le vol Paris-La Havanne de 12h47. Ou alors, il faut que la citation ne soit qu'une propriété émergente a posteriori, comme ce mythique sample par les Young Gods d'un train qui freinait en gare de Zurich et qui, par la grâce de bidouilles diverses (passé à l'envers hyper lentement) devenait un clin d'œil aux ambiances du Meddle des Pink Floyd.
Bref.
Figurez-vous que, du coup, je l'ai écouté, le nouveau Justice. Il aurait dû avoir tout pour me plaire, c'était quasiment que de la citation de rock progressif des années 70 mis à la sauce electro. Ce même rock progressif que j'ai toujours apprécié, et dont ça fait quarante ans qu'il est de bon ton de se moquer dans les milieux branchés. Sauf que c'est comme si Sexion d'Assaut citait du Racine dans le texte, normalement au bout de deux lignes on a vingt fautes d'orthographes et quatre contresens. Et là, c'est un peu pareil. Je ne sais pas si ces contre-temps systématiques sont délibérés ou juste maladroit, mais ils n'arrivent qu'à châtrer d'emblée l'espèce d'ampleur qui était une des marques du rock progressif (l'autre étant son inventivité, mais il faudra expliquer à certains de nos jeunes artistes que c'est rarement une bonne idée de tenter d'imiter l'inventivité de quelqu'un d'autre, par principe). Du coup, ce qui aurait pu passer pour une tentative de réhabilitation d'un genre moqué ressemble plus à une parodie maladroite, à un pillage pataud, à un réemballage foireux. Grosso modo, ça applique au rock progressif des années 70-75 ce que Daft Punk avait tenté de faire avec le Funk. Avec la même tonitruante absence de résultat probant, la même impression de vide conceptuel, la même mollesse fondamentale planquée sous le concours de beat.
Et qu'en dit le chroniqueur du Monde , employé rémunéré d'un quotidien national de référence ? "Un peu, mais pas seulement. Audio, video, disco est une mutation habile, une transition inespérée entre le Justice d'hier et celui de demain, un duo désormais plus porté sur la disco qui montre les crocs. Histoire de jeter aux oubliettes les habits d'une French Touch fossilisée et tendre vers quelque chose de nouveau."
Et là, on se dit qu'en fait, la crise de la presse et la crise du disque, elles sont méritées toutes les deux.
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Lien vers leur site: http://www.noisemag.net/ (Y a même Benjamin - pas Basso, l'autre - de Superpouvoir qui y chronique).