Accéder au contenu principal

Dans le gourbi de Gorby

Ah, aujourd'hui c'est la journée des Moutons à Cinq Pattes, celle des souvenirs laissés à l'Ukraine par l'Union Soviétique, celle de l'anniversaire de Tchernobyl.

Trente ans et toutes ses dents. Enfin non, pas toutes ses dents, à cause des radiations, bien sûr.

Du coup, et histoire de ne pas trop vous saouler avec des extraits d'Eschatôn, bientôt en vente dans toutes les librairies (c'est bon, Soy, pas la peine de coller le compte à rebours), j'ai décidé de vous sortir un extrait de ce qui est déjà une vieillerie, mon petit bouquin Apocalypses ! Une brève histoire de la fin des temps, dont je signale au passage (wink wink, nudge nudge, comme dirait l'autre) qu'il n'en reste plus des masses chez l'éditeur et donc que si vous en voulez, faut pas trop traîner.

Bref, voilà ce que je disais de Tchernobyl il y a quatre ans :

L’écriture sur le mur

Il n’y a que les diamants et les impôts qui sont éternels. Et donc, l’Empire du Mal que dénonçait Reagan devait bien finir par s’effondrer sous son propre poids, tel un dinosaure rouge frappé d’obsolescence. Entre la sénescence de ses dirigeants, conduisant à leur remplacement accéléré, et la pesanteur croissante de la bureaucratie, le pays souffre d’une paralysie graduelle jusqu’à ce que le Soviet suprême accepte un dirigeant issu d’une génération plus jeune et plus dynamique, Mikhaïl Gorbatchev. Ce dernier en profitera bien entendu pour réformer tout le système en profondeur, à la première occasion.
Mais comme il l’a fort bien dit lui-même : « Aucune révolution ne donne exactement les résultats escomptés. » Le grand signe avant-coureur de la fin fut, comme de juste, une énorme catastrophe. Le 26 avril 1986 (soit trois mois après l’explosion au décollage de la navette spatiale Challenger, qui aurait pu être un signe avant-coureur de la chute de l’Amérique, sauf que cette chute n’a pas eu lieu, comme quoi il faut se méfier des signes avant-coureurs), le 26 avril, donc, l’explosion du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl est le révélateur des faiblesses structurelles du régime. Malgré la Glasnost, la toute nouvelle politique de transparence, il faut trois jours à l’Union Soviétique pour admettre le problème. Pis encore, l’accident démontre l’obsolescence des technologies, le manque chronique d’entretien, la pesanteur et l’inadaptation des procédures.
Et avec un moteur économique déjà en train de se gripper, impossible de renverser la tendance. Les coutures craquent de partout, et trois ans plus tard, le régime communiste est bien forcé de lâcher du lest, et pas qu’un peu. Des incidents de frontière à répétition conduisent à lâcher les alliées d’Europe de l’Est et à démanteler d’un coup le rideau de fer et sa matérialisation la plus évidente : le mur qui sépare à l’époque Berlin en deux secteurs.
Ce n’est pas la fin du monde que l’on annonce après la chute du mur, mais la fin de l’histoire (curieusement, la fin de l’histoire avait précédemment été annoncée lors de l’avènement des sociétés communistes, puis de l’instauration de l’équilibre de la terreur). Le concept sera remplacé par la suite par la mal nommée fin des idéologies, prétexte paradoxalement à l’instauration d’une idéologie hégémonique.
De fait, le mur de Berlin était un symbole fort, et comme tout bon symbole, à multiples facettes. Il représentait une partition du monde, et toute partition vaut mise en ordre. Après le mur, c’était un espace autre, c’était l’Est, l’ennemi, le contre-modèle. Un célèbre graffiti sur le mur indiquait bien : « prochain Coca Cola, 10000 kilomètres ». La fin du mur, c’est de façon insidieuse le retour du chaos, d’une certaine indifférenciation, et par là une perte de tous les repères. D’ennemi ultime, le Russe devient si ce n’est un allié, du moins un partenaire face à un monde qui a d’un coup besoin d’ordre. Ce n’est probablement pas une coïncidence si l’Amérique se cherche dès lors de nouveaux ennemis (monsieur Saddam H., de Bagdad, pourrait longuement en parler) et si George H. Bush parle à l’époque d’un « nouvel ordre mondial » qu’il est urgent de bâtir, notion qui fera beaucoup parler d’elle.

