Il y a des matins, comme ça, où l'on se réveille, on met le café en route, et en le buvant, on commence le boulot de la journée tranquillement, histoire de se roder, de ce mettre en route en douceur.
Surtout quand le boulot, c'est la traduction de vieux épisodes de Spawn. Voilà une série sur laquelle je suis quand même un peu au point, depuis le temps. Si j'étais du genre à fêter ce genre de choses, j'aurais pu fêter dernièrement mon deux-centième épisode de Spawn traduit. Il n'y a guère que sur Batman et ses dépendances que j'en ai fait plus. Même en Star Wars, je dois être nettement en dessous, à 170 ou 180 fascicules transposés en langue de Molière.
Bref, cela s'annonçait comme une matinée de routine, tranquille, avec moitié du Spawn, et l'autre moitié, mettons, consacrée à boucler le premier épisode de ma rubrique dans la revue Fiction (normalement, ça s'appellera "les mains dans le cambouis, la tête dans les étoiles").
Et puis pouf, un motif de l'épisode du jour, c'est La Charge de la Brigade Légère, d'Alfred Tennyson. Tennyson, c'est comme Kipling quand il fait de la poésie. Non qu'il écrive pareil, mais c'est un poète tellement marqué par son contexte et la grandeur de l'empire britannique qu'il ne peut que difficilement passer la Manche pour être lu par des froggies contestataires, de la canaille régicide qui ne respecte rien et ne sait pas garder sa dignité et la lèvre supérieure rigide sous la mitraille.
De fait, Lord Alfred a été peu traduit par chez nous, et il n'intéresse pas grand-monde.
Le problème, c'est que quand je tombe sur des citations de vieux textes comme ça, j'essaie de me caler sur une traduction d'époque, ou traditionnelle. Pour les citations de Shakespeare, c'est pas compliqué de trouver en ligne des VF un peu chouettes dans lesquelles piocher. Pour la Bible, elle est en ligne depuis longtemps dans des dizaines de versions (quand le cas se présente, j'ai tendance à préférer la Louis Second 1910, quitte à remettre un peu le texte à ma main) et ainsi de suite. Google est mon ami, et j'ai généralement vite fait de trouver ce que je cherche.
Pour Tennyson, la seule traduction que j'ai trouvée en ligne était quand même considérablement pourrie. ("league" traduit par "ligue" alors qu'il s'agissait bien entendu d'une "lieue", etc.)
Et donc, pendant que le café refroidissait, il a fallu que je tape un bon tiers du poème, en deux extraits. Je ne prétend pas être poète moi-même, mais il faut quand même faire le boulot.
"Une demi lieue, une demi lieue, une demi lieue, en avant !
Dans la vallée de la mort chargèrent les six cent.
Sans poser de question, et même sans rien dire,
Juste faire leur devoir, quitte à en mourir."
Et
"à leur droite des canons
à leur gauche des canons
Et des canons derrière
Tirs nourris et tonnerre
Boulets et obus tombant d'en haut
Comme tombent les chevaux et tombent les héros
Ils ont tous si bien combattu
Traversé les mâchoires de la mort
Et sont revenus de la bouche de la mort
Tout ce qu'il restait, couvert de sang
Ce qu'il restait des six cent.
Quand donc s'éteindra la gloire
De cette charge barbare ?
Le monde s'en sera souvenu
Et honorera la charge sous la canonnade
Et honorera cette héroïque brigade
Et les noble six cent."
Ce qui est bien, dans ce métier, c'est qu'on a un peu l'impression, nous aussi, parfois, de charger dans la vallée de la mort sous la canonnade, quand on ouvre les bouquins.
Surtout quand le boulot, c'est la traduction de vieux épisodes de Spawn. Voilà une série sur laquelle je suis quand même un peu au point, depuis le temps. Si j'étais du genre à fêter ce genre de choses, j'aurais pu fêter dernièrement mon deux-centième épisode de Spawn traduit. Il n'y a guère que sur Batman et ses dépendances que j'en ai fait plus. Même en Star Wars, je dois être nettement en dessous, à 170 ou 180 fascicules transposés en langue de Molière.
Bref, cela s'annonçait comme une matinée de routine, tranquille, avec moitié du Spawn, et l'autre moitié, mettons, consacrée à boucler le premier épisode de ma rubrique dans la revue Fiction (normalement, ça s'appellera "les mains dans le cambouis, la tête dans les étoiles").
Et puis pouf, un motif de l'épisode du jour, c'est La Charge de la Brigade Légère, d'Alfred Tennyson. Tennyson, c'est comme Kipling quand il fait de la poésie. Non qu'il écrive pareil, mais c'est un poète tellement marqué par son contexte et la grandeur de l'empire britannique qu'il ne peut que difficilement passer la Manche pour être lu par des froggies contestataires, de la canaille régicide qui ne respecte rien et ne sait pas garder sa dignité et la lèvre supérieure rigide sous la mitraille.
De fait, Lord Alfred a été peu traduit par chez nous, et il n'intéresse pas grand-monde.
Le problème, c'est que quand je tombe sur des citations de vieux textes comme ça, j'essaie de me caler sur une traduction d'époque, ou traditionnelle. Pour les citations de Shakespeare, c'est pas compliqué de trouver en ligne des VF un peu chouettes dans lesquelles piocher. Pour la Bible, elle est en ligne depuis longtemps dans des dizaines de versions (quand le cas se présente, j'ai tendance à préférer la Louis Second 1910, quitte à remettre un peu le texte à ma main) et ainsi de suite. Google est mon ami, et j'ai généralement vite fait de trouver ce que je cherche.
Pour Tennyson, la seule traduction que j'ai trouvée en ligne était quand même considérablement pourrie. ("league" traduit par "ligue" alors qu'il s'agissait bien entendu d'une "lieue", etc.)
Et donc, pendant que le café refroidissait, il a fallu que je tape un bon tiers du poème, en deux extraits. Je ne prétend pas être poète moi-même, mais il faut quand même faire le boulot.
"Une demi lieue, une demi lieue, une demi lieue, en avant !
Dans la vallée de la mort chargèrent les six cent.
Sans poser de question, et même sans rien dire,
Juste faire leur devoir, quitte à en mourir."
Et
"à leur droite des canons
à leur gauche des canons
Et des canons derrière
Tirs nourris et tonnerre
Boulets et obus tombant d'en haut
Comme tombent les chevaux et tombent les héros
Ils ont tous si bien combattu
Traversé les mâchoires de la mort
Et sont revenus de la bouche de la mort
Tout ce qu'il restait, couvert de sang
Ce qu'il restait des six cent.
Quand donc s'éteindra la gloire
De cette charge barbare ?
Le monde s'en sera souvenu
Et honorera la charge sous la canonnade
Et honorera cette héroïque brigade
Et les noble six cent."
Ce qui est bien, dans ce métier, c'est qu'on a un peu l'impression, nous aussi, parfois, de charger dans la vallée de la mort sous la canonnade, quand on ouvre les bouquins.
Commentaires
Un poète sommeil en toi
Krka
Pas ironique.
Sarcastique.