Parce que qui dit écroulement de l’ordre ancien dit aussi, souvent, brouillage des frontières et renversement des alliances. L’ennemi d’hier (Russe ou Libyen) peut devenir le nouveau meilleur ami, tandis que l’allié d’hier (Irakien, ou moudjahiddine en Afghanistan) peut très bien devenir un ennemi mortel…

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Bonneteau sémantique

Bon, même si j'ai pas vraiment d'éditeur en ce moment, pour les raisons que vous savez (si vous êtes éditeur et que je vous ai pas encore embêté en vous envoyant mes trucs, manifestez-vous), je continue à écrire.   Avec le temps, j'en ai déjà causé, je suis devenu de plus en plus "jardinier", en ce sens que quand je commence à écrire, je n'ai plus qu'un plan très succinct, indiquant juste la direction du récit et ses grosses balises et je me laisse porter par les situations et les personnages. Bon, une des raisons, c'est que quand je faisais des plans détaillés, j'en foutais la moitié au panier en cours de route. Une autre, c'est que je me fais plus confiance, à force. Là où j'ai changé mon fusil d'épaule, c'est que le truc sur lequel je bosse en ce moment est un roman d'anticipation (développant l'univers posé dans quelques unes de mes nouvelles, on retrouve d'ailleurs un personnage) et pas de fantasy. Mon plan se rédui...

Return of the space cow-boy

 À l'occasion de ma pause post-prandiale, je m'étais remis la scène d'ouverture d' Il était une fois dans l'ouest , parce que ça fait du bien des fois de revenir aux fondamentaux. Et puis, alors que je tentais de me remettre au boulot, j'ai tilté que le nouvel épisode d' Alien Earth venait de sortir. Bon, j'en causerai pas plus avant aujourd'hui, because que j'attends la fin de la série pour me faire un avis définitif (j'aime bien  Noah Hawley à la base, y a des choses que j'apprécie là-dedans et d'autre dont... j'attends de voir comment elles vont évoluer), mais j'ai eu un petit tilt. Ça représentait en apparence une sorte de grand écart conceptuel et esthétique, Charles Bronson et son harmonica d'un côté, Timothy Olyphant peroxydé téléchargeant des données biologiques de l'autre, sauf que... non, en fait. Ben oui, le western et le récit spatial (bon, même si on est pas dans le spatial avec Alien Earth , mais avec la...

C Jérôme

 Ah, on me souffle dans l'oreillette que c'est la Saint Jérôme, en l'hommage au patron des traducteurs, et plus précisément des traducteurs qui se fâchent avec tout le monde, parce qu'il était très doué dans ce second domaine, le gaillard.   Jéjé par Léonard   Bon, après, et à sa décharge, c'est une époque où le dogme est pas totalement fixé et où tout le monde s'engueule en s'envoyant des accusations d'hérésie à la figure. À cette occasion, le Jéjé se montre plus polémique que traducteur et doit se défendre parce qu'il a aussi traduit des types convaincus ensuite d'hérésie. De nos jours, son grand oeuvre c'est la traduction latine de la Bible. Ce n'est pas la première du genre, mais c'est la plus précise de l'époque. Il s'est fondé notamment sur une version d'Origène (un des hérétiques qui lui vaudront des problèmes) qui mettait en colonnes six versions du texte, deux en hébreu et quatre en grec et fait des recherches de ...

Causes, toujours

 Dans la mesure où j'ai un peu de boulot, mais que ce n'est pas du tout intense comme ça a pu l'être cette année, j'en profite pour tomber dans des trous du lapin de documentation, qui vont de la ville engloutie de Kitej (pour une idée de roman avec laquelle je joue depuis l'an passé mais que je ne mettrai pas en oeuvre avant de l'avoir bien fait mûrir) à des considérations sur les influences platoniciennes sur le christianisme et le gnosticisme primitifs (pour me tenir à jour sur des sujets qui m'intéressent de façon personnelle) à des trucs de physiques fondamentale pour essayer des comprendre des choses sans doute trop pointues pour moi.     Là, ce soir, c'étaient des conversations entre physiciens et un truc m'a fait vriller. L'un d'entre eux expliquait que la causalité est une notion trop mal définie pour être encore pertinente en physique. Selon lui, soit on la repense, soit on la vire. Il cite un de ses collègues britanniques qui disai...

Fils de...

Une petite note sur une de ces questions de mythologie qui me travaillent parfois. Je ne sais pas si je vais éclairer le sujet ou encore plus l'embrouiller, vous me direz. Mon sujet du jour, c'est Loki.  Loki, c'est canoniquement (si l'on peut dire vu la complexité des sources) le fils de Laufey. Et, mine de rien, c'est un truc à creuser. Chez Marvel, Laufey est représenté comme un Jotun, un géant. Et, dans la mythologie nordique, le père de Loki est bien un géant. Sauf que... Sauf que le père de Loki, en vrai, c'est un certain Farbauti, en effet géant de son état. Un Jotun, un des terribles géants du gel. Et, dans la poésie scaldique la plus ancienne, le dieu de la malice est généralement appelé fils de Farbauti. Laufey, c'est sa mère. Et, dans des textes un peu plus tardifs comme les Eddas, il est plus souvent appelé fils de Laufey. Alors, pourquoi ? En vrai, je n'en sais rien. Cette notule n'est qu'un moyen de réfléchir à haute voix, ou plutôt...

Rebooteux

 Bon, on a profité de l'été pour se faire des sorties cinés avec la tribu Lavitch. Et comme il y a un tropisme comics par ici, ça a été Superman et Fantastic Four.     Pas grand-chose à dire sur le FF , qui est dans la moyenne des films Marvel en termes de scénar, mais bénéficie d'une belle direction artistique et d'un ton qui, pour le coup, colle assez avec ce qu'on était en droit d'attendre d'un film sur le quatuor le plus emblématique des comics, et qu'aucun des films précédents qui leur étaient consacrés n'arrivait à approcher (à part peut-être un peu le Corman, mais on reconnaîtra que c'est un cas particulier). Pas le film de l'année, mais un moment fun et coloré. On notera que prendre une actrice qui s'appelle Kirby pour faire le personnage le plus stanleesque de la bande ne manque pas d'ironie, mais elle fait bien le job, donc...  Fun et coloré, ce sont aussi des mots qui viennent à l'esprit en voyant le Superman , James Gunn ...

Sur la route encore

 Longtemps que je n'avais pas rêvé d'un voyage linguistique. Ça m'arrive de temps en temps, je ne sais pas pourquoi. Là j'étais en Norvège, je me retrouve à devoir aller dans le nord du pays pour accompagner un groupe, je prends un ferry puis une sorte de car pour y aller. Une fois sur place, on se fait une forteresse de bois surplombant un fjord, c'est féérique et grandiose. Pour le retour, pas de car. On me propose un camion qui redescend par la Suède, j'accepte le deal. Je me retrouve à voyager à l'arrière d'abord puis, après la douane, je passe devant avec le conducteur qui parle un français bancal et son collègue co-pilote qui cause un anglais foireux. Bon baragouine en suivant des routes tortueuses entre des pins gigantesques. Y a des étapes dans des trucs paumés où on s'arrête pour manger, un début de bagarre qu'on calme en payant une bouffe à tout le monde. Des paysages chouettes. Je suis jamais arrivé à destination, le réveil a sonné, ma...

Si tu ne viens pas à Cthulhu, Cthulhu viendra à toi !

Ça ne change pas, je vais encore passer du temps et noircir du papier à cause de Lovecraft. Il ne me lâchera jamais. Ou je ne le lâcherai pas, c'est comme une valse indicible.    Bref, dans les semaines à venir, il va encore y avoir du tentacule, c'est moi qui vous le dis. Jeudi 9  octobre à 18h30 je donnerai une conférence sur Lovecraft à la Bibliothèque Francophone Multimédia (non, je ne suis pas invité sur BFM, je me respecte, un peu, quand même) de Limoges. Si vous avez des bouquins à signer, amenez-les, c'est prévu.   Vendredi 21 et samedi 22 novembre je serai au Campus Miskatonic de Verdun comme tous les ans, et cette année, en partenariat avec Actu-SF il y aura une anthologie thématique, Pixels Hallucinés, à laquelle je participe. Par ailleurs, le samedi 3 octobre je serai à Marmande pour le petit salon des Ukronies du Val, dans un joli cadre et avec une organisation très sympathique. 

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...

Chronique des années de Peste, livre 15

 Normalement, on arrive à cette période de l'année où mes aventures absurdes en Charente alimentent la War Zone. Pas cette fois-ci, vu que le festival est reporté en juin. Et vu l'ambiance, pas sûr que j'y aille, ne serait-ce que pour soutenir le mouvement des collègues appelant au boycott du festival tant que certaines choses n'auront pas été revues au niveau du statut des auteurs, notamment au niveau des conditions de venue en festival. On échange donc avec les copains des messages gag nous donnant rendez-vous à tel ou tel bar d'Angoulème, et c'est quand même bien grinçant. On rit tellement jaune qu'on s'interroge sur l'état de notre foie, ou qu'on se croit dans les Simpsons. Alors qu'en vrai, nos gouvernants fonctionnent comme dans un épisode de South Park. Bref, tenez pas compte, je suis aigri et grognon, là, entre ces confinements qui devraient en être mais n'en sont pas, et ont tous les inconvénients des vrais sans en avoir l'ef...